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Enfin, Michel Barnier a réussi à former son gouvernement, deux mois et demi après les élections législatives qui avaient placé la coalition du NFP en tête. Le résultat est à la hauteur des craintes qu’on avait : la liste de ministres annoncée ce samedi doit faire peur à tout le monde, à part aux grands bourgeois dont les intérêts sont renforcés. Mélange de vieux briscards du RPR et de fidèles de Macron, ce gouvernement n’est là que pour assurer le fragile équilibre qui vise à éviter la censure du RN et à satisfaire les injonctions de la Commission européenne à réduire le déficit, sans pour autant augmenter les impôts des riches. Petit tour d’horizon de ces hommes et femmes sans qualité, dont le point commun est l’absence d’égard pour la population qu’ils sont censés gouverner et leur mépris des droits des femmes et des minorités. Un pas supplémentaire est franchi, par rapport aux précédents gouvernements, sur la pente du macrolepénisme, en témoigne notamment le nombre impressionnant de ministres opposés au mariage pour tous et à la constitutionnalisation de l’IVG. 

« Des têtes de tocards ». Philippe Poutou, du NPA, a bien résumé les choses sur le plateau de BFM TV. Le terme est parfaitement choisi. Le Larousse nous indique qu’un tocard c’est : “un cheval de course qui semble n’avoir aucune chance de gagner ; une personne sans capacité ni compétence ; un fauve dangereux dont on ne peut prévoir les réactions”. Le gouvernement choisi par Michel Barnier et Emmanuel Macron remplit tous ces qualificatifs. En bons tocards, les LR n’avaient aucune chance de gagner les élections de cette année. Depuis l’affaire Fillon, qui détruisit ses chances d’accéder au second tour de la présidentielle 2017, même si ce n’est pas passé loin, ce parti n’a jamais remonté la pente électorale. Valérie Pécresse s’est pris une énorme taule bien méritée en 2022. En juillet dernier, les LR ont encore perdu les élections législatives, de très loin : ils ont obtenu 46 sièges, tandis que 182 députés du NFP ont été élus. Mais en perdant, ils ont finalement gagné le droit de gouverner, grâce au soutien du Rassemblement national, qui ne censurera pas, pour le moment, la coalition LR / Macronistes. C’est un coup double pour le RN : ses idées vont continuer à fortement se diffuser au pouvoir, et en même temps, il continuera à faire semblant d’être dans l’opposition, auprès de la population.

Le Larousse nous indique qu’un tocard c’est : “un cheval de course qui semble n’avoir aucune chance de gagner ; une personne sans capacité ni compétence ; un fauve dangereux dont on ne peut prévoir les réactions”. Le gouvernement choisi par Michel Barnier et Emmanuel Macron remplit tous ces qualificatifs.

Les LR sont incompétents. Ils passent leur temps à nous bassiner avec la dette publique, mais la dernière fois qu’ils ont gouverné, pendant la présidence Sarkozy, la dette publique est passée de 64 % à 90 % du PIB en cinq ans. Certes la crise de 2008 était passée par là, mais la chute des recettes avec la réforme de l’ISF et la mise en œuvre du bouclier fiscal a largement détérioré les comptes publics. S’y sont ajoutés d’énormes cadeaux aux entreprises, comme les 26 milliards d’euros du « plan de relance » ou la baisse de la TVA des restaurateurs. Ces gens se prétendent gaullistes, mais c’est surtout une bande de oisifs, qui vivent de la politique depuis des lustres, se goinfrent avec l’argent public, et ont énormément d’affaires sur le dos. Si Laurent Wauquiez s’est tant battu pour être ministre de l’Intérieur cette semaine, c’est pour, en mode Sarkozy/Darmanin, réussir à étouffer ses problèmes judiciaires. Il est accusé de favoritisme dans les attributions de marchés publics, de détournement d’argent public, et de création d’emplois fictifs

Ces gens se prétendent gaullistes, mais c’est surtout une bande de oisifs, qui vivent de la politique depuis des lustres, se goinfrent avec l’argent public, et ont énormément d’affaires sur le dos.

L’Intérieur est finalement échu à Bruno Retailleau. « Bruno Retailleau est un homme cultivé, curieux et d’une courtoisie rare », affirme Le Monde, en toute objectivité. Il est « amoureux des belles lettres, et amateur d’art éclairé » s’enflamme le Nouvel Obs. Personnage de seconde zone de la vie politique française, il est aussi inexistant que son parti. Avec son air sévère et sa silhouette étriquée, on sent qu’il n’est pas là pour protéger les Français. Il est difficile de déceler la moindre humanité dans son regard froid, impassible, où seul le calcul politique semble s’afficher. Une bonne tête de tocard, en somme.  

Ok Palpatine

Retailleau a toujours été d’extrême-droite. Il a commencé sa carrière en étant repéré par Philippe de Villiers, parce qu’il était cavalier dans un spectacle du Puy du Fou. Il est connu notamment pour avoir co-organisé une gigantesque triche à Intervilles (le gars n’avait que ça à faire apparemment).  Il vit de la politique depuis son premier mandat, il y a bientôt quarante ans. En homme de goût, il est passé de proche de Villiers à ami de François Fillon, qu’il a soutenu jusqu’au bout, et dont il dirigeait le micro parti. Ses idées sont à l’avenant : il s’est opposé au mariage pour tous, à l’interdiction des thérapies de conversion pour les homosexuels, à la constitutionnalisation de l’IVG, et n’est pas avare en propos racistes. « Pour la deuxième, troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques », a-t-il notamment déclaré après la mort de Nahel Merzouk, tout en affirmant que les jeunes qui se révoltaient étaient des « Français de papier ». Son projet pour la France est mortifère : il veut notamment instaurer une présomption de légitime défense en faveur des membres des forces de l’ordre, ce qui permettra aux violences policières, déjà nombreuses, de se généraliser, en toute impunité.

« Pour la deuxième, troisième génération, il y a comme une sorte de régression vers les origines ethniques », a déclaré Bruno Retailleau après la mort de Nahel Merzouk, tout en affirmant que les jeunes qui se révoltaient étaient des « Français de papier ».

Corruption, jet privé, magie et transphobie

Les autres tocards du gouvernement ne valent pas mieux. Il y a ceux qui sont renouvelés (neuf en tout), comme notamment Rachida Dati à la Culture. Pendant sa carrière, elle n’a eu de cesse d’utiliser les positions qu’elle occupait pour servir ses propres intérêts. Payée 1000 euros de l’heure par Carlos Ghosn, elle est mise en examen depuis 2021 pour “corruption” et “trafic d’influence” au sein du Parlement européen, au profit de Renault-Nissan. Elle est accusée d’avoir reçu cet argent (900 000 euros au total) en contrepartie d’actions de lobbying pour le compte du géant de l’automobile auprès du Parlement européen, lorsqu’elle était parlementaire. Ministre de la Culture depuis 2022, son bilan est proche du néant. Seul fait d’armes à son actif : le projet de fusion de l’audiovisuel public, pour qu’il soit encore davantage sous la coupe du pouvoir.

“Ne pas respecter le résultat des élections c’est ça la magie-han”

Autre survivante de la précédente mandature : Agnès Pannier-Runacher, ministre à la Transition écologique, de l’énergie et du climat. Elle est le symbole de la déconnexion totale de la technocratie macroniste. On se rappelle en particulier son savoureux « lorsque tu vas sur une ligne de production, c’est pas une punition. C’est pour ton pays, c’est pour la magie ». Plus grave : son inaction totale pour l’écologie depuis sept ans qu’elle est ministre. On sait pourquoi : elle s’est enrichie massivement, grâce à l’industrie pétrolière, par le biais d’une société d’investissement créée par son père, ancien haut cadre du secteur pétrolier, et financée par des fonds basés dans les paradis fiscaux. Pour des raisons fiscales, elle a mis ses enfants mineurs (le plus jeune avait quatre ans…) au capital de cette société, plutôt qu’elle-même. On vous expliquait tout à l’époque du déclenchement de l’affaire, qui n’a évidemment en aucun cas freiné sa carrière politique, bien au contraire. En tant que ministre de la Transition écologique, elle sera parfaitement secondée par la nouvelle ministre déléguée à l’Energie, Olga Givernet. C’est qui ? « Passée par la compagnie néo-zélandaise Air New Zealand, la native de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) a ensuite occupé un poste à l’aéroport de Genève, pour se spécialiser dans l’aménagement des intérieurs de jets privés. », nous apprend Le Monde. Tout un programme.

Agnès Pannier-Runacher, nouvelle ministre de l’Ecologie, s’est enrichie massivement, grâce à l’industrie pétrolière, par le biais d’une société d’investissement créée par son père, ancien haut cadre du secteur pétrolier, et financée par des fonds basés dans les paradis fiscaux. Pour des raisons fiscales, elle a mis ses enfants mineurs (le plus jeune avait quatre ans…) au capital de cette société, plutôt qu’elle-même.

Parmi les nouveaux ministres, tous inconnus du grand public, car l’un des critères pour intégrer la cour macroniste semble être l’absence absolue de charisme et de notoriété, l’une de celles qui va sans doute le plus nous faire morfler est Astrid Panosyan-Bouvet. Notre rédacteur en chef Nicolas Framont lui avait réglé son compte sur un plateau TV.

Elle a été nommée ministre du Travail et de l’emploi. En parallèle de sa carrière politique, qui l’a menée de Strauss-Khan à Macron, elle a été à la direction de grandes entreprises comme Groupama et Unibail-Rodamco-Westfield, premier groupe coté de l’immobilier commercial au monde. Ses fonctions de grande patronne lui ont permis de toucher environ 1,5 million d’euros par an. Le pire est donc à craindre pour les salariés, même si Le Monde nous rassure : elle aurait « une fibre sociale ». Sa « fibre sociale » ne l’a pas empêchée de ne s’opposer ni aux ordonnances Macron qui ont démoli le Code du travail ni à la réforme des retraites. Par ailleurs, elle n’hésite pas à soutenir des militantes transphobes. Ça promet.

Tout ça pour ça

Pour la presse, la seule « prise de gauche » de ce gouvernement, c’est Didier Migaud, qui serait un « social démocrate ». Cela démontre une fois de plus que ces termes n’ont plus vraiment de sens. Cet ancien député socialiste a été notamment à la tête de la Cour des comptes pendant dix ans, jusqu’en 2020. En bon homme « de gauche », il avait été nommé à ce poste par Nicolas Sarkozy. À ce titre, il a passé son temps à défendre la réduction des dépenses publiques et l’austérité. Avant cela, il a grenouillé dans les appareils politiques pendant toute sa vie. Aujourd’hui âgé de 72 ans, il fait partie de ces nombreux politiciens qui, au crépuscule de leur vie, pourraient savourer leurs multiples retraites issues de leurs innombrables mandats, mais ne peuvent pas s’empêcher de continuer à nous pourrir la vie.

L’une des caractéristiques de ce gouvernement, comme des précédents, c’est que la plupart des ministres n’ont aucune compétence particulière dont le domaine qui est sous la responsabilité de leur ministère. Annie Genevard, nommée à l’Agriculture ? Ancienne professeur de lettres classiques, elle n’a jamais travaillé sur ce sujet.

L’une des caractéristiques de ce gouvernement, comme des précédents, c’est que la plupart des ministres n’ont aucune compétence particulière dont le domaine qui est sous la responsabilité de leur ministère. Annie Genevard, nommée à l’Agriculture ? Ancienne professeur de lettres classiques, elle n’a jamais travaillé sur ce sujet. Elle aurait d’ailleurs préféré le ministère de l’Éducation nationale. Malheureusement pour elle, une autre politicienne n’y connaissant rien au sujet lui a été préférée. La nouvelle ministre de l’Education nationale, c’est Anne Genetet, qui selon Le Monde, « n’a jamais travaillé sur les enjeux scolaires ». Elle est diplômée en « journalisme médical et communication », et a fondé une entreprise de « conseil en relations employeur-employée de maison pour des familles expatriées occidentales ». Ça ne s’invente pas.

Ok Dolores Ombrage

Concernant l’enseignement supérieur, la nomination de Patrick Hetzel a de quoi inquiéter. Comme nombre de ses collègues, il a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG et contre le mariage pour tou.te.s.  En tant que député, il a fait une proposition de résolution préconisant « la création d’une commission d’enquête relative à l’entrisme idéologique et aux dérives islamo-gauchistes dans l’enseignement supérieur ». Par ailleurs, on notera la disparition du secrétariat d’Etat au handicap, preuve que non, les JO ne laissent aucune autre trace qu’un fugace moment de joie nationale : de beaux paralympiques mais plus d’instance dédiée à l’amélioration des conditions de vie des personnes handicapées, alors qu’on parle de plus de 6 millions de personnes !

À quoi cela sert-il donc de voter ?  La parodie de démocratie qu’organisent les institutions bourgeoises de la cinquième République ne doivent plus duper personne.

Tout ça pour ça. Macron aurait pu composer exactement le même gouvernement sans dissoudre l’Assemblée. À quoi cela sert-il donc de voter ?  La parodie de démocratie qu’organisent les institutions bourgeoises de la cinquième République ne doivent plus duper personne. Du discours triomphaliste de Jean-Luc Mélenchon le soir du deuxième tour à l’enfer de ce gouvernement composé de vieillards du RPR et de macronistes sans foi ni loi, nous avons vécu de nombreuses semaines démontrant les limites du suffrage universel en régime capitaliste. La bourgeoisie ne respecte le vote que quand il va dans son sens. Les bornes de la constitution s’élargissent au gré de ses intérêts du moment. C’est donc en dehors de ce système vicié que la solution réside. En chacun de nous-mêmes, et collectivement, trouvons les ressources pour empêcher ces voyous de nous gouverner. Ne croyons pas que le changement tant espéré se trouve dans l’attente passive des prochaines élections présidentielles. L’absence de légitimité démocratique de ce gouvernement est ressentie par la majorité d’entre nous. La clef réside dans notre mobilisation immédiate, pour faire enfin échec au macrolepénisme. 


Guillaume Etiévant


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