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Lorsque la bourgeoisie se retrouve le nez dans le caca d’un point de vue électoral, ou enlisée dans un mouvement social qui la menace elle et son porte-monnaie, elle tente grossièrement d’instrumentaliser les “minorités” qu’elle prétend défendre et soutenir. Son but ? Préserver ses privilèges économiques et sociaux, et faire ainsi passer ses vieilles idées rances libérales sous un apparat chic et progressiste.

Votre candidat incarne à lui seul un vieux monde capitaliste et libéral qui aura détruit les classes laborieuses et la moitié de notre planète ? Vous ne savez plus comment faire pour le réhabiliter, le rendre attrayant, tout nouveau tout beau tout clinquant ? N’hésitez plus : mettez en avant sa sexualité marginale, son sexe féminin ou encore son origine ethnique ou religieuse, afin de capter vers vous les voix hésitantes de la bourgeoisie culturelle de gôche. Et hop, votre candidat devient, comme par magie, “moderne” et pleinement inscrit dans son époque en un rien de temps !

Evidemment, avec une conception morale de la “diversité” extrêmement superficielle et hypocrite, dans la mesure où leurs politiques libérales sont à la fois désastreuses pour les classes laborieuses, mais également pour ces mêmes minorités, victimes collatérales. Exemples ? La réforme de l’assurance chômage, les contrats 0 heure ou encore la régression de nos retraites, qui touchent et toucheront d’avantages certaines catégories de la population plus fragilisées comme les femmes ou les descendants et descendantes de populations immigrées. 

Un candidat aux primaires démocrates américaines tel que Bernie Sanders, un peu trop “rouge” sur les bords et de plus en plus populaire, débarque et pourrait potentiellement s’avérer dangereux pour leur argent et leur domination sociale et économique. Mais, que fait la bourgeoisie ? Elle utilise certains de ses relais médiatiques dignes de la pravda afin de le faire passer pour un candidat “contre les minorités”, et espérer récupérer quelques micro-voix par-ci, par-là, de brebis bourgeoises au profil sociologique proche du ou de la fan de Christiane Taubira et du dernier album d’Angèle : “sexiste” – mais où est donc passée Alexandria Ocasio-Cortez ? Allo ? *Alerte enlèvement* -, ou bien, comme un candidat pas assez défenseur des populations afro-américaines, comme si les démocrates américains sous Barack Obama, par exemple, n’avaient absolument pas prolétarisés encore un peu plus ces mêmes communautés, qui plus est abandonnées aux mains d’une police meurtrière. Lorsque Sanders tente de comprendre et d’expliquer – ce qui n’est pas “excuser”, n’est-ce pas Valls – l’électorat laborieux “blanc” tombé dans les bras de Donald Trump, en partie à cause de ces mêmes politiques néo-libérales désastreuses et anti-sociales, on sort de son chapeau la théorie du “fer à cheval”, c’est-à-dire des deux “extrêmes” qui se rejoignent. Un classique, indémodable. 

Buttigieg : l’éternel mythe du “candidat jeune, gay, novice en politique et dynamique” sorti de nulle part

“Coup de tonnerre, car le concurrent de Sanders, Pete Buttigieg, serait “parti sans aucun moyen“. Nous savons qu’éditorialiste c’est un métier qui prend un temps fou, mais il suffit d’ouvrir Wikipedia pour lire que Pete Buttigieg est un cacique du Parti démocrate depuis fort longtemps, qu’il est maire d’une grande ville et qu’il vient de la bourgeoisie. Il est autant un « outsider » que ne l’était Macron. Mais, sans honte, nos éditorialistes, qui ont une mémoire de poisson rouge et l’esprit critique d’un lombric, nous servent le même storytelling pété. L’intérêt de toute cette mise en scène ? Le faire passer pour le candidat du “renouveau en politique” – cela ne vous rappelle rien ? -, toujours dans cet objectif de travestir des idées vieilles bien connues sous une peau jeune et moderne de part sa sexualité gay : on prend les mêmes et on recommence, sous un verni faussement progressiste mais carrément réactionnaire. Exactement comme nos député(e)s macronistes à l’Assemblée nationale, qu’ils soient par ailleurs novice ou non en politique, peu importe, car toutes et tous experts de catégorie A en maintien de leurs privilèges économiques et sociaux de grands bourgeois. 

“Buttigieg beau et serein, Sanders moche et méchant”

Dans la catégorie,“je me sers des concepts de minorité pour me faire élire alors qu’en fait je vous chie tout autant voire davantage à la gueule”, le nouveau nominé est : le cas irlandais.  Entendu d’un chroniqueur de France Inter un matin, à propos des élections irlandaises et l’échec du premier ministre : “Mais pourtant il est gay, jeune, progressiste, il coche toutes les cases de la modernité 4.0 ! Mais les gens veulent du social, du social et encore du social !”

Eh oui, il n’y a que les bourgeois qui, dans leur homophobie positive, pensent qu’un gay est forcément un mec bien. Et comme ils ont une conception morale de la politique, ils votent pour des candidats en raison de leurs caractéristiques et non de leurs programmes. Qui se trouve dans tous les cas être favorables à leurs intérêts. Rangez vos pantins soit disant “progressistes” et réellement bourgeoisistes. Qu’ils soient gays, jeunes ou ambidextres. Car quand on est gay ou jeune et qu’on ne fait pas partie de la bourgeoisie on sait que les gays et les jeunes qu’elles nous envoient ne sont que d’énièmes bourreaux.

Pour nous, auteurs de ce texte, en tant que “minorité” gay, ou d’origine algérienne, cette instrumentalisation systématique nous gonfle au plus haut point. En plus d’être sacrément hypocrite, comme démontré, elle donne du grain à moudre à la thèse suivante, rabâchée et légitimée dans de plus en plus de milieux “intellos” de gauche : “les libéraux défendent – ou ont trop défendu – les “minorités” au détriment des classes populaires, qu’ils ont abandonné”. Au final, ces “minorités” se retrouvent doublement perdantes et escroquées, les dindons d’une farce sociale-libérale et d’une récupération de droite et d’extrême-droite qui n’aura que trop durée.