logo_frustration
U

L’épidémie aura ceci de bon : celles et ceux que notre société porte aux nues de la réussite sociale, scolaire et entrepreneuriale vont être au chômage technique (ou en « télétravail », la marotte des macronistes, réponse miracle à tout) et on ne s’en rendra même pas compte : marketeux, start uppers, donneurs de leçons professionnels de la télé et de la radio, consultants en lean management… Les mieux payés sont décidément les moins utiles. Et puis il y a des métiers essentiels pour faire fonctionner la vie d’un pays : éboueurs, soignantes, personnel de maintenance des réseaux électriques, des eaux et des télécommunications, enseignantes et enseignants, égoutiers… toutes celles et ceux que la réforme des retraites et les politiques néolibérales successives ont matraqué, on doit toutes et tous compter sur elles et eux désormais. Il faudra s’en souvenir quand on reparlera salaire et âge de départ à la retraite.

Il faut aussi parler de tous les autres travailleurs de France, les employés et ouvrières de notre économie capitaliste que des actionnaires désireux de faire tourner le flux qui les enrichit vont vouloir continuer à faire bosser, envers et contre tout, protections ou pas. Ces salariés sont déjà en train de payer la réduction comme peau de chagrin des contre-pouvoirs de santé au travail en France : médecine du travail dépassée, 30% d’élus du personnel en moins depuis la suppression des CHSCT, jours de carence non compensé dans la fonction publique…

Comble de l’injustice et miracle du « marché immobilier » à la bride lâchée depuis la fin de la régulation des loyers : plus on fait un métier utile, plus on est éloigné de son lieu de travail. Ouvriers et employés vivent désormais loin des centres-villes où ils exercent, parce que ces derniers ont été trustés par la classe bourgeoise et moyenne bourgeoise. Dès lors, ce sont les moins payés d’entre nous qui sont le plus confrontés aux transports en commun, haut lieu de transmission du coronavirus.

Mais cela importe peu aux grands journalistes et aux membres du gouvernement qui parlent surtout pour les cadres – “en télétravail” donc – les parisiens – injustement privé de cinéma – et les grands artistes – très triste de voir leur tournée annulée.

Les injustices s’accumulent en période d’épidémie :

  • Les gens les moins bien payés sont les moins armés pour encaisser jours de carence, chômage partiel (84% du salaire net) ou congé sans solde.
  • Les gens les moins bien payés sont aussi ceux dont le métier ne permet évidemment pas de « télétravailler ».
  • Les gens les moins bien payés sont souvent ceux qui travaillent le plus loin de leur domicile à cause du délire immobilier de ces vingt dernières années.
  • Les gens les moins bien payés sont aussi ceux qui subissent le plus le lien de subordination et la menace du licenciement : moins on est diplômé, plus on est exposé au chômage et moins on a donc de rapport de force face à son employeur. Il est plus dur de revendiquer arrêt de travail et protection de sa santé dans ces conditions.

Face à toutes ces injustices, en période d’épidémie, la solidarité implique que les riches payent pour permettre aux autres de ne pas sacrifier leur santé pour leur survie. 

On pourrait donc commencer à revendiquer, pour les semaines à venir, les mesures suivantes (liste non-exhaustive, à compléter, modifier et enrichir) :

  • La mise en œuvre du chômage partiel par vote des salariés (actuellement l’employeur est le seul à décider) dans les secteurs qui ne sont pas essentiels à la survie collective en période d’épidémie.
  • Dans ces secteurs, la co-décision des mesures de protection des travailleurs par l’employeur et les représentants des salariés (quand il y en a) ou une AG des salariés (quand il n’y en a pas). Les directions d’entreprise voient d’abord leur taux de profit, la santé passe après. Ça n’a plus lieu d’être actuellement.
  • La suppression immédiate des jours de carence dans le privé comme dans le public : personne ne doit renoncer à se mettre en arrêt maladie, lorsqu’il est malade, pour ne pas perdre du salaire.
  • 100% du salaire net (contre 84% actuellement) en chômage partiel pour les salaires inférieurs à un certain seuil de revenu et/ou en fonction des charges familiales.
  • Nous allons tous payer, par nos impôts, la prise en charge du chômage partiel des salariés, indépendants et fonctionnaires français. Nous le paierons plus tard par des coupes budgétaires sévères en compensation. D’ors et déjà il faut faire payer celles et ceux qui en ont les moyens : le rétablissement et le durcissement de l’ISF est un préalable indispensable. La taxation des profits et des trésoreries des grandes entreprises bénéficiaires sera à envisager sous peu.

Un gouvernement qui s’est toujours montré au service de la bourgeoisie aura d’abord à cœur, y compris dans la période qui s’ouvre, de sauver d’abord ses entreprises et ses profits. Le virus n’efface pas la lutte des classes, il l’intensifie. Dans la catastrophe écologique comme dans la catastrophe sanitaire la bourgeoisie fait bloc pour sauver ses profits. A nous de faire bloc pour sauver nos vies.