Guillaume Rambourg, soutien pour la beauté du geste ou pour la santé financière de son fond spéculatif ?
Pur produit de la classe dirigeante française (Lycée Henri IV à Paris, Diplômé de l’ESSEC) Guillaume Rambourg est un gros « poisson pilote » : il dirige l’un des « hedge funds » les plus en vogue du Tout-Paris, « Verrazzano Capital », du nom d’un pont New Yorkais d’où part un célèbre marathon et qui symbolise donc pour Rambourg « l’effort, la préparation et la performance régulière », en toute modestie. Concrètement, un hedge fund est un portefeuille de fonds spéculatifs. Les personnes physiques et morales dotées d’un imposant patrimoine financier peuvent en confier la gestion à une société comme celle de Rambourg, qui les place pour un rendement optimal. Après la déclaration de candidature de Macron, Rambourg est devenu « grand donateur » et a organisé deux dîners parisiens. « J’ai connu Emmanuel Macron lorsqu’il était conseiller à l’Élysée, a-t-il raconté à Libération en mai 2017 . Ayant vécu des années à Londres, je l’ai aidé à se connecter aux Français travaillant dans la finance en Angleterre. » Qu’a donc gagné Monsieur Rambourg pour son aide précieuse ? Rien de moins qu’une quantité incroyable de nouveaux portefeuilles à gérer. La raison en est simple : Macron ayant entièrement supprimé du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune tout ce qui ne relève pas de l’immobilier, et donc le patrimoine financier, les riches sont incités à se tourner vers lui car il devient beaucoup plus rentable de spéculer en France ! Ajoutez à cela la mise en place de la « flat tax », c’est-à-dire le plafonnement de la fiscalité sur le capital à 30 % et le nombre de riches particuliers et institutions désireux de recourir aux services de Guillaume Rambourg va exploser. Pour 7 500 € d’investis et quelques mondanités organisées, des centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires supplémentaires !
Gilles de Margerie, pour un dîner organisé, un poste offert :
Gilles de Margerie a organisé un dîner de donateurs le 7 juillet 2016. Il est alors directeur général adjoint d’Humanis, un groupement de sociétés d’assurances, de mutuelles et de gestion d’actifs, symptomatique de la dérive capitalistique des mutuelles depuis les années 1980. Il a le parcours type d’un grand bourgeois français, adepte des aller-retours public-privé. Comme Macron, il commence sa carrière comme inspecteur général des finances puis rejoint le cabinet d’un ministre de l’Industrie avant d’être conseiller de Michel Rocard. Un bon CV en poche, il est recruté par le Crédit Agricole puis par le groupe Humanis. Ce dîner et son soutien à la campagne de Macron semble lui avoir facilité un retour vers le public : il est devenu directeur de cabinet de la ministre de la Santé Agnès Buzyn. Et après avoir travaillé avec elle à l’élaboration d’une loi de financement de la Sécurité sociale qui augmente le reste à charge (en baissant notamment le montant du forfait hospitalier) et donc le champ d’action des mutuelles, il vient d’être nommé commissaire général de France Stratégie, une prestigieuse institution chargée de déterminer les grandes orientations des politiques économiques du pays.
Christian Dargnat, un ex-lobbyste de la finance coordonne la levée de fond des gros donateurs :
Christian Dargnat est le « poisson-pilote » en chef. C’est lui qui dirige l’association de financement de la campagne et il ratisse large pour rassembler les fonds en un temps record. Pour assumer un tel rôle, il fallait forcément avoir fait HEC : la prestigieuse école de commerce est la plaque-tournante du réseautage d’élite, on en sort après plusieurs années de soirées et de conférences où l’on ne vient pas tant pour écouter l’orateur parler de la finance éthique ou verte que pour récupérer sa carte de visite une fois qu’il s’est tu. De 2009 à 2016 il était PDG de BNP Paribas Asset Management, la branche de gestion d’actifs financiers de « la banque d’un monde qui change ». Jusqu’en 2015, il exerçait aussi la fonction de président de l’EFAMA, l’association européenne des fonds et de la gestion d’actifs, l’un des principaux lobbies du secteur. D’où un réseau long comme le bras à mettre au service d’un candidat peu regardant sur la réglementation de la finance. Pour lui aussi, la gestion de gros portefeuille financier s’apparente à la course à pied : « Il existe un parallèle important entre la course à pied et la gestion d’actifs : on vous juge sur vos performances, ce qui pour moi était quelque chose de naturel », raconte-t-il sur sa page LinkedIn. La course au fric est bien lancée, elle, et Mediapart nous apprend par exemple que fin avril 2016 (Macron était toujours ministre et pas encore candidat), un cocktail dînatoire organisé par Dargnat à Paris génère 78 000 euros en à peine une heure et demie. Qu’a gagné le monde dont est issu Dargnat avec l’élection de Macron ? Entre autres, l’abandon de la taxation européenne des transactions financières (TTF), une mesure en cours de discussion depuis plusieurs années et que le nouveau gouvernement a torpillé dès son arrivée en bloquant les négociations. Cette taxation aurait pourtant permis de pénaliser les opérations de « trading à haute fréquence » largement spéculatives. Macron a annoncé en octobre que cette taxe serait à l’échelle des 27 États européens ou ne serait pas : une façon de renvoyer sa mise en place effective aux calendes grecques, puisque la règle de l’unanimité entre les États est de rigueur. Cela tombe très bien pour Dargnat et ses semblables : dès 2012, l’EFAMA sonnait l’alerte sur le caractère trop contraignant de cette mesure pour le monde de la gestion d’actifs…
La suite dans Frustration n°13, disponible en kiosque et librairie le 23 février.
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