Tout était pourtant tellement bien parti : après avoir fait endosser à un candidat “de gauche” censé être “l’ennemi de la finance” des réformes clefs comme la loi Travail et des cadeaux qui font bien plaisir comme le CICE, nos éditocrates, grands patrons et intellectuels médiatiques avaient le plan idéal pour continuer à se gaver sur le dos des Français : il y a eu d’abord Juppé, dont la victoire était garantie (“la gentille droite modérée” et l’homme “droit dans ses bottes” de 1995 : du solide), puis Fillon, partisan d’une “blitzkrieg sociale” qui faisait saliver d’envie le MEDEF. Enfin, Macron, la synthèse idéale, le poulain parfait, qui satisfaisait tout le monde et confortait les oligarques bien-pensants comme Cohn-Bendit et BHL dans le sentiment de leur propre vertu. Un match était prévu entre ce jeune prodige incarnant à la fois le libéralisme et le “progressisme” et la poisseuse héritière du poujadisme, incarnant la fermeture et le capitalisme national. Un match sans risque, un scénario sécurisant pour nos élites.
Et voici qu’on ne sait comment (“comment est-ce possible ?!” répète désormais chaque soir Ruth Elkrief sur le plateau de BFM TV), le candidat de la France Insoumise, qu’on croyait destiné à un rôle de figuration à la fois rigolo et vintage, s’est invité dans les possibles dénouements de cette présidentielle qui, “décidément est pleine d’imprévus” (disent les éditocrates qui ronronnaient de plaisir devant la fausse alternance PS-Républicains en vigueur depuis 30 ans).
C’est donc la grande angoisse et Le Figaro a sorti son artillerie lourde, bien rouillée car peu utilisée depuis 1989 : la peur du rouge, tandis que Macron hurlait hier à Besançon, d’une voix de premier de la classe qui aurait eu moins de 18/20 en dictée : “Mélenchon c’est le modèle économique du Vénézuela” “sa paix est celle de Moscou, je n’en veux pas !”.
Les grands patrons, leurs journaux et leurs candidats s’agitent car ils ont beaucoup à perdre en cas de victoire de la France Insoumise :
– Serge Dassault (Le Figaro) n’aura plus de “ministre de la défense VRP” pour écouler sa camelote guerrière dans toutes les dictatures du monde (un rôle jusque là assuré à la perfection par le cumulard Jean-Yves Le Drian, que Macron prévoit de reconduire à son poste en cas de victoire).
– Vincent Bolloré (Canal+ et Vivendi) ne va sans doute pas pouvoir inviter Mélenchon sur son yacht après sa victoire et il devra reverser une part conséquence de ses 7,3 milliards d’euros à l’État et faire en sorte que son salaire n’excède pas 20 fois celui de son salarié de base (actuellement il touche à peu près 200 SMIC annuels, il va falloir faire des efforts)
– Patrick Drahi (BFM TV, Libération, SFR..) va devoir payer ses impôts sur les sociétés, qu’actuellement il domicilie dans les paradis fiscaux, si toutefois le gouvernement de Mélenchon parvient à mettre en place son système d’impôt universel qui organise l’impossibilité pour les entreprises françaises d’utiliser le prétexte de la domiciliation à l’étranger pour se défiscaliser.
Maintenant que le spectre rouge se rapproche, ces messieurs dames craignent pour leur fortune, leurs exonérations de cotisations sociales, leurs boucliers fiscaux, leurs entreprises publiques rachetées à bas coût… Nul doute que durant cette dernière ligne droite, la presse du CAC 40 va multiplier ce genre de Unes. Quand l’oligarchie est attaquée, l’oligarchie contre-attaque, toujours.