A quelques jours de la mobilisation du 5 décembre contre la réforme des retraites, France Info nous sort de son chapeau “Olivier, plombier, favorable à un régime de retraite “pour tout le monde””. Un épisode d’une “série de portraits de Français face à la retraite”. Très représentatif, Olivier est “artisan”, “à la tête d’une petite entreprise de plomberie depuis 16 ans”.
Sauf qu’avant sa “reconversion”, Olivier était cadre-sup en marketing et commercial dans l’agro-alimentaire, après de “belles études”.
Depuis, ils serait donc devenu un plombier chauffagiste “lambda”… qui gagne tout de même “80 000 euros nets par an”, tandis que le salaire moyen d’un plombier chauffagiste tourne autour des 2000 euros mensuel. Lui gagne donc en moyenne plus de trois fois plus. “Olivier partira à la retraite dans 4 ans”, nous informe l’article, mais “je n’ai aucune idée du montant, je ne sais pas calculer, je ne sais pas à quoi je m’attends”, dit-il. Voilà donc le témoignage très éclairant et représentatif d’un Français qui se dit favorable à cette réforme sans même en connaître l’impact sur sa propre retraite. Mais alors pourquoi y est-il favorable ? En “substance”, voici l’argumentaire de notre “plombier lambda” : que “tout soit plus simple”, bien entendu, “l’allongement de vie”, bien sûr, en finir avec les “héritages du passé”, évidemment, et surtout, surtout, “l’équité sociale”.
Ces éléments de langage vous rappellent quelque-chose ? C’est normal, notre ami plombier/chef d’entreprise a voté Macron – un petit détail ajouté discrètement depuis. Il est “adhérent à En Marche”, nous informe l’article, qui oublie toutefois de préciser qu’il est aussi militant. Il aurait pourtant suffit de demander ! Olivier Beurton ne s’en ait pas caché, il était présent dès 2017 dans une opération de tractage pour la candidate LREM Laurianne Rossi aux législatives dans la 11ème circonscription des Hauts de Seine.
Le journaliste aurait même pu taper le nom d’Olivier Beurton dans sa petite barre de recherche Google. Il aurait pu alors s’interroger sur les deux autres entreprises associées à son nom.
Mais qu’est-ce qui leur a donc pris à France Info ? Participent-ils à une vaste manigance pour construire ce fameux pour/contre médiatique qui se veut nuancé pour mieux camoufler leur soutien au gouvernement et à cette réforme ? – Voilà pour la version complotiste. Ou bien, sont-ils tombés par hasard en sillonnant le terrain sur “Olivier le plombier” ? – Voici pour la version déontologique. Rien de tout ça. En fait, Olivier Beurton était tout simplement dans leur base de contact. Bien pratique pour caler son petit reportage dans la journée sans trop se fouler. Car oui, Olivier est un habitué des antennes. En 2016, il intervient dans une émission sur France Culture – en tant qu’un des personnages d’un livre de Laurence Decréau – puis, il fait l’objet d’un reportage pour Le Point.
Au fil de l’émission sur France Culture, le présentateur raconte son parcours : fils de chirurgien, “ancien élève d’HEC, agrégé d’économie, ancien directeur marketing dans de grands groupes”. Et puis, Olivier narre dans Le Point son “difficile” abandon de “voiture de fonction, salaire important, stocks options” pour devenir “ouvrier” à 41 ans. Toutefois, “mon entreprise actuelle me donne des rémunérations comparables à celles que j’avais auparavant”, note le chef d’entreprise dans ce reportage. Sur France Culture, Olivier expose les raisons de sa reconversion, expliquant notamment qu’il ne se trouvait plus en adéquation avec ses valeurs dans son poste de cadre, malgré la valeur symbolique et matérielle attribuée à son statut. Le présentateur lui lance alors : “Là vous êtes un plombier invité à France Culture (…) vous pourrez le raconter à vos amis, c’est une promotion ontologique”. Trois ans plus tard, le cadre reconverti devient comme par magie un simple plombier dans le titre de France Info.
Quelle sera la retraite réelle d’un plombier ayant cotisé en tant que cadre supérieur pendant des années auparavant ? On n’en saura rien. Mais celui que l’on présente comme représentatif des artisans peut en tous cas s’accorder le luxe de ne pas s’en préoccuper, et de nous livrer son analyse tout en éléments de langage. Merci France Info, “tout est plus clair”.
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