Il y a tout dans cette image. D’abord, dans les mots, la décomplexion de nos dirigeants à nous servir le même discours qu’il y a à peine dix ans, cette volonté de nous refaire passer à la caisse et, pour certains, à la casse. Ensuite, dans le choix de la photo se révèle le larbinisme journalistique dès plus radical : « regardez les enfants, le prof vous dit d’encore plus travailler au prochain trimestre ! »
Il y a une décennie, après la crise financière dite des « subprimes », nous avions exactement eu droit au même type de discours. Les gouvernements successifs nous ont fait payer cher le prix du rétablissement des banques et de l’économie financière mondiale.
Cela s’est traduit de trois façons : la moitié des français a perdu des centaines d’euros de pouvoir d’achat, à cause du chômage et des salaires à la baisse. Dans les entreprises et les services publics, il a été demandé à tous les salariés et fonctionnaires de faire plus avec moins : le nombre de burn out et d’accidents du travail a considérablement augmenté dans cette période, et sans droit de se révolter parce que « c’est la crise, chacun doit faire des efforts ». Au nom du même discours, nos services publics et nos droits sociaux ont été rabougris, sabotés. Ce qui est le patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas – car les services publics appartiennent à tous – a été saigné. On le paye désormais avec un système de santé affaibli, mais d’autres l’ont payé ailleurs : les enfants placés de l’aide sociale à l’enfance (ASE), les inspecteurs du travail, les enseignants, du collège à l’université … Tout ça parce qu’il fallait « tous faire des efforts ».
Tous ? La grande bourgeoisie n’a connu qu’une seule année difficile, en 2009, où ses dividendes et le cours de ses actions étaient un peu plus bas que d’habitude. Mais grâce aux Etats qui ont sauvé son système et à la flopée de lois qui ont réduit le prix du travail qu’elle exploite et la ponction fiscale des revenus qu’elle vole, toutes les autres années ont été fastes. 2019 fut carrément une année record de dégagement de dividende, pendant que le mouvement des gilets jaunes – la colère des gens qui galèrent en fin de mois – était réprimée dans le sang.
Et voilà qu’ils remettent ça. Nous allons à nouveau devoir payer pour maintenir à flot leur système économique. Le capitalisme sera sauvé à tout prix, alors que nous sommes bientôt une majorité à être prêt à le laisser crever afin de construire sur ses ruines un système économique rationnelle au service des vies humaines et des besoins réels – non des profits et des délires marketings (la ville intelligente, la livraison à domicile généralisée, l’événementiel d’entreprise…). Et c’est encore à NOUS de payer.
Le pire, c’est que les récentes lois passées par Macron ou Hollande permettent encore mieux de nous faire passer à la caisse qu’en 2008 :
- Il est encore plus facile qu’avant de licencier : les lois El Khomri et les ordonnances Macron ont considérablement assouplies les critères du licenciement pour motif économique.
- Il est encore plus facile de baisser les salaires : des accords de compétitivité ont été introduit sous Hollande et facilité sous Macron, instituant le chantage « vous acceptez de baisser vos salaires, ou on licencie ».
- L’augmentation des impôts touchera de moins en moins les riches, puisque l’ISF n’existe plus sur la partie financière du patrimoine. Encore plus qu’en 2008, quand l’Etat paye, c’est nous et non les riches qui payons.
Bien entendu, ils diront que certes, en 2008, c’était la faute de quelques traders audacieux, mais que ce coup-ci, la crise, ce n’est la faute à personne. Ce serait ignorer que ce sont EUX qui nous ont mis dans cette situation. A cause de LEUR mondialisation des échanges, LEURS plans d’austérité dans les hôpitaux, LEURS fermetures d’usines de masque et de matériel médical au nom de la compétitivité par la délocalisation. Cette épidémie est la conséquence de LEUR système anti-social et anti-écologique, pas du hasard.
Si nous payons à nouveau ce coup-ci, nous serons encore plus pauvres, affaiblis et exposés quand arrivera la prochaine crise du capitalisme. Dans une décennie ou moins, quand les catastrophes climatiques s’enchaîneront au point que même leur système ne pourra plus tenir, ils nous demanderont A NOUVEAU de payer, par notre travail, par nos impôts, les sacrifices de nos services publics et droits sociaux.
Refusons de payer, laissons leur système crever, leur profits s’effondrer. En parallèle, construisons l’économie collective que nous voulons !