logo_frustration
U

Déjà deux ouvriers sont décédés sur des chantiers durant la canicule. Pendant ce temps, les livreurs à vélo continuent de livrer des clients sans morale et leurs plate-formes ne changent en rien le mode de tarification. Tout au plus l’appli Glovo demande à ses clients d’offrir à ses livreurs « un petit verre d’eau pour les remercier ». Demander au client de filer un verre d’eau : voilà ce qu’un employeur peut désormais mettre en place quand des records de températures rendent le travail dangereux et exténuant.

Car les plate-formes ubérisées sont à la pointe du combat mené par le patronat depuis des années pour s’exonérer de ses responsabilités à l’égard de la santé de leurs salariés. Ces applis soit disant “innovantes” ont permis de ramener la santé au travail au point où elle en était au 19e siècle : quand un travailleur se blesse, c’est de sa faute. Tout ça avec la complicité active des clients devenus collabos premiums : il y a quelques mois, un client Deliveroo interpellait sur twitter la société : « votre livreur a eu un accident je n’ai donc pas eu ma pizza ! ». Et ton égoïsme enfoiré, avec ou sans sauce piquante ?

Il a fallu la catastrophe de Courrières (plus de 1000 ouvriers ensevelis et brûlés sous terre) pour qu’on commence à prendre des lois en matière de sécurité au travail, donnant aux employeurs la responsabilité des accidents et des maladies. Des lois sur lesquelles Deliveroo, Frichti, Uber Eats et toutes ces entreprises barbares s’assoient, avec la complicité actives de leurs clients : qui sont ces gens qui continuent à envoyer rouler sur le bitume brûlant des jeunes hommes désargentés, pour ne pas avoir eux-mêmes à descendre en bas de chez eux bouger leur gros cul de bourgeois plus ou moins grand ?

“Je n’aime pas le mot de pénibilité car il induit que le travail est une souffrance” : voici ce qu’avait dit l’actuel président de la République en 2016, face au MEDEF si heureux d’une telle affirmation mensongère. Il parachevait des décennies de régression en matière de santé au travail, renvoyée progressivement à la responsabilité individuelle : faites de la méditation en pleine conscience, bougez, mangez 5 fruits et légumes par jour : voici ce qu’on propose à celles et ceux qui meurent du travail. Respirez, gérez votre stress, achetez des baies de Goji : telles sont les issues offertes à ceux et celles qui en perdent la raison.

Pourtant, face aux “défis climatiques” dont on nous rebat les oreilles – à juste titre, mais ça sonne souvent faux – il va falloir blinder notre droit du travail pour empêcher que les gens crèvent. Il faudra réduire nos journées pour travailler moins aux heures les plus chaudes. Il faudra arrêter d’attendre d’être livré Amazon en 12h parce qu’on est “premium” et Frischti dans 10 minutes parce qu’on est “ultra busy”.

C’est la canicule : pour sauver des vies, manger 5 patrons et clients de Deliveroo par jour.