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“Il faut un QI de bulot pour ne pas comprendre qu’il faut augmenter la durée de cotisation” : C’est à peine la rentrée des éditocrates et le “philosophe” Luc Ferry vient déjà d’insulter, sur LCI, les deux tiers de Français qui redoutent la “réforme” des retraites à venir. Revenant de leurs longues vacances d’éditorialistes, les membres du petit monde des donneurs de leçons ont repris leurs strapontins pour “commenter” l’actualité / faire le SAV de l’action du gouvernement. Les vacances ont du faire du bien à Ferry, l’hiver dernier il exigeait que la police tire à balles réelles sur les gilets jaunes, là il aimerait simplement que ces derniers crèvent à leur poste de travail.

Face à lui, Daniel Cohn-Bendit, fidèle au poste, commente à son tour la réticence des membres du bas peuple face à une réforme qui va les faire travailler plus longtemps et toucher des pensions plus faibles : “il y a une logique elle n’est pas acceptée par la majorité de la population quels que soient les pays”. Les enfoirés de gaulois réfractaires ne sont donc pas une exception : la plupart des peuples de la planète ne comprennent pas que des technocrates, éditocrates et politiques leur sucrent une conquête sociale pour lequel leurs ancêtres se sont battus afin, comme disait le fondateur de la sécurité sociale Ambroise Croizat, que “la retraite ne sont plus l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie”. Les belges sont même parvenus à faire échouer la réforme de leur gouvernement, il y a de quoi affoler nos propres bourgeois.

“Le débat permanent”, un risque dont on ne parle décidément pas assez. Déjà qu’on vote, il ne faudrait pas non plus abuser !

La “logique” dont parle Cohn-Bendit, c’est la stupide équation technocratique inventée au cours des années 90 et qui consiste à dire bêtement que pour que le système de répartition reste finançable il faut forcément réduire la voilure et indemniser les gens moins tôt. Une équation qui fait totalement l’impasse sur les autres leviers possibles pour rendre le système durable : augmenter les cotisations, faire payer les entreprises, faire payer les grandes fortunes, ou tout simplement aligner les salaires des femmes sur celui des hommes et ainsi augmenter le volume de cotisations.

Mais il faut apparement avoir le QI d’un philosophe médiatique aux cheveux de riche pour ne pas comprendre ça. Les bourgeois rabâchent cette équation incohérente maintenant, mais ils n’ont fait que tenir la même position, avec des arguments différents, depuis que le système de retraite par répartition et la sécurité sociale existent : de quel droit les travailleurs ne le resterait pas jusqu’à leur mort ? D’où les riches et les actionnaires auraient à payer pour leur temps libre ? Leur position n’a pas changé d’un iota depuis 1945, ils lui ont simplement donné une apparence technique et non politique.

Dans le Monde, le journal de révérence, le chroniqueur Jean-Michel Bezat veut y croire “M. Macron peut gagner cette « mère des batailles »” affirme-t-il avec fougue. Au moins, les choses sont claires, détruire le système de retraites et le réduire à sa portion congrue (cette portion qui incitera ceux qui en ont les moyens à souscrire à des contrats par capitalisation, abandonnant la solidarité pour sauver leur peau), c’est LE combat bourgeois de 2019-2020. Une bataille de plus dans la lutte des classes qu’ils nous mènent. Les titres employés, dans la presse mainstream, pour couvrir cette actualité, déploient d’ailleurs un lexique guerrier : Le 21 août, Les Echos, le canard de Bernard Arnault, titrait déjà “Réforme des retraites, la mère des batailles”, pour leur édito, décidément ! “Retraites : la prudence tactique d’Emmanuel Macron” titrait le Monde fin août : Macron, ce Napoléon de la lutte des classes, verra dans la réforme des retraites sa bataille d’Austerliz, à en croire la presse bourgeoise.

La presse bourgeoise sonne le tocsin

Et pour parvenir à gagner cette guerre sociale, le gouvernement et ses thuriféraires mobilisent un argument qui a le mérite de la nouveauté, à défaut de la vérité : cette réforme serait en fait plus juste, car elle ramènerait “l’équité”. Notez bien que quand le bourgeois dit “équité”, il veut dire couper les têtes qui dépassent et tirer tout le monde vers le bas (l’égalité étant l’inverse : amener les gens vers le haut) : le retraité de la fonction publique, voilà l’ennemi ! L’élément de langage majeur reste donc celui-ci : la retraite façon Macron sera un système “universel” et juste, qui fera fi des différences “corporatistes” et donc des inégalités face à la santé selon les professions. Mais les bourgeois s’en foutent de vos stats sur les différences d’espérance de vie en bonne santé entre cadres et ouvriers.

Ironie du sort, cette réforme nous est vendue par des vieux politiciens et philosophes dont le corps et l’esprit sont tout bien préservés par des décennies de parasitisme politique et social au crochet de notre pays (et de nos nerfs). Cohn-Bendit, Ferry, Delevoye devraient aller faire un stage de dix ans dans un entrepôt de logistique express, histoire d’expérimenter ce que le bruit des chaînes et des tapis roulant fera à leur ouïe. Ou vingt ans dans un EHPAD, pour voir ce que soulever des personnes âgées et soulager leur détresse fait à votre dos et à votre moral. Ou encore trente à conduire un bus ou un métro en horaires décalés et/ou de nuit, pour expérimenter les troubles de la digestion, de la vue et du système cardio-vasculaire que cela induit. Ensuite, ils pourront venir nous parler de l’âge “raisonnable” pour partir à la retraite, des “efforts” à consentir pour résoudre leur équation bidon et, enfin, se reposer d’une vie professionnelle de labeur physique et moral. En attendant, qu’ils méditent sur leurs années passées à nous emmerder, à nos frais, et sans autre dégâts sur eux-mêmes que leur stupidité de classe et leur arrogance crasse chaque année plus grande.