Hier soir à la télévision, Macron a été très clair : l’Etat protégera… toutes les entreprises. Mais pour celles et ceux qui y travaillent, c’est globalement chacun pour soi, sauf si on peut « s’efforcer de télétravailler ». Le télétravail est donc la seule mesure prévue par le gouvernement pour protéger les salariés… qui le peuvent. Ouvrières, ouvriers et employé.e.s n’ont pas cette option. Aujourd’hui, on lit même des témoignages d’ouvriers travaillant dans des usines… pilotées à distance par des cadres en télétravail ! Tout le monde n’est décidément pas dans le même bateau, mais ça, c’était déjà le cas avant. L’épidémie en cours n’a fait que radicaliser les choses : si vous ne pouvez pas télétravailler, vous serez exposés. Heureusement, le code du travail comprend (encore) des éléments à connaître pour obtenir de votre employeur l’arrêt du travail afin de vous permettre d’accéder au confinement ou bien pour améliorer au mieux vos conditions de travail et réduire vos risques d’attraper la maladie et de la transmettre à vos proches.
1 – L’employeur est responsable de votre santé
C’est la base de la base, rappelez-le-lui. C’est le moment de réciter l’article L4121-20 du code du travail, histoire de rappeler que ce n’est pas à vous de ramener votre gel hydroalcoolique et d’angoisser tout seul dans votre coin sur le risque d’aller travailler : “L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ; 2° Des actions d’information et de formation ; 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.”
2 – Vous avez un ou des enfants de moins de 16 ans ou en situation de handicap de moins de 18 ans : arrêt de travail indemnisé
Un nouveau dispositif a été créé la semaine dernière pour les parents dont le métier ne permet pas la mise en télétravail : la mise en arrêt de travail ou « arrêt maladie » : Ce dispositif concerne les parents d’enfants de moins de 16 ans au jour du début de l’arrêt. Les parents d’enfants en situation de handicap de moins de 18 ans pris en charge dans un établissement spécialisé sont également concernés. Avantage : que cela soit dans le privé ou le public, vous ne subissez pas les jours de carence. Vous êtes indemnisés dès le premier jour de votre confinement animé… Pour l’employeur c’est simplissime, il doit déclarer votre arrêt sur ce site : https://declare.ameli.fr/
3 – Le “chômage partiel” (ou “technique”)
Vous pouvez réclamer la mise en chômage partiel avec maintien du salaire : de nombreux employeurs ignorent encore ce dispositif et se disent qu’il faut que vous veniez à tout prix bosser pour qu’ils ne paient pas vos salaires pour rien. Le chômage partiel (parfois appelé chômage technique) est un dispositif provoquant la prise en charge des salaires d’une entreprise par l’Etat. Concrètement, il est accordé en cas de fermeture temporaire de tout ou partie de l’établissement. Il peut donc concerner une partie d’un établissement particulièrement à risque (contact avec des personnes). L’employeur doit en informer les autorités et les représentants du personnel. Attention, le chômage partiel n’indemnise qu’à hauteur de 70% de votre rémunération brute et 84% du salaire net… sauf si vous êtes au SMIC. On peut revendiquer que l’employeur prenne en charge les 16% restant pour maintenir votre rémunération, mais rien ne lui interdit. Comment faire pression ? Dans certaines entreprises, c’est les debrayages (grève ponctuelle) ou la grève qui a fait plier l’employeur : c’est le cas au centre d’appel WebHelp à Caen, qui a fermé suite à la grève des salariés.
Attention : l’employeur peut imposer le chômage partiel, mais il ne peut imposer la prise de congé (pour laquelle vous cotisez vous-même) en paniquant face à l’épidémie. En effet, un mois doit s’écouler entre l’ordre formulé par l’employeur de partir à telle date et le départ effectif en congé du salarié. Durant le mois précédant le départ en congé, ni le salarié ni l’employeur ne peut modifier cette date de départ. Dans tous les cas, cet ordre doit être communiqué par l’employeur au salarié et affiché. Autant dire que les employeurs qui ont exigé le départ en « vacances confinement » de leurs salariés vendredi dernier ou ce lundi contrevienne à l’article L3141-16 du code du travail.
4 – Le droit de retrait
Si le chômage partiel est refusé et que vos conditions de travail vous exposent au risque de contamination (pas de masque, pas de gel hydroalcoolique, pas de possibilité de respecter les « distances sociales »), vous pouvez utiliser votre droit de retrait. Lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut quitter son poste de travail ou refuser de s’y installer sans l’accord de l’employeur. Il peut alors exercer son droit de retrait et interrompre ses activités, tant que l’employeur n’a pas mis en place les mesures de prévention adaptées. Selon le site officiel servicepublic.fr, il peut s’agit de – Véhicule ou équipement de travail défectueux et non conforme aux normes de sécurité – Absence d’équipements de protection collective ou individuelle – Processus de fabrication dangereux – Risque d’agression – etc.
Le droit de retrait peut être individuel ou collectif mais il est évidemment préférable qu’il s’inscrive dans une démarche collective, en lien avec vos délégués syndicaux et/ou vos représentants du personnel (le CSE), puisque l’employeur peut ensuite contester ce droit de retrait en justice s’il lui paraît illégitime. L’employeur ne peut vous forcer à reprendre le travail s’il n’a pas pris de mesures supplémentaires mettant fin au risque. Enfin, sachez qu’ « aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui se sont retirés d’une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu’elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d’eux. » Il est bon de pouvoir citer cet article L4131-3 du code du travail dans le texte. Il faut également savoir qu’il faut que vous puissiez être en capacité de justifier et d’expliquer l’usage de ce droit : un écrit décrivant la situation peut vous aider à y voir plus clair.
Très concrètement, le droit de retrait doit être consigné par écrit auprès de l’employeur, par exemple par mail, avant d’avoir lieu. Actuellement, de nombreux salariés utilisent leur droit de retrait. Dernièrement, ce sont ceux d’Amazon qui l’ont exercé, pour des raisons bien légitime, qu’ils ont raconté à nos camarades de Révolution Permanente : « On est 500 à travailler sur le même lieu de travail, on touche tous des articles que d’autres personnes retouchent derrière. Les articles sont situés sur des chariots qu’on doit prendre pour faire la mise en rayon, ces chariots sont nettoyés une fois par jour alors qu’on les prend tous une à trois fois par jour. Et les articles ne sont évidemment pas nettoyés. Si une personne est contaminé, cela va se propager très vite. »
Si vous aussi vous travaillez sur un site que votre employeur se refuse à fermer malgré les risques et sans mesures de prévention rigoureuse et de nature à vous protéger, n’attendez pas : exercez votre droit de retrait. Non seulement vous vous épargnez vous mais aussi vos proches et d’autres victimes dans la population. Dans son discours, le président a dit d’être créatif et de faire preuve d’esprit d’initiative : dont acte, vous avez le pouvoir d’être plus conséquent que lui en arrêtant un foyer potentiel de contamination et en stoppant les secteurs non-vitaux de notre économie.