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Terme bourgeois et médiatique utilisé pour désigner une loi ou un décret modifiant une partie du modèle social, du fonctionnement des services publics ou des rapports de pouvoir au travail en faveur des entreprises privées et de leurs actionnaires. « Il faut avoir le courage politique de réformer le pays » « la réforme des retraites est indispensable, on a trop attendu pour la faire ».

  • Attention, petit piège : selon le Larouse, la définition de réforme est « Changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement » – le terme bourgeois « Réforme » désigne au contraire une dégradation du fonctionnement, du moins en terme de justice sociale.
  • Une réforme est systématiquement « nécessaire » : le politique bourgeois ne la souhaite pas par plaisir – au contraire il est généralement d’accord pour dire que la réforme sera douloureuse et qu’elle suscitera des craintes légitimes – mais bien par nécessité : telle évolution de courbe montre qu’on n’a plus le choix, qu’il faut par exemple « réformer l’assurance chômage en réduisant l’indemnisation et un incitant au retour à l’emploi (NDRL : foutre la pression sur les glandus) » pour « sauver l’assurance-chômage de ses déficits ».
  • Bien entendu, pour que la réforme soit « nécessaire » aux yeux de tous (…les journalistes), il faut que l’institution visée soit dans un sale état : un service public laissé à l’abandon, par exemple le réseau ferré mal entretenu de la SNCF, donnera plus facilement envie de le privatiser. Les anglo-saxons appellent cette stratégie « starving the beast » (affamer la bête).
  • La réforme est par nature « impopulaire » bien que nécessaire : elle risque de provoquer manifestations, pétitions et grève, c’est dans sa nature. C’est d’ailleurs pourquoi le politique qui a « le courage » de réformer ne se laissera pas intimider par la plèbe.
  • la réforme est toujours “urgente” et “on a trop attendu pour la mener” : cela fait 30 ans que les gouvernements successifs font des “réformes”, et pourtant c’est toujours comme s’il n’y en avait jamais eu, comme si le gouvernement d’avant s’était couché face aux forces sombres et puissantes du conservatisme. Pourtant, ce n’est pas arrivé depuis… 2006.

Recette pour « faire passer une réforme » :

1 – « Organiser une grande consultation » : votre réforme est déjà dans les tuyaux mais ça coûte quoi d’organiser un grand raoud avec « les partenaires sociaux » et « la société civile » ? Bonus : vous pouvez déjà diviser les opposants entre « ouverts au dialogue » (la CFDT) ou « arc-boutés sur leurs acquis » (la CGT).

2 – Gérer les opposants en les traitant d’archaïques, de conservateurs et de résistants au changement. D’ailleurs, « ce n’est pas la rue qui décide » et « la violence est inadmissible » (et non, augmenter la misère des gens ce n’est pas violent enfin).

3 – Après avoir réprimé à coup de LBD et de lacrymo, reconnaissez en prime time que « la méthode n’était peut-être pas adéquate ». Dites que vous auriez dû « davantage expliquer » et qu’à l’avenir il faudra « faire preuve de pédagogie ». Après avoir traité la foule comme du bétail, traitez-la comme un gosse.

Le terme « réforme » est donc essentiel pour les bourgeois car il permet de :

  • Faire passer pour « moderne » et « technique » une mesure qui est régressive, injuste et idéologique, et donc de se placer dans le camp de la Raison.
  • Faire donc passer les opposants à vos projets pour des cons bornés et dogmatiques.
  • Laisser supposer l’existence d’un Bien futur et supérieur au nom duquel vous faites du mal : prolonger la durée de cotisation pour la retraite pour « sauver la retraite par répartition » alors que vous allez en fait favoriser la prise de contrats par capitalisation, « permettre le dialogue social » alors que vous augmentez l’arbitraire patronal.

Synonymes, nouvelles tendances :

  • On nous signale que le terme “réforme” commence à s’user (après trente ans d’usage forcené, c’est bien normal) et que celui de “Transformation” s’impose petit à petit avec les macronistes.
  • Il est vrai que la loi de réforme du système de santé s’appelait “organisation et transformation du système de santé” et celle de la fonction publique “transformation de la fonction publique”.