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Prendre le TGV, c’est s’exposer à une dose massive de connerie commerciale et marketing. Il y a bien sûr toutes ces petites innovations cons-cons et en retard de 2 ans sur “les réseaux sociaux” dont on imagine des cadres surpayés parler avec des étoiles dans les yeux, se racontant que « c’est ça, la clef !! ». On peut aussi profiter de ce #nofilter sur une vitre, ou cette façon dégueulasse de renommer le TGV “InOui”. On ose à peine imaginer le montant du salaire annuel et la tronche de l’équipe de marketeux minables qui ont pondu une merde pareille : “le Oui c’est positiiif”, “c’est plus facile d’en faire un hashtaaag”.

Plus besoin de mettre le hashtag, la SNCF le met pour vous. Ça vaut bien 200 balles l’aller-retour non ?

Une petite recherche nous a permis d’identifier une tronche parmi ceux qui ont transformé le TGV en ce qu’il est. Son petit nom ? Mathias Vicherat, qui fut ensuite lobbyiste en chef pour Danone puis… actuel directeur de Science Po Paris. Il était le responsable de la communication de la SNCF au moment du grand chamboule-tout marketing. La presse l’adore, parce qu’il est aussi camarade de promo de l’ENA de Macron et qu’il serait “passionné de rap”… Mais il a perdu un peu de son aura depuis qu’il a été entendu par la police pour violences conjugales.

C’est lui qui a annoncé la création de InOui, en mai 2017, comme une “nouvelle gamme de TGV”, et toute l’opération a coûté 2,5 milliards d’euros, réfection stylée des rames comprises – et ce sont les cheminots qui coûtent trop cher. Mais ce serait une demande des usagers eux-mêmes, comme il l’a expliqué à plusieurs reprises. Des “focus group” auraient identifié le “oui” comme quelque chose de très positif (ça alors). L’ex-établissement public, depuis 2018 une société anonyme, a expliqué avec une précision chirurgicale son choix :

Le “Oui”, c’est la grande découverte marketing de l’Etat et de la SNCF, qui n’arrivent plus à s’en passer. Il y a aussi le “Ouibus”, auparavant nommé “autocar”, ou encore “Ouicar”. Tellement de Oui partout, aurons-nous encore la possibilité de dire “Non” ? Bientôt le OuiHôpital, le OuiGouvernement et la OuiGrève.

Mais le inOui, c’est avant tout une “expérience”, nous explique l’entreprise. C’est une montée en gamme “premium”, entend-t-on aussi. C’est sans doute pour ça que depuis deux ans, on y trouve tous ces petits services mesquins offerts à des premières classes « business » – qui ont leur propre petit présentoir à magazine et café offert sur le quais, “service premium” oblige -, ou qui permettent à chacun de vivre son petit moment de distinction carte gold, comme la possibilité de commander par internet son foutu cookie Michel et Augustin ou bien son “menu de chef étoilé” à un prix exorbitant, mais concocté par Michel Saran (mais réchauffé au micro-onde), le tout à récupérer en « coupe-file » (c’est-à-dire en grugeant tout le monde), comme nous le précise bien l’annonce de départ du train. Cette même annonce qui parle de “barista” plutôt que de “salarié sous-traitant sous-payé”. Les contraintes d’un cheminot, sans le statut d’un cheminot : l’avenir de la SNCF ?

La cible du InOui ce n’est ni vous, ni moi, mais des cadres sup’ pressés, désireux d’une prise électrique pour pouvoir bosser entre deux métropoles, le temps de caler quelques diapositives de leur Power Point  avant de commander en ligne un menu Bistrot à 14 balles. Pour nous autres, si on s’y prend deux mois à l’avance, on aura peut-être la possibilité de monter dans la version “low cost” du InOuin, c’est-à-dire un “OuiGo” (le InOui c’est “In”, le OuiGo c’est “Go”, qu’en pensent les “focus groupes” ?), et de se faire déposer dans une gare à perpète de notre ville de destination. C’est un autre type d’expérience : celle de la pauvreté. 

Les bourgeois sont tellement blasés d’aller au restau qu’il faut leur inventer de nouveaux ingrédients “rares” comme de “l’ail doré” ou réhabiliter des trucs anciens comme le topinambour.

En tout cas, la SNCF ne ment pas : ce train « InOui », avec ses « baristas » et sa foutue appli qui s’appelle désormais « Oui.SNCF », c’est bel et bien une véritable “expérience”, un voyage sémantique et sensoriel au cœur du macronisme ambiant. Il  ne faut jamais appeler les choses par leur nom, prendre les gens pour des cons, leur faire payer une blinde ce qu’on appelait auparavant “service public” et leur concéder en compensation de misérables petits privilèges acquis sur le dos de leurs semblables.

Quand nous aurons mis fin au règne du capital, les trains s’appelleront des trains, leur prix seront réglementés, les marketeux de la SNCF et autres occupants de bullshit jobs seront envoyés en reconversion et les baristas seront internalisés, renommés et augmentés. Et il n’y aura qu’une seule et unique classe.