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“La vie d’un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d’un salarié. Il ne faut jamais l’oublier (…) Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties”, déclarait Macron en 2016. Il était alors ministre de l’économie et déjà candidat de la grande bourgeoisie pour un “nouveau monde” encore plus capitaliste et néolibéral que l’ancien. Il débitait déjà l’ensemble des croyances de sa classe, à commencer par celle-ci : les possédants seraient avant tout des “preneurs de risques”, ce qui fonde leur légitimité à nous diriger.

L’épidémie de coronavirus met à nu nombre de ces grands mythes bourgeois. On a ainsi appris qu’il y avait de l’argent magique, mais seulement pour le CAC 40. Que des énarques et des polytechniciens peuvent être surdiplômés, mais nous envoyer tout de même droit dans le mur, ou encore que les salariés étaient plus responsables face à la production que leurs patrons. Et maintenant, on sait désormais qui “prend des risques” dans notre société. Une stupidité macroniste de plus est exposée.

C’est quoi au juste, “prendre des risques” ? Laprise en charge des conséquences, négatives ou positives, d’un risque au sein d’une l’organisation”. Le risque peut-être ainsi défini comme “la probabilité d’occurrence d’un péril probable ou d’un aléa”.

Le mythe bourgeois nous raconte que les grands patrons et grands investisseurs misent tout, comme des joueurs habiles, et récoltent les fruits de leur audace. C’est ainsi qu’ils méritent leur argent et leur pouvoir. On connaît l’histoire de Bill Gates qui a conçu Microsoft depuis son garage, de Mark Zuckerberg élaborant Facebook depuis sa chambre de fac, ou encore de Gérard Mulliez, constructeur du premier hypermarché Auchan sur un terrain vague dans la banlieue de Roubaix.

Ce qu’on sait moins, c’est que si Bill Gates a pu être un crack de l’informatique à une époque où la pratique était marginale, c’est grâce à ses riches parents. Il a pu intégrer un collège très sélectif et possédant un des premiers ordinateurs, contrairement à tous les autres. Autre exemple : pour lancer son premier Auchan, Gérard Mulliez disposait du carnet de chèque de son père, patron du géant du textile Phildar (légué par son propre père) : “J’avais repéré le terrain. Mon père m’avait laissé un carnet de chèques et quand il est rentré de vacances, un mois après, tout était signé.” raconte-t-il à la Voix du Nord en juin 2016. Bref, pour “prendre des risques”, en régime capitaliste, il faut être en sécurité.

Auchan, parlons-en, tiens. Qui, dans cette grande entreprise fondée grâce à l’audace de Gérard Mulliez, prend “en charge, les conséquences, négatives ou positives, d’un risque au sein d’une organisation”, en ces temps de coronavirus ? La famille Mulliez, connue pour ses grandes maisons d’exilés fiscaux de l’autre côté de la frontières belge ? Ou les salariés d’Auchan qui se battent pour obtenir des “primes de risque” ? La dernière victoire en la matière a été pour les salariés d’un Auchan en Seine et Marne : 650€ net, à l’année. La direction elle, leur proposait 350€… brut. Voilà dans quelle mesure est rétribuée le vrai risque sanitaire qu’encourent les travailleurs, tandis que le pseudo “risque” financier d’un gosse de riche peut lui rapporter des milliards ensuite.

La lutte des classes est aussi une lutte de la bourgeoisie pour faire reposer le risque du travail sur les salariés. Au début du capitalisme, elle ne prenait en charge aucune conséquence de ses actes : des millions de gens faisaient tourner usines, ateliers et mines, mais leurs accidents au travail étaient considérés comme de leur faute. Ils devaient se débrouiller, jusqu’à ce que la loi du 9 avril 1898 transmette l’indemnisation à l’employeur. Pour les maladies professionnelles : même chose. Et encore, de l’amiante au burnout, les actionnaires français se dégagent encore de leurs responsabilités. Ce sont à cause d’eux que les salariés sont exposés à des substances toxiques ou qu’ils sont soumis à une pression monstre, mais les cancers et les dépressions sont considérés comme des problèmes individuels.

On le constate bien aujourd’hui, car le coronavirus n’est pas considéré comme une maladie professionnelle. Chacun doit donc se démerder pour se protéger et il a fallu des droits de retrait et des menaces de grève pour que les employeurs accordent des protections à celles et ceux qui s’exposent pour faire tourner le pays et pour maintenir leurs profits. Gros preneur de risque, Geoffroy Roux de Bézieux, le patron du MEDEF, qui n’a de cesse d’appeler les entreprises à remettre leurs salariés au travail, est “confiné” dans son manoir du Croizic. 

Et qui paiera les conséquences sociales et économiques de la période que nous connaissons ? Apparemment, pas les actionnaires, puisque le gouvernement débloque des milliards pour eux. Ils ne vont donc pas “tout perdre”, contrairement aux milliers de salariés qui seront licenciés – puisque le gouvernement ne conditionne pas ses aides miraculeuses au maintien de l’emploi.

Qui “prend les risques”, en France ? Qui provoque les risques et les transmet aux autres ?