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Les candidats de La République en marche ! dans les Hautes-Pyrénées sont représentatifs des ambitions du nouveau parti politique : une alliance d’élus expérimentés et de petits nouveaux de la « société civile ». Représentatifs aussi car des proches de Macron dans ce département où le président situe une partie de ses origines, puisqu’il a passé quelques étés à Bagnères-de-Bigorre chez ses grands-parents et qu’il se rend régulièrement à La Mongie, l’une des stations les plus huppées des Pyrénées, pour skier. Représentatifs enfin car on retrouve précisément les mêmes biais de ce renouvellement qu’à l’échelle nationale, des politicards (comme Gérard Collomb) et une définition bien arrangeante d’une « société civile » qui correspond en réalité la prise en mains des affaires politiques par une classe supérieure qui a décidé de ne plus déléguer à la classe politique la casse du modèle social hérité des luttes du XXe siècle et la culture de ses propres intérêts qu’elle peut faire elle-même. Portraits.

Marie-Agnès Staricky

Depuis la publication des investitures du parti dédié à la gloire de notre nouvel empereur, de nombreuses études sont venues démontrer s’il en était besoin que la société civile de Macron est à son image : des CSP+, c’est-à-dire les catégories socio-professionnelles aisées, des gens qui détiennent déjà le pouvoir sur nos vies par leur responsabilité professionnelle et que ces élections devraient leur permettre d’étendre radicalement à toutes les sphères de notre quotidien.

Marie-Agnés Staricky ne déroge pas à la règle de ces grands bourgeois. Le site quisontlescandidatsmacron.wordpress.com, qui recense les conflits d’intérêts sociaux des candidats du parti présidentiel, ne s’est pas trompé dans son portrait de la candidate en passe d’être élue dans la 2e circonscription des Hautes-Pyrénées. Même si elle tente de se rattacher à des origines de gauche dans la sidérurgie en Lorraine, ce passé semble bien lointain. En effet, on a pu lire dans La Semaine des Pyrénées du 24 mai : « Mme Staricky dit avoir été qualifiée de « bourgeoise » dans la presse et reconnaît que ses « cercles intimes sont pour beaucoup hôteliers, restaurateurs » ». Pour se donner une couleur locale plus prononcée que son catholicisme de toujours (premier pèlerinage lourdais à 3 ans), elle s’est installée à Lourdes il y a un an pour y structurer En marche !

Encore plus significatif, Marie-Agnès Staricky est une collaboratrice de longue date d’Emmanuel Macron, qu’elle a connu au sein du groupe de réflexion politique « Les Gracques » dont elle est encore membre. En effet, elle était jusqu’à l’année dernière employée du think tank En temps réel lié aux Gracques. Elle reconnaît que le fil conducteur de son parcours c’est Bernard Spitz, président de la Fédération française de l’assurance, et du pôle international et Europe du MEDEF depuis juillet 2013, faut-il ajouter.

Qu’est-ce que c’est que Les Gracques et En temps réel ? Des groupes de réflexion mais surtout d’influence politique qui travaillent depuis 2007 à une grande recomposition sociale-libérale. En 2007, l’alliance Royal-Bayrou a échoué, mais en 2017, c’est la victoire totale avec un ratissage beaucoup plus large que ne l’espéraient ces hauts fonctionnaires et chefs d’entreprises dans les rêves les plus fous de leurs nuits libérales les plus torrides.

Si elle n’a en effet jamais exercé de fonction politique, la candidate représente une certaine « société civile » qui n’est pas tout à fait la même que celle de son suppléant : lui a exercé différents métiers : employé de poste, employé dans une petite entreprise, entrepreneur, et aujourd’hui employé dans une multinationale de l’assurance. Et l’on voit bien que ce terme est surtout destiné à masquer les classes sociales.

Les deux font preuve d’une certaine méconnaissance et des dossiers locaux, censés être remontés prioritairement par les députés, et du programme de leur mentor. Interrogés sur leurs contacts avec les défenseurs de la ligne de train de nuit Paris-Irun qui dessert Tarbes et Lourdes dans la circonscription, ils se sont bornés à expliquer qu’ils écouteraient les opposants à la fermeture de la ligne (toujours La Semaine des Pyrénées du 24 mai dernier). Car le programme du président est de poursuivre la bipartition TGV pour riches / cars pour pauvres initiée dans la loi de 2015 qui porte son nom.

Mauvaise connaissance des dossiers encore quand la candidate explique vouloir en tant que députée travailler sur le thermalisme, qui intéresse le département, alors que sa concurrente actuellement députée, Jeanine Dubié (PRG, allié du PS), a été l’une des rapportrices de la mission d’évaluation du soutien public au thermalisme, rapport intitulé « Le thermalisme : une réponse à de nouveaux enjeux de santé publique ».

Mais les électeurs ont bien montré que seule comptait aujourd’hui l’étiquette En marche et se revendiquer comme un « petit soldat de La République en marche » suffit à écraser (32 % contre 16 au premier tour des législatives) une titulaire pourtant à créditer d’une 18e place parmi les députés par son assiduité et son travail à l’Assemblée.

Jean-Bernard Sempastous

Quand il annonçait le 12 octobre 2015 créer un comité de soutien à la candidature de Juppé, le maire de Bagnères-de-Bigorre ne s’imaginait sans doute pas réaliser 43 % au premier tour des législatives (second tour face à Sylvie Ferrer, candidate France insoumise) sous l’étiquette En marche deux ans plus tard. Ben non, sinon il aurait pris le train en gare et non en marche… Car Jean-Bernard Sempastous est connu pour avoir longtemps cherché la bonne vague, tel un surfeur ramant sur sa planche, essayant de partir avec les vaguelettes en bout de course Bayrou, Borloo ou Juppé, avant d’enfin se placer dans le rouleau du tsunami Macron. S’il a pu atteindre ce score digne des habituels barons qu’En marche a fait plonger, c’est aussi qu’il n’avait face à lui ni candidat Les Républicains ni Parti radical de gauche, puisqu’il a un rond de serviette à chacune de ces tables.

Il se présente lui aussi comme un proche du président : « Il confirme par contre une réelle amitié avec Emmanuel Macron à qui le défenseur bigourdan de Juppé a d’ailleurs confirmé son soutien de principe avant même la polémique qui s’agite autour de François Fillon. L’ex-ministre de l’Économie ne cache pas ses attaches familiales bagnéraises et se rend régulièrement au Tourmalet où les deux hommes se sont retrouvés notamment lors du Tour de France. » (La Nouvelle République des Pyrénées du 24 février dernier) Il a donc rallié Macron comme beaucoup de maires volontaristes et ambitieux, y voyant « une nouvelle façon d’appréhender la politique, un peu à l’image de ce que nous faisons ici à Bagnères avec une équipe municipale à la pluralité de profils dépassant les clivages politiques et sociaux dits traditionnels. C’est l’espoir de faire de la politique autrement, en procédant au rassemblement et à la cohésion, et l’assurance de faire bouger les lignes en privilégiant la volonté du citoyen mais aussi l’ambition de voir une société plus juste, plus solidaire, plus ouverte et raisonnablement européenne » (La Dépêche du Midi du 26 avril dernier). Mais il confond sciemment la volonté d’améliorer le cadre de vie dans une petite ville et définir les lois qui régissent toute la vie des citoyens d’un pays, notamment les relations économiques entre des catégories qui ont des intérêts opposés, ce que nie quelque chose comme les accords d’entreprise dans la loi Travail XXL qu’il votera les yeux fermés : « Il faut libérer les entreprises du poids des autorisations et des normes. Il faut plus de souplesse. Je serai le député des gens qui montent des projets pour aller chercher des niches nouvelles », a-t-il professé lors d’un débat contre son adversaire Insoumise. Pour le plus grand bien de ses concitoyens ?