En ce moment même à l’Assemblée Nationale, les débats font rage autour d’une nouvelle vague de privatisation, qui touche cette fois-ci Aéroport de Paris et la Française des Jeux. Cette mesure n’a rien de surprenant quand on connaît le parcours de Macron. L’ancien ministre de l’Économie est un adepte de la grande braderie publique. À son arrivée à Bercy en 2014, il avait déjà annoncé une cession de 10 milliards d’euros d’actifs publics, c’est-à-dire une réduction de la part de capital détenue par l’État dans certaines entreprises. À son tableau de chasse, ou plutôt de ventes, on compte les aéroports de Toulouse, Lyon et Nice. Mais aussi des cessions de participations de l’État dans l’entreprise hautement stratégique Safran (qui produit notamment des avions et hélicoptères militaires), pour une opération globale avoisinant les 2 milliards d’euros. Mais cette nouvelle vague est inquiétante. D’abord, parce que la France a déjà abandonné aux investisseurs privés la plupart des sociétés industrielles, financières et commerciales qu’elle contrôlait. Les futures privatisations concerneront forcément des entreprises qui assument directement des missions de service public. Ensuite, parce que les participations de l’État s’élevaient, au 30 avril 2016, à 90 milliards d’euros. C’est donc plus de 10 % des actifs publics qu’Emmanuel Macron veut vendre, de quoi prendre la mesure de son plan de privatisation. Ces ventes fragiliseront la souveraineté de l’État à court terme, mais seront en plus très peu rentables à long terme. Chronique de l’escroquerie du peuple par les élites, réalisée avant l’été, donc au moment où nous anticipions des projets désormais tous confirmés :
Il était une fois… Un pillage organisé
Macron poursuit en fait le travail de ses prédécesseurs, qui à la suite de la vague de nationalisations de 1982, n’ont cessé de brader une par une les entreprises publiques. Il y a d’abord eu la première grande salve des années 1986-1988, qui concernait essentiellement des géants de l’industrie ou de la finance : Saint-Gobain, CGE (qui devint Alcatel), Matra ou encore Suez pour l’industrie ; Paribas, CCF (aujourd’hui racheté par HSBC) ou Société générale pour le secteur de la banque ; et encore TF1 ou Havas pour la communication… La pêche fut donc excellente pour des investisseurs privés qui récoltent encore aujourd’hui les fruits des profits de ces géants français. Autant de bénéfices qui auraient pu être redistribués à l’ensemble des Français si l’État avait conservé ces entreprises ! Après un moment de pause édicté par François Mitterrand pour son second septennat, les privatisations reprirent dès 1993, avec des cessions partielles ou totales d’entreprises dont nous avons souvent oublié qu’elles étaient publiques il fut un temps : celles de BNP, d’Elf, de Rhône-Poulenc, de la Seita, des AGF, de Pechiney, d’Usinor-Sacilor, de Renault ou encore de Bull, mises en œuvre par le gouvernement d’Alain Juppé…
Si ces premières vagues furent orchestrées principalement par des gouvernements de droite, la gauche a finalement décidé elle aussi de se lancer dans cette vente aux enchères de nos biens communs. Lionel Jospin a par exemple ouvert le capital d’Air France ou encore de France Télécom, qui peut pourtant être considérée comme une entreprise assumant des missions de service public. Puis, le chantier de la scandaleuse privatisation des autoroutes fut lancé, même s’il fut ensuite véritablement finalisé par le gouvernement Villepin. Cette mission d’aménagement du territoire fut ainsi déléguée à des sociétés privées… Mais surtout, ces sociétés ont été abandonnées au privé au moment précis où elles devenaient rentables, ce qui a constitué un jackpot pour des entreprises comme Vinci, qui se sont permis d’augmenter le prix des péages et de baisser les investissements, au détriment de tous les usagers. Les dépenses d’investissement avaient donc été assumées par la collectivité pour la construction de ces autoroutes, mais les profits sont maintenant privatisés.
Jean-Pierre Raffarin a poursuivi cette entreprise collective avec de nouvelles cessions de compagnies d’autoroutes, mais aussi de la société Thomson ou encore du Crédit lyonnais. De moins en moins d’entreprises restant à privatiser, Dominique de Villepin a poursuivi le bradage des autoroutes et engagé la privatisation d’autres services publics : ceux du gaz et de l’électricité, avec l’ouverture du capital de GDF puis d’EDF. La crise financière semble avoir empêché Nicolas Sarkozy de se lancer dans de nouvelles privatisations, mais le mal était déjà fait : la part de l’emploi public par rapport à l’emploi salarié est passé de 10,5 % à 3,4 % entre 1985 et 2011 et sur la même période le nombre d’entreprises publiques a diminué de moitié. Apparemment insuffisant aux yeux de François Hollande, ce pillage de l’État a été poursuivi par le président « socialiste », aidé pour cela par un ministre de l’Économie répondant au nom d’Emmanuel Macron.
Moins d’Etat, mais pour quoi faire ?
C’est donc logiquement que notre nouveau président s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs. Il a commencé par s’attaquer au secteur de l’énergie, avec la cession en septembre 2017 de 4,5 % de parts dans Engie (pour 1,53 milliard), qui faisait suite à celle de 4,1 % déjà initiée par François Hollande la même année. La logique du privé risque alors de privilégier les profits à court terme dans ce secteur pourtant stratégique, avec des conséquences comme la baisse des investissements dans le renouvelable ou encore la hausse des tarifs pour les usagers.
Mais des secteurs encore plus stratégiques pourraient être touchés. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient en effet de confirmer la future privatisation des Aéroports de Paris (ADP). Il va donc brader une partie de notre souveraineté nationale. En effet, un aéroport est une frontière. Depuis quand privatise-t-on la gestion des frontières ? Même aux États-Unis, les aéroports restent la propriété publique… De plus, la recherche exclusive de profits risque de se faire au détriment des enjeux de sécurité : même si l’État prétend pouvoir continuer d’imposer ses normes, nul doute que le futur acquéreur pourra exercer des pressions visant à assouplir ces règles. Il aura également intérêt à toujours intensifier le trafic, au détriment du respect de l’environnement, tant en termes de pollution atmosphérique que sonore. Il pourra également privilégier les profits de court terme à l’investissement de long terme. Tous ces choix se feront donc contre l’intérêt collectif, ce qui n’est pas étonnant, puisque cela ne représentera plus un objectif de l’entreprise, les intérêts privés s’étant substitués aux intérêts publics.
De même, le gouvernement ne cache pas sa volonté de privatiser la Française des jeux (FDJ). Or, cela pourra restreindre la capacité de l’État à imposer certaines règles. À commencer par la prévention de l’addiction. En 2014, la FDJ avait par exemple arrêté le jeu Rapido, pourtant le plus rentable, car il avait été jugé trop addictif. Un investisseur privé aurait-il réagi de la même façon ? De même, il est important que l’État puisse conserver un regard sur les presque 15 milliards de mises annuelles, afin de lutter contre le blanchiment d’argent. Un investisseur privé aurait au contraire intérêt à voir ces mises augmenter et donc à fermer les yeux autant que possible sur la provenance de l’argent misé.
Ainsi, l’intérêt collectif est sacrifié sur l’autel de l’idéologie libérale. Mais les pertes pour l’État seront également financières.
Une arnaque financière
En plus d’être dangereuse, la vente des Aéroports de Paris sera coûteuse. Ainsi, notre Président ne semble pas avoir retenu la leçon de la vente de l’aéroport de Toulouse : l’investisseur chinois s’était alors comporté comme un fonds rapace, pillant la trésorerie de l’entreprise pour s’octroyer des dividendes colossaux, au détriment des investissements promis. Ce qui avait fait réagir les élus locaux, au-delà des clivages politiques : dans une lettre au Premier ministre, le maire LR de Toulouse, la présidente PS de la région Occitanie, le président PS du département de la Haute-Garonne mais aussi le président MEDEF de la chambre de commerce et d’industrie de Toulouse ont tous dénoncé « la volonté systématique du nouvel actionnaire de ponctionner les réserves de la société et de maximiser le versement de dividendes » et donc d’avoir « une vision seulement financière de cet outil stratégique », exhortant le gouvernement à ne pas mener à son terme cette privatisation. Mais peut-on attendre d’un investisseur privé d’avoir une vision autre que purement financière ? Un groupe privé venant de l’autre bout de la planète pourrait-il vraiment se préoccuper des intérêts stratégiques français ?
Ce fiasco économique était donc à prévoir. En effet, la privatisation d’un monopole est toujours absurde économiquement. Or, un aéroport est un monopole naturel qui assure une clientèle captive et donc une rente financière. Pourquoi donc céder cette rente à des intérêts privés ?
La vente des Aéroports de Paris (ADP) devrait rapporter entre 8 et 9 milliards d’euros. Une partie devrait être placée dans un fonds, dont les intérêts seront destinés à financer l’innovation. Mais nous ne pouvons être dupes face à cette excuse de l’innovation, destinée à faire passer la pilule de cette privatisation. Les intérêts de ce fonds seront moindres par rapport à ce que rapporte aujourd’hui ADP à ses actionnaires (4 % après impôt en 2017) : l’État pourrait donc engranger plus de profits et investir davantage dans l’innovation en conservant ses participations actuelles dans ADP. Une autre partie des bénéfices de cette vente pourrait être utilisée pour désendetter l’État. En effet, il a été voté lors du projet de loi de finances 2018, il est vrai comme chaque année, que l’argent émanant des privatisations serait en parti affecté au désendettement de l’État. Mais là encore, quel est l’intérêt économique, sachant que l’État s’endette actuellement à des taux très faibles, voire négatifs, alors que ses parts dans ADP lui rapportent des intérêts élevés ? En outre, ce secteur est en pleine croissance : ADP, qui est le troisième acteur aéroportuaire mondial, envisage une augmentation de son trafic aérien d’environ 2 % et une croissance du chiffre d’affaires des services et commerces de ses aéroports de 30 % à l’horizon 2020. Les actions d’ADP devraient donc continuer d’augmenter. En 2013, l’État avait déjà cédé 13 % d’ADP à Vinci et au Crédit agricole : ces actions sont aujourd’hui valorisées le double ! L’État aurait donc mieux fait de les conserver. Et il ferait mieux de conserver les parts qu’il lui reste encore dans cette entreprise stratégique et rentable.
Les similitudes entre cette vente et la privatisation des autoroutes sautent aux yeux. Pourtant, cette privatisation est aujourd’hui dénoncée par l’ensemble de la classe politique. Et pour cause : augmentation du tarif des péages, baisse des investissements pour l’entretien des routes et profits faramineux sur le dos des usagers… Voilà un bilan que même la droite la plus libérale ne pouvait pas défendre ! Mais comme pour les autoroutes, l’investisseur privé pourrait négocier avec l’État une augmentation des redevances aéroportuaires, au détriment des voyageurs qui devront alors payer plus cher leur billet. Il pourrait également décider de baisser les investissements de long terme pour privilégier les profits de court terme. D’ailleurs, Vinci, qui avait déjà racheté les concessions d’autoroute ne s’y trompe pas : il est candidat pour renouveler la bonne affaire avec le rachat d’ADP. Mais pourquoi l’État est-il candidat pour se faire arnaquer de nouveau ?
L’arnaque saute encore plus aux yeux concernant la FDJ. En effet, elle est le seul acteur autorisé en France à vendre des jeux de tirage et de grattage et à pouvoir proposer des paris sportifs dans le réseau physique. Ce monopole lui confère naturellement une forte rentabilité pour l’État.
Le gouvernement ne semble donc ni prendre en compte les profits de long terme, ni les enjeux en termes de sécurité, de souveraineté, d’écologie ou de contrôle des prix pour les usagers. Mais alors, pourquoi diable s’acharnent-ils à privatiser toujours plus ?
Nos responsables sont-ils fous ou égoïstes ?
La démonstration des méfaits de ces privatisations semble trop manichéenne pour être réelle. Pourtant, nos gouvernants ne font rien par hasard. Et s’ils procèdent à ces privatisations, c’est bien qu’ils en retirent des intérêts.
Le premier bénéfice est purement idéologique. Les libéraux prônent l’ouverture des marchés et les privatisations, en vertu de la sacro-sainte concurrence. Ainsi, peu importe si certains monopoles sont naturels et souhaitables, il faut tout faire pour les faire exploser.
Mais surtout, ces privatisations représentent un intérêt financier de court terme. Ainsi, si nous venons de montrer qu’à long terme l’État aurait tout intérêt à garder ses participations, vendre lui permettra d’engranger un profit immédiat. Il peut paraître en effet tentant de récupérer d’un coup 10 milliards. Cet argent pourra alors être utilisé à court terme, à des fins électorales, quitte à laisser à ses successeurs un héritage moindre.
Qui plus est, le recul des services publics, qui va de pair avec les privatisations, n’est pas un problème pour tout le monde. Ainsi, les plus riches de notre pays ont intérêt à ce que l’État réduise sa voilure puisque cela pourra alors s’accompagner de nouvelles baisses d’impôts pour eux. De plus, ils ne souffriront que peu de la privatisation des services publics, dans la mesure où ce ne sont pas ceux qui en ont le plus besoin et qu’une hausse des tarifs sera pour eux quasiment indolore. En somme, ils préfèrent voir leur facture d’électricité augmenter de quelques euros, en échange d’une baisse d’impôt de plusieurs millions.
En outre, parmi ces puissants, certains profiteront de cette braderie géante pour se procurer à bas prix d’excellentes affaires. Ces privatisations s’apparentent donc à une braderie caritative dont l’entièreté des bénéfices ira pour une noble cause : servir les plus favorisés de notre pays.
Mais si ces gens préfèrent diminuer les services publics pour ne pas avoir à les financer, l’immense majorité des Français sont perdants. Et c’est, au contraire, de nationalisations dont on aurait besoin.
Le bonheur collectif passe par les nationalisations
Prenons le problème à l’envers : plutôt que de se demander ce que l’État pourrait bien encore vendre, demandons-nous ce qu’il aurait intérêt à récupérer.
Le problème d’un monopole est qu’il procure une rente à l’entreprise qui en jouit. Celle-ci peut faire augmenter les prix à sa guise, au détriment du consommateur. Ainsi, s’il n’existait par exemple qu’un seul opérateur Internet, il pourrait fixer les prix comme il le souhaiterait, ou presque, et dégager des bénéfices colossaux. Mais lorsque le monopole est public, ce problème ne se pose plus. L’acteur public n’a pas d’intérêt à fixer des prix trop élevés car il ne pourra de toute façon pas en retirer de bénéfices. Et si jamais il venait à devenir très bénéficiaire, cet argent ne servirait de toute façon pas à engraisser quelques actionnaires, mais serait reversé à l’État, qui pourrait alors le redistribuer vers d’autres services publics moins bénéficiaires.
L’autre problème du monopole est qu’il existe des secteurs où la concurrence peut apporter une certaine variété dans l’offre et être ainsi intéressante. Mais dans beaucoup de domaines, les différences entre les offres sont minimes. Par exemple, existe-t-il une réelle variété grâce aux quatre opérateurs Internet existant actuellement ? On pourrait donc imaginer transformer tous les secteurs concurrentiels, où la concurrence n’apporte strictement rien tant les différences entre les offres sont minces, en monopoles publics. Tout le monde y serait gagnant.
Prenons l’exemple des opérateurs Internet, que l’on pourrait nationaliser. Le consommateur n’aurait plus à choisir entre des dizaines d’opérateurs en déjouant les pièges de tarifications compliquées ayant pour unique but de le tromper, ni à subir l’avalanche de publicités censées expliquer ces offres. Il n’aurait qu’à choisir une offre qui lui convient au sein de l’unique opérateur public, sans avoir peur de se faire arnaquer. Cela ferait également grandement baisser les prix. En effet, le consommateur n’aurait plus à rémunérer la rente des actionnaires, ni les dépenses de communication gargantuesques de ces opérateurs. Il faut dire que se différencier de ses concurrents lorsque l’on propose exactement le même produit demande beaucoup d’efforts de communication.
Certains pourraient avoir peur que cela nuise à la qualité de l’offre. L’opérateur sans concurrence, qu’il soit public ou privé, n’aurait pas assez d’incitations à proposer un service de qualité et à innover. Mais ne pouvons-nous pas imaginer au contraire que l’opérateur libéré de la concurrence pourrait davantage se concentrer sur la façon dont il pourrait améliorer son offre ? Par exemple, toutes les équipes actuelles de marketing et de communication n’ont qu’un seul objectif : faire croire que l’offre de leur employeur est la meilleure et donc imaginer divers stratagèmes pour se différencier, tels que des réductions temporaires, des publicités jouant sur l’image de marque, etc. Toutes ces personnes pourraient être redéployées vers une amélioration réelle de l’offre, par exemple en développant le réseau ou encore en venant en appui aux personnes ayant des difficultés techniques avec Internet, afin de rendre cet outil accessible à tous. Par ailleurs, ne pourrions-nous pas imaginer qu’un fonctionnaire pourrait être davantage impliqué pour améliorer son offre lorsque le résultat de son travail touchera l’ensemble des Français. N’est-ce pas une perspective plus motivante que de simplement permettre à son employeur de gagner des parts de marché supplémentaires et donc finalement lui permettre de s’enrichir encore un peu davantage, au détriment de ses concurrents ?
Lorsqu’on y réfléchit, ces secteurs sont nombreux. Cela pourrait également concerner les opérateurs téléphoniques. Est-ce que le fait d’avoir le choix entre SFR et Orange apporte réellement au consommateur une liberté supplémentaire ? Cela concerne également les infrastructures publiques. Les transports : train et bus, mais aussi taxi ou location de vélo. Les services bancaires. Et tant d’autres domaines. La puissance publique pourrait alors récupérer les bénéfices engrangés actuellement par les actionnaires privés, proposer des services meilleurs et libérer le consommateur du difficile choix entre différents acteurs proposant exactement la même chose mais déployant une énergie folle pour faire croire l’inverse. Cela constituerait une économie de temps et d’énergie pour tout le monde. Du temps et de l’énergie qui pourraient être redéployées vers des activités réellement utiles et rémunératrices en bonheur.
« La SNCF ne sera pas privatisée », vraiment ?La SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), sera-t-elle privatisée suite à l’adoption du projet de loi « Pacte ferroviaire » ? « Jamais ! », répond depuis le début le gouvernement, désireux de ne pas choquer davantage de citoyens, déjà échaudés par l’ouverture à la concurrence du rail que ce projet de loi contient.
En est-on si sûr ? Juridiquement, ce projet de loi change le statut de la SNCF : d’EPIC, qui implique nécessairement un capital fermé aux investisseurs privés et une activité uniquement tournée vers une mission de service public, la SNCF deviendra – si cette loi n’est pas stoppée par la grève des cheminots – une société aux capitaux détenus par l’État. Selon le gouvernement, cela « modernisera » simplement l’organisation de la SNCF, lui donnera une plus grand marge de manœuvre et sera conforme aux exigences européennes en termes de concurrence. Mais ce statut a aussi un autre aspect : il est une étape indispensable pour privatiser dans de bonnes conditions une entreprise publique. C’est du moins ce que l’histoire récente nous apprend. Gaz de France, devenue société à capitaux publics en 2004, ne devait pas non plus, ô grand jamais, être privatisée. C’est du moins ce qu’affirmait le ministre de l’Économie de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy, renommé depuis pour son honnêteté : « EDF-GDF ne sera pas privatisée, ni aujourd’hui, ni demain. » (7 avril 2004, hémicycle de l’Assemblée nationale). Deux ans plus tard, GDF était privatisée, après une fusion avec Suez (ce qui aurait été impossible avec le statut d’EPIC). Pendant le débat parlementaire, les députés de la France insoumise ont réussi à montrer que pour le gouvernement, l’avenir public de la SNCF n’était pas garanti : proposant un amendement précisant que les capitaux de la SNCF demeureraient « incessibles », ils ont récolté un net refus de la part de la majorité gouvernementale… |
Légende de l’infographie :
L’horizon indépassable que la puissance publique peut se voir attribuer par les libéraux est le rôle d’ « État-stratège ». Pourtant, ces derniers démantèlent le bien commun pierre à pierre depuis 30 ans pour le livrer au privé.
L’État de siège doit-il être proclamé ? La mise à sac des fleurons de l’économie française est-elle irréversible ? Voici un petit rappel – sous la forme de la citadelle de Vauban de Neuf-Brisach en Alsace, jamais prise – à l’heure où de nouvelles menaces de privatisation pèsent sur la SNCF, la Française des jeux, Aéroports de Paris, etc.
Infographie réalisée par « Jori »