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A quand les affiches de propagande placardées dans les rues ? « Ouvriers, employés : retournez travailler ! ». C’est LE message majeur du gouvernement en ces temps de confinement, et qu’importe que cela entre en profonde contradiction avec son autre message majeur « restez chez vous bande d’imbéciles » (C’est bien ce qu’a dit Castaner, « imbéciles »). Le vrai message est donc « restez chez vous, sauf celles et ceux qui font tourner la machine capitaliste avec leurs corps », pilotés à distance par des hauts cadres en télétravail sur l’Île de Ré. Le week-end dernier le message était « restez chez vous sauf pour aller voter à un scrutin qui n’aura certainement pas de second tour ». Bref, la communication du gouvernement est limpide.

Confinez-vous sauf pour aller voter – confinez-vous sauf pour aller bosser

Tout à commencé lundi dernier : le président a annoncé le confinement (sans toutefois prononcer le mot) n’autorisant les déplacements que pour celles et ceux qui allaient travailler. Sans préciser dans quel secteur ni pourquoi ni si c’était utile. Dont acte. Dès mardi, un grand nombre de salariés du secteur privé ont réclamé la fermeture de leurs usines quand ils estimaient que leur santé était mise en danger – ce qui est globalement le cas de la plupart des ouvriers et employés qui sont au contact avec le public ou travaille dans des lieux clos et parfois exigus. Les droits de retrait se donc sont multipliés, nombre de salariés soulignant l’absurdité de continuer à produire des biens et services non essentiels en période de crise épidémique.

Mourir pour Amazon, est-ce que ça vaut vraiment le coup ?

Sauf que voilà, quand nous autres parlons de « production de biens et services non essentiels », la grande bourgeoisie entend « production de bénéfices et profits absolument vitaux ». La réponse du groupe social le mieux confiné de France n’a donc pas tardé, en la personne du président délégué du MEDEF, Patrick Martin. Selon lui, « il y a une forme de sur-interprétation des propos du président de la République ». Zut, nous n’aurions pas bien compris et du coup « Les entreprises ne sont plus en mesure de poursuivre leur activité sous la pression des salariés ». Challenges estime la fortune de ce monsieur, grand patron dans la sidérurgie, à 250 millions d’euros. Nul doute qu’au moindre doute pour sa santé il sera dépisté, pris en charge et soigné dans un bel hôpital, contrairement à nous autre. Il faut apparemment ça pour ne pas comprendre ce « changement d’attitude extrêmement brutal des salariés ».

Le MEDEF a su se faire entendre, et le gouvernement a tout de suite insisté sur la nécessité d’aller travailler. Macron, en petit Napoléon de la guerre sanitaire a carrément “exhorté les entreprises et les salariés à poursuivre leurs activités”. 

Quand le BTP fuit le combat

Dans la tête de Muriel Pénicaud

Sauf qu’entre temps, d’autres patrons ont fait entendre une voix… plus réaliste. Face à l’impossibilité de respecter les « gestes barrières » dans leur secteur, les patrons du BTP ont peu à peu arrêté leurs entreprises, et demandé le chômage partiel au gouvernement. C’est trop pour Muriel Pénicaud, qui a accusé les patrons du secteur de faire preuve de « défaitisme » et de manquer de « civisme ». C’est du manque de civisme de pousser ses salariés à ne pas respecter les sacro-saints « gestes barrières » ? Ces gestes servent à protéger simplement les bourgeois où l’espèce humaine ? On ne sait pas trop. L’usage du terme de “défaitisme”, qualificatif utilisé pendant la première guerre mondiale pour dénoncer et condamner ceux qui critiquaient la boucherie en cours, se passe de commentaire, sous peine de devenir vulgaire avec la sinistre DRH qui nous sert de ministre du travail.

La CGT Construction a répondu de façon limpide à cette femme qui a toujours brillé par sa méconnaissance totale des conditions de travail réelles des travailleuses et travailleurs de ce pays : ne travaille-t-elle pas pour le président qui n’aime pas le mot de pénibilité ? « Dans la quasi-totalité des chantiers, ces mesures [d’application des gestes barrières] ne peuvent être respectées soit lors du travail (matériaux et outils échangés), soit dans le transport (un seul passager par véhicule), soit pour se restaurer (les cabanes de chantier souvent dans un état d’hygiène non conforme et permettent difficilement la distanciation) »

Qu’importe. Muriel Pénicaud a demandé aux administrations locales de « challenger » (terme macroniste pour dire « casser les couilles ») les entreprises qui iraient trop vite vers la fermeture : autrement dit, compliquer le passage en chômage partiel afin de contraindre les entreprises à remettre son personnel au travail sous peine de crever la gueule ouverte.

Une “sécurité sanitaire” en entreprise laminée par le gouvernement depuis deux ans

Macron avait dit lundi : « l’Etat paiera ». Mais c’est entièrement faux. D’abord, les salariés paieront de leurs congés payés et par un temps de travail potentiellement supérieur aux normes existantes, comme son projet de loi de lutte contre l’épidémie le prévoit. Ensuite et surtout, les travailleuses et travailleurs de tout le pays paieront de leur santé, car le gouvernement veut les pousser à poursuivre malgré tout le travail et faire le sacrifice de leur santé et de celle de leur proche pour continuer à faire tourner la machine capitaliste à laquelle il tient tant.

“Ave Sibeth Ndiaye, ceux qui vont tomber malade à cause de ta malhonnêteté légendaire te saluent”

Nos dirigeants ne peuvent être dupes des « mesures barrières » et de la « sécurité sanitaire » qui protégeraient tout le monde en entreprise. Ce sont précisément eux qui ont réduit drastiquement l’ensemble des normes en la matière, pas plus tard qu’il y a deux ans, dans leurs ordonnances travail : faut-il rappeler la liste de leurs dégâts ? Réduction du nombre de critère de pénibilité, suppression des CHSCT et donc moins d’élus du personnel pour surveiller la santé et la sécurité, réduction dans le code du travail de l’obligation de santé et de sécurité pour l’employeur… Faut-il vraiment poursuivre la liste de leurs méfaits en terme de santé et de sécurité, qui se sont cumulés à ceux du précédents gouvernement avec sa foutue loi travail ? Minute : Sibeth Ndiaye nous dit que les « partenaires sociaux » n’ont qu’à s’entendre sur un « guide de bonne pratique » et le tour est joué ! Elle salue d’ailleurs le courage des salariés qui vont travailler “la boule au ventre”… Ne voit-elle pas plutôt qu’ils ont la rage au coeur ?

L’amour de la “Nation” comme seul masque

La rage, car voilà comment on envoie les soldats de la « guerre » des macronistes contre le Covid-19 : une leçon de morale, un “guide de bonne pratique” et de bonnes vieilles menaces gouvernementales ! Allez hop, dans les tranchées braves gens, nous on vous regarde depuis le centre de commandement loin du front !

On laissera le fin mot de l’histoire à Gérald Darmanin. Interrogé par Anne-Sophie Lapix sur les compensations possibles à cette situation qui semble même choquer certains journalistes, il a répondu qu’il n’y avait pas de meilleure prime que d’aider la Nation à surmonter la crise. De l’argent ? Non ! De l’honneur monsieur. “Pour la Nation”, le terme bourgeois historique pour dire “pour nos intérêts financiers”.

Tel les liquidateurs de Tchernobyl, les salariés français sont donc envoyés au front de force, au mépris de leur santé et avec des protections dérisoires pour continuer à faire tourner une machine qui se grippe si elle s’arrête : me capitalisme, encore plus mortifère que d’ordinaire, dirigé par des salopards encore plus cyniques que les plus lâches des généraux.