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L’écologisme bourgeois se contorsionne, en pleine canicule : comment faire pour tenir un discours radical et volontariste à des citoyens inquiets d’une planète en surchauffe sans prononcer les mots « capitalisme », « interdiction », « planification », qui affoleraient les financiers et les patrons, eux qui s’en cognent de la chaleur, passant directement de leur tour bien ventilées à leurs berlines climatisées ?

Une belle démonstration nous en a été faite ce matin : la première matinale du pays, France Inter, avait invité un joli duo d’éco-hypocrites, ces prophètes bourgeois payés pour dire qu’il faut agir vite mais sans se précipiter, qu’il faut tout changer, mais pas révolutionner, qu’il faut transformer nos modes de vie, mais pas notre système économique.

Il y avait là Corinne Le Quéré, une climatologue présidente du Haut Conseil pour le Climat, une « instance consultative indépendante », mais dont les membres sont désignés par décret. Déjà, on sent l’embrouille. Cette dame fort sympathique au demeurant parvient à enchaîner les grandes généralités sur le climat, le “nécessaire changement de modèle” (modèle de quoi, on ne sait pas), mais tout ça est complexe, il faut réfléchir, et “à une échelle globale”. Aucune mention de défis concrets : interdire les croisières ? Non. Et l’interdiction des vols intérieur ? demande le journaliste, pourtant pas bagarreur, comme toujours sur France Inter. « Il faut voir les choses plus globalement ». D’accord, donc on ne commence pas par s’en prendre aux vols qui ne servent à rien, on attend que son Haut Conseil nous ponde une solution « globale et complexe ». Merci bien.

Avec elle, un « explorateur de l’Arctique », venu là pour nous rasséréner, nous dire qu’il y avait de l’espoir et tant de belles choses, car on est quand même sur une radio publique et qu’il ne faut pas déprimer les masses. Les personnes qui vont supporter, dans une barre HLM mal isolée, les journées de mercredi et jeudi, y penseront certainement.

Au milieu de cet interview de merde (disons-le), une lumière dans les ténèbres : une certaine Laurence appelle au standard et s’étonne que nos invités n’aient toujours pas parlé du capitalisme financier. En 60 secondes, Laurence déroule un argumentaire bien plus marquant et concret que les deux éco-hypocrites qui se démènent pour ne rien nous dire depuis 15 minutes. C’est concret, ça désigne des responsabilités, ça soulève des leviers. Réglementer l’économie, ramener dans la sphère publique des secteurs stratégiques, mettre fin au commerce international superflu, aux délocalisations…  

Les deux invités en restent sans voix. L’explorateur de l’Arctique s’étouffe littéralement en répondant, et la climatologue du gouvernement noie cette brillante intervention sans un flot de « c’est complexe », « c’est global », « tout le monde est concerné », et autre verbiage qui permettra à un bourgeois cadre dans la finance, qui se fait livrer par Amazon et passe toutes ses vacances en Asie, mais réduit la viande et « tend vers le zéro déchet », de se sentir parfaitement bien face à ce qui nous arrive, en partie par sa faute.

Demain, l’Assemblée Nationale reçoit Greta Thunberg. Tout méprisants et contents d’eux qu’ils sont, nos députés écouteront avec attention cette enfant leur dire qu’il faut agir, et vite. Peut être qu’ils feront des selfies avec elle, qu’ils tweeteront la « mobilisation générale pour la planète »… et le lendemain ils voteront comme un seul homme le traité de libre-échange visant à favoriser le commerce avec le Canada – le CETA -, l’importation de leur bouffe génétiquement modifiée et l’intensification des vols, cargos et tout ce qui contribue au désastre que Greta Thunberg leur aura décrit la veille : “En prenant en compte les effets de la diversification des marchandises, du dégroupage de la production, du gonflement du volume des échanges, certains experts évaluent la contribution de la mondialisation des échanges à plus de 20 % des émissions totales”, expliquent des économistes opposés au traité dans une tribune. Et pourtant le CETA sera voté à une écrasante majorité.

Ce sont les éco-hypocrites qui nous gouvernent.

En bon français : de sacrés gros cons.

Un coup de gueule signé Nicolas Framont, qui s’obstine à écouter France Inter