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L’ensemble de la classe politique s’insurge contre l’annulation d’un important contrat de vente de sous-marins à propulsion diesel par l’Australie. Effectivement, il y a de quoi avoir le seum puisque c’était un gros coup pour l’industrie française et que les américains nous ont bien eu, une fois de plus. C’est cocasse, soit dit en passant, car éditocrates et autres commentateurs béats de la vie politique États-Unienne nous promettaient monts et merveilles avec l’élection de Joe Biden et l’éviction du grand méchant Trump. Encore raté : le nouveau président n’est pas davantage un ami de la France et sa police des frontières poursuit des réfugiés haïtiens en leur donnant des coups de cravache. Quoi, les démocrates américains ne sont pas des bisounours ?

Mais au delà de la déception, bien compréhensible pour un pays qui vend ses avions, sous-marins et autres accessoires badass à l’ensemble du monde – “gentils” et “méchants” confondus, business is business – on se permet quand même de poser à nouveau la question : sommes-nous destinés à produire pour le reste du monde des armes et du luxe ? Sommes-nous condamnés à travailler pour que des dictateurs puissent bombarder des villes et des grands bourgeois se payer des montres et des sacs à main moches ?

Lors de la première vague du Covid, dans de nombreuses usines, des salarié.e.s se demandaient à quoi ils servaient dans le monde qui se dessinait et comment se rendre utile face à la crise sanitaire. Beaucoup se posent toujours la question, et dans de nombreux secteurs. Et quand on demande aux gens ce qu’ils aimeraient faire de leur travail, ce n’est pas la violence ou le prestige qui sont recherchés ou estimés, mais bien la quête d’une utilité sociale et écologique.

Quel sens cela a de faire régulièrement des Unes effrayantes sur un nouveau rapport catastrophique du GIEC sur l’évolution du climat pour, quelques semaines plus tard, se désoler que des sous-marins à propulsions Diesel ne soient pas vendus ? Quelle logique à ouvrir ses colonnes à celles et ceux qui renoncent à avoir des enfants pour sauver la planète pour ensuite s’extasier sur le fait que des ultra-riches s’envoient dans l’espace pour quelques jours, afin de faire… rien du tout d’utile à la science et à la société, en dépensant une vie d’émission carbone ?

Une révolution sociale poserait les questions de comment on produit, dans quelles conditions, avec quelle reprise du pouvoir du travail sur le capital, mais aussi de ce qu’on produit : dans quel but ? Pour qui ? Avec quelle énergie ?

A Frustration, nous ne pleurons pas la perte du contrat des sous-marins australiens. La principale préoccupation est celle de l’emploi, mais les entreprises concernées travaillent aussi pour la marine française et ne devraient pas licencier. Hormis cette crainte, nous ne sommes pas désolé pour “notre pays” d’avoir loupé cette belle vente. Cela fait-il de nous de mauvais patriotes ? Ou bien des citoyen.ne.s qui pensent que leur société vaut mieux que la production d’armes, de montres chères et de sacs moches ?


Nicolas Framont