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Depuis qu’Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée et convoqué de nouvelles élections dans les délais les plus courts permis par la constitution, le débat public nage dans la plus grande confusion. Les Français sont pourtant face à un choix limpide. La poursuite du mandat d’Emmanuel Macron, l’alternative autoritaire, nationaliste et xénophobe du Rassemblement national (qui abandonne une à une ses promesses sociales) ou un projet de rupture écologique et sociale fondée sur la redistribution des richesses en faveur du monde du travail, des classes moyennes et populaires, portée par l’union de la gauche. Au lieu de débattre du bien-fondé de chaque projet ou simplement de s’alarmer de l’ascension au pouvoir d’un parti fondé par des Waffen SS et un antisémite tortionnaire, les principaux médias se font le relais de la communication du gouvernement, du RN et de leurs alliés

Trois arguments absurdes sont répétés sans cesse pour entretenir la confusion et manipuler les électeurs :

1 – « Le Nouveau Front Populaire est d’extrême gauche »

Ce qualificatif permet de renvoyer dos à dos « les extrêmes » et de justifier des choix qui seraient normalement difficile à assumer publiquement : le vote RN au premier tour (tant qu’à voter « extrême »), le vote pour Emmanuel Macron (pour « faire barrage aux extrêmes »), le refuse de voter pour le Nouveau Front Populaire en cas de duel avec le RN (le « ni ni » qui revient à avantager l’extrême-droite) voire le vote RN pour faire barrage à LFI. Par extension et raccourcis malhonnête, tout le Nouveau Front populaire se voit qualifié d’extrême gauche par de nombreux représentant du pouvoir.

En mars 2024, le Rassemblement national a saisi le Conseil d’État pour contester le label “extrême droite” qui lui était appliqué par le ministère de l’Intérieur dans les documents officiels. Le RN espérait également obtenir la requalification de La France Insoumise, alors classée au sein du bloc de gauche, en partie d’extrême gauche. Bilan ?

Le Conseil d’État a tranché : le RN est bien d’extrême droite, et LFI n’est pas d’extrême gauche

Si ce parti disparaissait, les mêmes arguments et procédés seraient déployés contre les écologistes, François Ruffin ou toute autre formation susceptible de s’opposer au couple Macron-Le Pen.

Notons également que pour les législatives de juin 2024, le ministère de l’Intérieur (de Macron et Darmanin) a choisi de qualifier l’alliance RN-LR de « union de l’extrême droite » et le Front populaire d’ « union de la gauche ». Toujours pas la moindre trace d’un qualificatif “extrême” pour LFI, contrairement au Rassemblement national. Le débat semble clos, si l’on en croit les institutions. 

Ceux qui visent à qualifier LFI d’extrémisme se basent généralement sur trois arguments. La prétendue radicalité de leur programme économique et social (soutenu par 300 économiste et bien moins ambitieux que celui de la NUPES ou l’Avenir en commun porté par Mélenchon en 2022), les accusations non étayées et outracières d’antisémitisme et une vague notion selon laquelle les positions et propos clivants tenus par le parti de Jean-Luc Mélenchon justifieraient le qualificatif “d’extrême”. 

Sur ce dernier point, rien de nouveau. Dès le mois d’aout 2022, la Première ministre d’Emmanuel Macron Elizabeth Borne tentait de rejeter LFI “en dehors de l’arc républicain” avec comme seule justification le fait que ce parti d’opposition refusait le moindre compromis sur la réforme des retraites. Si s’opposer à la politique du gouvernement fait de vous un extrémiste, le pays est rempli de tels individus. Et c’est bien pour cela, en réalité, que LFI est sans cesse diabolisée : il s’agit de la seule force politique majeure qui s’oppose sans le moindre compromis au gouvernement et à l’extrême droite. Ce n’est pas par hasard si les médias dominants, la droite et l’extrême droite s’acharnent contre LFI. Si ce parti disparaissait, les mêmes arguments et procédés seraient déployés contre les écologistes, François Ruffin ou toute autre formation susceptible de s’opposer au couple Macron-Le Pen.

Ce n’est pas LFI qui a provoqué le soulèvement des banlieues, mais un meurtre commis par un policier soutenu par sa hiérarchie. Ce n’est pas LFI qui pousse la Nouvelle-Calédonie vers la guerre civile, mais les décisions pyromanes du gouvernement. Ce n’est pas LFI qui reprend les termes de l’extrême droite (“immigrationiste” “ensauvagement” “décivilisation”)

Il est par ailleurs frappant de constater que l’adjectif » extrémiste » n’est jamais appliqué au camp présidentiel, qui a pourtant provoqué la crise des gilets jaunes, imposé une réforme des retraites impopulaire en contournant le Parlement et gouverne à coup de 49-3. Ce n’est pas LFI qui a provoqué le soulèvement des banlieues, mais un meurtre commis par un policier soutenu par sa hiérarchie. Ce n’est pas LFI qui pousse la Nouvelle-Calédonie vers la guerre civile, mais les décisions pyromanes du gouvernement. Ce n’est pas LFI qui reprend les termes de l’extrême droite (“immigrationiste” “ensauvagement” “décivilisation”), qui lance des “qu’ils viennent me chercher” lorsque son conseiller se déguise en policier pour tabasser des manifestants ou qui justifie une dissolution expresse de l’Assemblée juste avant les Jeux olympiques, entrainant une panique des marchés financiers tout en expliquant :“Je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent…” avant d’invoquer “la guerre civile” en cas de victoire d’un des “extrêmes”. C’est Emmanuel Macron. 

2 – “La France insoumise est un parti antisémite”

C’est le principal argument mis en avant pour taxer la gauche “d’extrémisme” et LFI de parti infréquentable. Cette attaque particulièrement violente ne repose sur aucun fait clairement établi : l’antisémitisme est un délit. Or, aucun cadre ou élu de LFI n’a été condamné pour des propos antisémites. À l’inverse, de nombreux élus et cadres du RN ont été condamnés pour antisémitisme, racisme ou autres propos incitant à la haine.

Le camp présidentiel n’a pas davantage de leçons à donner. Emmanuel Macron avait tenté de rendre un hommage national à deux antisémites notoires : Charles Maurras et le Maréchal Pétain. Gérald Darmanin a fait ses classes politiques à l’Action française, un groupuscule connu pour son antisémitisme. Plus récemment, le ministre de l’Intérieur avait été accusé d’antisémitisme pour des propos écris dans son livre paru pour justifier sa loi sur le séparatisme religieux et avait cité Jacques Bainville, antisémite notoire, lors des débats à l’Assemblée nationale. Surtout, c’est sous le mandat d’Emmanuel Macron que les actes antisémites se sont multipliés. Les enquêtes d’opinion montrent également que l’antisémitisme ou le manque d’inquiétude vis-à-vis de l’antisémitisme est bien plus répandu dans l’électorat de droite et d’extrême droite qu’à gauche. Mais c’est pourtant LFI qui se retrouve accusée d’antisémitisme, de mettre les Français de confession juive en danger et de “propager la haine de l’autre”.

Cette attaque est une vieille stratégie récemment déployée dans d’autres démocraties pour disqualifier deux candidats proposant une véritable rupture avec l’ordre établi : Bernie Sanders aux États-Unis et Jeremy Corbyn au Royaume-Uni. 

Sur quelle base ? La dénonciation du génocide en cours à Gaza et du nettoyage ethnique (ce sont les mots de Gérard Arault, ancien ambassadeur de Sarkozy en Israël) perpétué dans les territoires illégalement occupés de Cisjordanie. Il ne se passe pas une journée sans que des images atroces parviennent de Gaza et pas une semaine sans qu’un rapport de l’ONU ou d’une ONG atteste des crimes contre l’humanité ou de l’emploi systémique de la torturedu viol et de la famine contre les Palestiniens. Mais critiquer cela ferait de vous un antisémite, même si de nombreux Israéliens manifestent justement contre guerre. LFI serait coupable d’instrumentaliser le vote musulman, un argument empli de racisme et d’islamophobie qui ne choque pourtant plus personne.  

Cette attaque est une vieille stratégie récemment déployée dans d’autres démocraties pour disqualifier deux candidats proposant une véritable rupture avec l’ordre établi : Bernie Sanders aux États-Unis et Jeremy Corbyn au Royaume-Uni. 

Le premier, bien que d’origine juive et ayant vécu dans un Kibboutz israélien, avait été taxé d’antisémite dans une tribune parue dans le New York Times et un éditorial du Washington Post, entre autres. Sa victoire écrasante à la primaire du Nevada pour la présidentielle de 2020 avait été comparée à l’invasion de la France par l’Allemagne Nazie par le principal journaliste de la chaine d’information MSNBC. Que reprochait-on à Bernie Sanders, qui aurait pu devenir le premier président d’origine juive des États-Unis ? D’avoir qualifié Netanyahou de raciste et de s’opposer à la colonisation de la Palestine en exigeant que l’aide militaire américaine soit conditionnée au respect du droit international. 

Corbyn est un autre exemple édifiant. Là encore, les accusations d’antisémitisme étaient liées à son engagement pour la cause palestinienne. Et là encore, les multiples accusations ne reposaient sur rien de tangible. Des fuites internes ont même établi que ses détracteurs travaillistes œuvraient pour faire perdre leur propre parti et étaient emplis de biais racistes et sexistes. 

Oui, mais Mélenchon a dit que… et même Le Monde et des membres de la gauche accréditent les accusations d’ambiguïté avec l’antisémitisme. C’est qu’il y a bien quelque chose, non ? Plutôt que de reproduire ici les arguments, contre-arguments et éclairages, lisez la réponse précise et détaillée publiée par un collectif de chercheurs, historiens et militants antiracistes ici. Ou cet argumentaire nuancé 

Surtout, demandez-vous pourquoi ces accusations font surface maintenant. À droite, il est évident que le RN et la Macronie tentent d’imposer ce thème dans la campagne pour invisibiliser tous les autres, à commencer par l’écologie, l’économie et le social. 

À gauche, il ne faut pas être naïf. Si François Hollande est candidat et que Raphaël Glucksman a tout fait pour bloquer l’Union, c’est parce que ces individus ne croient pas en la victoire. Ils sont prêts à laisser le RN gouverner, leur objectif semble ailleurs : la recomposition de la gauche en vue de la présidentielle de 2027 et la disparition de l’offre antiraciste d’alternative au libéralisme autoritaire incarnée par LFI.

3. “Un gouvernement d’extrême droite ne sera pas si dangereux que cela”

Cet argument prend différentes formes, du fameux “on a tout essayé sauf l’extrême droite” à la version accélérationniste “ça va donner un bon coup dans la fourmilière » en passant par “l’extrême droite gouverne ailleurs sans provoquer la fin de la démocratie ou mettre en place des camps de concentration”. Emmanuel Macron semble s’imaginer que le RN se décrédibilisera au pouvoir et sera plus facile à battre en 2027. 

D’autres pensent sincèrement que le RN va améliorer leur quotidien, bien qu’il a déjà reculé sur ses trois principales promesses dans ce domaine (les retraitesla baisse de la TVA sur les produits de première nécessité et la réforme du marché de l’électricité). 

Tous ces arguments ignorent de manière spectaculaire l’Histoire et ce qui se passe déjà en France et dans les autres démocraties où l’extrême droite a accédé au pouvoir. 

En France, la dernière fois, cela a conduit à des rafles et déportations massives de français de confessions juives. Est-ce que le RN fera pareil avec les musulmans et autres minorités en France ? Probablement pas, même si aux États-Unis, Trump veut construire des camps d’internements pour migrants et déporter 15 millions d’immigrés. Le pire est toujours possible. 

Les contre-pouvoirs sont bien plus puissants en Italie ou aux États-Unis. Et le gouvernement actuel a préparé le terrain, que ce soit en laissant Bolloré prendre le contrôle de pans entiers du système médiatique, en affaiblissant le Conseil constitutionnel, en attaquant les libertés de la presse, en transcrivant dans le droit les principales prérogatives de l’État d’Urgence, etc. 

On voit déjà, à travers ses votes à l’Assemblée, au Parlement européen et son action dans les mairies qu’elle dirige, que l’extrême droite française est une imposture sociale et un parti fondamentalement raciste, xénophobe, hostile aux libertés publiques et hostile aux droits des femmes, LGBTQ et autres minorités.

Évoquer l’Italie de Meloni ou le mandat de Trump pour minimiser le risque fasciste est une double erreur. C’est d’abord méconnaitre les effets de ces gouvernements chez eux : Meloni a supprimé le RSA et s’attaque au droit à l’avortement, pour donner deux exemples. Aux États-Unis, Trump n’a promulgué aucune mesure sociale, fait d’énormes cadeaux fiscaux aux riches, provoqué la suppression du droit à l’avortement et l’explosion des violences racistes. Battu aux élections, il a tenté de conserver le pouvoir en orchestrant un coup d’État. Son emprise sur la droite américaine et le système judiciaire est telle qu’il est en mesure de se représenter en 2024, et conserve de très sérieuses chances de l’emporter.

N’en déplaise aux macronistes, une fois au pouvoir, l’extrême droite ne rend pas les clés gentiment. En Italie, Meloni fait suite à un gouvernement de coalition incluant un parti d’extrême droite. En Pologne, l’extrême droite a gouverné pendant 8 années consécutives. Orban est toujours à la tête de la Hongrie et Modi de l’Inde. L’élection de ces forces politiques n’a pas mis un grand coup dans la fourmilière, dans le sens où les élites économiques s’en sont très bien accoutumées. 

Or, les institutions françaises sont bien moins équipées pour faire face à un gouvernement autoritaire, Emmanuel Macron en fait la démonstration jour après jour. Les contre-pouvoirs sont bien plus puissants en Italie ou aux États-Unis. Et le gouvernement actuel a préparé le terrain, que ce soit en laissant Bolloré prendre le contrôle de pans entiers du système médiatique, en affaiblissant le Conseil constitutionnel, en attaquant les libertés de la presse, en transcrivant dans le droit les principales prérogatives de l’État d’Urgence, etc. 

La presse et les médias, le fameux “quatrième pouvoir”, ne vont pas s’opposer au RN. Ils accompagnent déjà son arrivée à Matignon, comme par anticipation. Radio France licencie ses humoristes et déprogramme les émissions les plus indépendantes. France Télévision écarte les journalistes qui ont signé un appel à faire front contre l’extrême droite. Le Figaro se sépare d’une journaliste historique qui a critiqué la ligne pro-RN du journal dans un tweet. Et Bolloré installe Hanouna sur Europe 1 avec comme consigne “du RN tous les jours”, au mépris des règles de pluralisme et de respect du temps de parole. Le directeur de BFMTV a également passé des consignes pour que la chaine invite davantage d’éditorialistes “droite et droite +”. Ça, c’est avant que le RN arrive au pouvoir et privatise l’audiovisuel public pour l’offrir à Bolloré. 

Mais la victoire du RN fera bien plus que simplement permettre le vote de lois autoritaires et antidémocratiques. On assiste déjà à une explosion de violences racistes et homophobes, de nombreuses milices d’extrême droite attendant avec impatience le 8 juillet pour “casser du pédé” ou “nettoyer tout ça au chalumeau”. Sans oublier la parole raciste qui se libère sur tous les plateaux audiovisuels. Interrogé sur le harcèlement subi par une femme d’origine africaine de la part de ses voisins militants au RN, Marine Le Pen a jugé que leurs propos (“on est chez nous” (…) “va à la niche”) n’étaient pas racistes. Quant à la Police, elle se radicalise à vue d’oeil.

La presse et les médias, le fameux “quatrième pouvoir”, ne vont pas s’opposer au RN. Ils accompagnent déjà son arrivée à Matignon, comme par anticipation.

Le RN au pouvoir c’est dans le meilleur des cas la victoire du Macronisme ou du Hollandisme en 2027. Et dans le pire, toute manifestation systématiquement interdite, les syndicalistes visés par des actions en justice, des assassinats politiques, la dissolution des partis d’opposition et des ONG militantes (comme l’a déjà promis Jordan Bardella).  

À Frustration, nous avons suffisamment alerté sur le fait que le régime actuel n’était plus une démocratie. Ça ne veut pas dire que les choses ne peuvent pas empirer. Elles empireront certainement, en particulier pour les femmes, les chômeurs, les personnes LGBT, les personnes de couleurs ou de confession musulmane, mais également pour ceux qui croient encore aux promesses sociales du RN.

Pour faire gagner l’extrême-droite, les médias se déchaînent et leurs mensonges n’ont plus aucune limite. A nous de diffuser autour de nous la vérité.


Politicoboy


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