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“Vos Frustrations” est une rubrique créée pour que nos lectrices et lecteurs nous racontent leur cri du cœur du moment, le sentiment d’injustice qui les habite et ce qu’ils ont vécu au travail ou dans leur quotidien. Aujourd’hui, nous publions la frustration de M.T.L. au sujet de la difficulté de ce loger dans le Pays Basque.


Je travaille à l’année sur la côte Basque. Comme une grande majorité des habitants du coin, je suis passée par de nombreuses péripéties (pas encore tout à fait terminées) pour réussir à me loger. Entre coups de stress et moments de doutes, je souhaite aujourd’hui témoigner concernant mes recherches de logement sur un littoral touristique.

Sur la côte Basque, de nombreux logements sont possédés par de riches propriétaires. Certains vivent dans la région, d’autres pas, et gardent leur(s) logement(s) Basque(s) en guise de résidence secondaire, pour venir y passer du bon temps ou bien le louer durant la saison estivale.

Le taux de logements secondaires, comme sur de nombreux littoraux, est très élevé sur la côte Basque  – entre 40 % et 50 % selon les communes. Parmi ces logements, certains sont vides la majeure partie de l’année, d’autres sont loués de façon plus ou moins légale.

Les habitants à l’année, celles et ceux qui font vivre la côte Basque, qui y travaillent, et qui permettent aux bourgeois de bénéficier de services et d’infrastructures lorsqu’ils s’y rendent, parviennent à peine à se loger sur place. Ils ont le choix entre vivre dans les terres, et faire chaque jour de nombreux kilomètres dans les bouchons, sur de petites routes sinueuses, pour pouvoir se rendre au travail, ou bien enchaîner les baux précaires sur la côte, devant ainsi choisir entre logement stable et confort du quotidien.

Baux mobilité, l’illégalité décomplexée des riches propriétaires

Ces baux précaires sont ce que l’on appelle des « baux mobilité », commençant généralement en septembre ou octobre, et s’étendant jusqu’au mois de juin de l’année suivante. Ces baux, à l’origine réservés aux salariés en mission temporaire, en formation, aux étudiants ou bien aux volontaires en service civique, sont monnaie courante sur la côte Basque. De nombreux habitants à l’année doivent y recourir, tant pis pour eux, ils n’auront qu’à se débrouiller pour trouver un plan de secours durant l’été. 

Ainsi, n’ayant pas d’autre choix, les locaux et travailleurs à l’année acceptent ces baux précaires dans l’espoir de trouver un jour un logement à l’année, et surtout de réussir à se faire héberger à droite à gauche durant la saison estivale, avant de rechercher à nouveau un logement en septembre.

Je parle de bail mobilité, mais c’est lorsqu’il y en a un, bien entendu. De nombreux logements sont loués sans bail, ou bien avec un semblant de bail établi par les propriétaires dans le seul but de protéger leur bien (une telle vache à lait, il faut en prendre soin), mais qui demandent bien souvent aux locataires de ne pas déclarer cette adresse. Et oui, ce serait quand même dommage de devoir payer des impôts sur la location de ses multiples logements secondaires sur le littoral…

Pourquoi les propriétaires font-ils cela ? Tout simplement parce qu’en été, ils peuvent louer leur logement à la semaine, à des prix exorbitants. Ils sont déjà bien riches – lorsqu’on possède un voire plusieurs biens secondaires dont le prix au m² se situe entre 4000€ et 7000€, on est rarement prolétaire – mais pourquoi cracheraient-ils sur ce gain supplémentaire ? Ils n’ont tout de même pas investi dans ce lieu hautement touristique pour faire du social ! 

Malgré cela, il faut leur faire de grands sourires lorsqu’ils daignent vous faire visiter un logement. La concurrence est tellement rude, la demande est si élevée comparée à l’offre, que si l’on n’a pas l’air suffisamment sympathique, on peut rapidement être éliminé dans cette course au logement.

Un manque de contrôle qui arrange bien la bourgeoisie

Le problème, c’est qu’il n’y a pas de contrôles : les propriétaires enchaînent les pratiques illégales, en établissant de prétendus baux pourtant censés être encadrés par une loi, inadaptés à la situation des locataires, et parfois non déclarés. 

Personne n’est dupe. Tout le monde sur la côte Basque est au courant de ce fonctionnement, qui perdure puisque personne n’agit. Beaucoup trop de riches propriétaires sont concernés pour que les pouvoirs publics daignent intervenir. Car quand les bourgeois sont coupables de fraudes, ils sont étrangement bien moins inquiétés qu’un pauvre qui doit 500€ à la CAF, non ?

Pour l’instant, la seule réponse apportée par les pouvoir publics a été de créer des logements, ce qui n’est à mon avis qu’une mesure pansement qui ne comblera en aucun cas des inégalités déjà bien trop installées. Ce qu’il faudrait, et que réclament plusieurs associations et collectifs locaux, c’est un encadrement réel des loyers et des processus de location, qui augmenterait considérablement le nombre de locations à l’année. Mais aussi, pourquoi pas, une priorisation aux achats en tant que résidence principale, de façon à pouvoir enfin loger décemment tous les locaux.