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Frank Page, jeune livreur de 18 ans, travaillait pour Uber Eats. Il a été renversé par un camion la semaine dernière, à coté de Bordeaux. Il fait partie de ces milliers de gens qui font ce métier épuisant, dangereux et pourtant considéré non pas comme du salariat mais comme une “auto-entreprise”.

Cette aberration, personne ne l’ignore. Pas d’accident du travail, une indemnisation maladie privée (Uber Eats propose à ses coursiers une assurance Axa), aucune formation et… aucune responsabilité de l’employeur en cas d’accident ou de décès.

Nous en parlons depuis les débuts de Frustration : l’ubérisation c’est le rêve du MEDEF pour des entreprises irresponsables vis à vis des travailleurs.

Et le consommateur est encouragé à faire preuve de cette même irresponsabilité : En ce moment, les transports franciliens accueillent une nouvelle campagne publicitaire pour Uber Eats : on y voit des cadres jeunes et séduisants “mériter” leur livraison à domicile par leurs petits efforts de cadres : faire du cardio, “exposer ses idées” (on y voit une jeune femme expliquer certainement sa prochaine campagne publicitaire Uber Eats devant ses collègues épatés par tant de cynisme), faire de la natation… Tout ça mérite bien une petite domesticité ?

Alors que ces cadres vivent dans les centre-villes, peuvent trouver un large choix de restos en tout genre en bas de chez eux, on leur vend des nouveaux domestiques. Lesquels n’apparaissent évidement pas sur ces affichages : ces livreurs qui risquent la vie pour un besoin absurde, qui ne disposent d’aucune garantie sociale, pour la simple et bonne raison que ces plateformes ne survivraient pas sans sous-payer les gens, ne font pas partie de l’équation magique qui permet à des plats variés d’arriver chez vous pour quelques euros.

Heureusement, les victoires juridiques s’accumulent, ces derniers temps, contre le modèle des sociétés comme Uber Eats. Les livreuses et livreurs s’organisent, développent des alternatives comme CoopCycle, luttent et gagnent. Gageons qu’un jour les plate-formes seront contraintes de reconnaître leurs travailleurs comme des salariés et les morts qu’elles provoquent comme leur faute. Les prix seront alors plus élevés, et non, il ne suffira pas d’avoir fait “45 min de cardio” pendant que d’autres risquent leur vie sur la route pour mériter ses “0 minutes de cuisine”.