logo_frustration
U

C’est le sport national pour tout ce qu’il est convenu d’appeler l’élite intellectuelle et culturelle de ce pays : “Tiens, si on écrivait une tribune ?”. Des attentats ? Une tribune. Des élections ? Une tribune. Une épidémie ? 35 tribunes. En une semaine nous avons eu le droit à Juliette Binoche et “des personnalités du monde de la culture” appelant à tout changer puis à Nicolas Hulot nous délivrant 100 propositions qui remplissent tout le bingo des poncifs bourgeois du moment (la “résilience”, la “bienveillance”, la “transparence”…). C’est un véritable art d’arriver à enfoncer tant de portes ouvertes et à surjouer ainsi l’engagement radical en ne remettant rien en cause et en ne dérangeant personne. Nous aussi nous avons voulu nous essayer à ce genre littéraire si distingué qui, à coup sûr, nous ouvrira les portes de moult vernissages et dîners mondains après le confinement !

Le monde d’après ne doit pas être comme le monde d’avant. Le monde d’avant était moche, plein d’inégalités et d’injustices, il y avait des gilets jaunes en colère et… ils avaient raison, même s’ils ont cassé trop de choses. Il y avait aussi des problèmes avec l’environnement et ça, c’est intolérable.

Nous, personnalités de la politique, du monde de la culture, de la littérature, de la BD, des acteurs qui donnent à des œuvres de charité, des tenanciers de blogs et des directeurs de magazines de gauche, nous appelons à ce que le monde d’après ne soit pas comme le monde d’avant, parce que ça suffit.

“Le monde d’avant, ça suffit”

Nous avons donc une liste de recommandations très concrètes :

La société doit être plus inclusive et bienveillante. Le confinement nous a bien montré qu’il était très pénible de ne plus être livré en sushis à son domicile à toute heure de la journée et que les livreurs étaient des héros du quotidien. Il faut revoir la hiérarchie des salaires et donc jamais, ô grand jamais, oublier de donner un pourboire aux livreus.re.s. Et l’égalité des chances doit prévaloir à l’école, pour que chacune et chacun puisse décider en conscience s’il préfère devenir travailleur précaire ou haut cadre de l’agroalimentaire.

“Célébrons les héros du quotidien”

Le coronavirus nous a montré que l’hôpital était extrêmement important : en fait, à l’intérieur, des soignant.e.s sauvent nos vies chaque jour. Clap clap clap clap clap clap clap clap à elles et eux. Merci de tout cœur et bon courage, on pense fort à vous.

Pourquoi applaudir par la fenêtre les “soignants” protège les vrais responsables

Cette crise a mis en lumière les logiques mortifères de l’ultra-libéralisme, il faut rompre radicalement avec cela ! Dans les entreprises, on doit arrêter de maltraiter les salariés ! Des boîtes à idées doivent être installées partout, car eux savent parfois mieux que les directions ce qu’il convient de faire et de produire ! La pratique du yoga et la méditation en pleine conscience doivent devenir un droit opposable !

“La méditation en pleine conscience comme droit opposable”

Nous affirmons aussi, avec fermeté, que la finance, ça suffit. Il faut reconsidérer l’économie réelle : moins d’argent pour les actionnaires, plus pour les petits patrons qui prennent des risques, comme Xavier Niel. Nous proposons une taxe de 0,0001% sur les grandes fortunes qui ira directement au financement d’un grand concert annuel pour la bienveillance et l’inclusivité au travail.

Mais surtout, surtout, nous osons prendre le contrepied des discours dominants et déclarer avec fougue que l’écologie, c’est essentiel. La nature nous envoie par ce virus une supplication. Elle agonise sous nos yeux pendant que des gens en pantacourt font la queue à MacDo. Il faut dès maintenant moins prendre l’avion (sauf pour se rendre à un tournage, une tournée, une promo de bouquin ou une pièce de théâtre) et cesser de consommer. Maintenant. Tout de suite.

“Arrêtez tout de suite de consommer et applaudissez la vie”

Sans consommation de masse et avec l’arrêt de l’usage de la voiture individuelle que nous appelons de nos voeux, un revenu universel de 450€ pourra être accordé à tous les accidentés de la vie et conviendra largement à une société de la sobriété heureuse.

Enfin, l’Europe a montré ses limites. Pas de solidarité, pas d’argent , pas de… Bref. Il faut donc plus d’Europe, mais une Europe vraiment Sociale, qui protège, une Europe maman qui prend soin, car c’est ça, la valeur de notre époque, c’est le Care. Cela fait 30 ans qu’on le propose, mais cette fois-ci, c’est la bonne, on le sent.

“Pour une Europe vraiment hyper sociale”

Ces propositions sont ambitieuses et subversives, mais nous ne pouvions nous taire devant les défis de notre temps. Pour que notre société puisse amorcer sa résilience, n’ayons pas peur de demander le mieux. Comme le dit si bien Christiane Taubira : “Le ciel est la limite.”