On se demande souvent pourquoi la France, un pays doté d’une Sécurité sociale, d’instituts de recherche et d’un groupe pharmaceutique mondial, n’a pas réussi à produire de vaccin et ne parvient pas à contribuer à la fin de l’épidémie de Covid. L’explication est simple : derrière le volontarisme affiché du gouvernement et son zèle quand il s’agit de nous priver de liberté pour des raisons sanitaires, ce qui nous arrive n’a pas du tout infléchi le cap fixé par la bourgeoisie aux gouvernements successifs depuis 15 ans.
1 – Economies réclamées à l’Assurance maladie en 2021 : 4 milliards… comme en 2019
A l’automne dernier, le Parlement a voté la loi de financement de la Sécurité sociale déposée par le gouvernement. Chaque année, elle donne des objectifs budgétaires aux différentes branches de la sécu, dont l’Assurance maladie, pour l’année suivante. Eh bien pour 2021, c’est 4 milliards d’économie qui sont réclamés à notre système de santé. Comme en 2019, comme si de rien était. Le “quoi qu’il en coûte” n’était donc, on le sait, qu’un mensonge de plus. Macron et ses semblables n’ont jamais eu l’intention d’infléchir le processus amorcé depuis plusieurs décennies et intensifié depuis environ 15 ans, quand Sarkozy est arrivé au pouvoir, quand Hollande a mené une politique d’austérité et quand Macron a été désigné par sa classe sociale pour achever de tout péter.
2 – Les crédits publics pour la recherche et développement dans la santé ont baissé de 28% depuis 2011
En 2000, la France était le premier système de santé du monde. 20 ans plus tard, on patauge dans le chaos semé intentionnellement par nos dirigeants. Chaque hôpital a dû traquer toute source d’économie pour tenir les milliards réclamés chaque année. Chaque centre de recherche a dû se serrer la ceinture. Parmi ce qu’il reste de la recherche publique, l’institut Pasteur (qui collabore avec le groupe privé Merck) a échoué dans sa recherche vaccinale. Cela s’explique par des raisons scientifiques mais aussi par le sous dimensionnement de notre recherche publique. Dans une note, le Conseil d’Analyse Économique (qui conseille le Premier ministre) nous apprend qu’entre 2011 et 2018, les crédits publics pour la Recherche et Développement dans la santé ont baissé de 28% !
3 – Les dividendes versés aux actionnaires de Sanofi ont été multipliés par 11,5 depuis 2000
L’Etat s’est désengagé de la recherche pharmaceutique. Sanofi, filiale de l’ex-groupe public ELF, a pour passion principale la distribution de dividendes. L’entreprise multinationale continue à l’heure actuelle de licencier des chercheurs en France : 364 rien que cette année. Il faut dire qu’elle s’en fout prodigieusement de l’intérêt des citoyens, de quelque nationalité qu’ils soient. Comme toutes les entreprises capitalistes, elle est prête à tout pour augmenter ses profits, y compris à organiser des pénuries pour mieux négocier ses prix. Depuis 2000, les dividendes distribués aux actionnaires ont été multipliés par 11,5, alors que ses profits n’étaient multipliés “que” par trois. Pour 2021, l’entreprise a annoncé un versement de dividende autour de 4 milliards d’euros !
Désormais, Sanofi est en retard dans la “course aux vaccins”, qui oppose des multinationales qui travaillent dans le plus grand secret, sans échanger leurs données de recherche. Quelle absurdité ! Nous avons des centaines de chercheurs qui travaillent chacun dans leur coin pour Astra Zeneca, Pfizer, Moderna, Sanofi et ne coopèrent pas. Chacun agit ainsi car la recherche sanitaire est parasitée par le système des brevets, qui donne la propriété intellectuelle à quelques grandes multinationales. Et ce alors que l’humanité fonctionne à l’arrêt et que des millions de personnes meurent ! Et il faudrait continuer à dire que le capitalisme est le système le plus efficace ?
On pourrait faire autrement
Nos États capitalistes se soumettent aux règles du jeu de l’industrie pharmaceutique parce qu’ils le veulent bien. On pourrait faire autrement. L’Etat pourrait produire lui-même, dans des usines réquisitionnées, le vaccin de Pfizer, de Moderna ou d’Astra Zeneca, en mettant fin à cette dictature du brevet pharmaceutique. La loi lui en donne le droit : en cas d’urgence sanitaire, le gouvernement peut obtenir d’office une licence d’exploitation d’un produit pharmaceutique. Le code de propriété intellectuelle le prévoit à l’article L613-19. Des médecins et des politiques le demandent déjà. Ce mouvement de levée des brevets pharmaceutiques pourrait se faire au niveau mondial, pour faire en sorte que ce ne soit pas seulement les pays riches qui soient en mesure de donner suffisamment aux labos pour être livrés les premiers.
C’est que l’urgence dirait de faire, ainsi que le bon sens. Mais ce n’est pas ça qui gouverne Emmanuel Macron. Même en pleine épidémie mondiale, lui et ses proches ont d’abord en tête les intérêts de leurs amis. Serge Weinberg, président du Conseil d’administration de Sanofi, est celui qui a permis à Macron de devenir millionnaire en travaillant pour la banque d’affaires Rothschild. Comme le dit l’économiste Eloi Laurent, il est faux de dire que nous vivons en dictature sanitaire. Ce ne sont pas des considérations sanitaires, la volonté de sauver des vies et de protéger les plus faibles en améliorant notre système de santé qui guident le gouvernement. Nous vivons, comme avant, dans une dictature de classe, où l’objectif, même en plein Covid, reste de donner aux riches.