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On sait désormais ce que font les bourgeois quand ils restent chez eux : ils écrivent et signent des tribunes. Après Juliette Binoche et Pierre Niney qui s’attaquent au consumérisme, Nicolas Hulot et ses 100 préceptes inspirés de Marie Kondo, voici la clique des politicards, Olivier Faure (c’est normal si vous ne voyez pas qui c’est), Yannick Jadot et Raphaël Glucksmann, qui veulent enchanter notre monde d’après avec une “convention du [lieu] commun”. Pardon, on avait oublié injustement Michel Onfray avec son “front populaire” composé de médecins, de philosophes de salon et de politiques formolées. Tous sont des “personnalités” ou des “figures”, même si on ne les connaît pas toujours (mais eux se connaissent, et c’est ça qui compte dans ce genre de pince-fesse).

“Mais c’est bien que des gens s’engagent, nan ?”

Ceci n’est pas de l’engagement, attention. Outre les mots creux, les mesures floues et le lyrisme à la noix, ces tribunes ont un point commun : elles rassemblent des gens qui se croient suffisamment importants pour qu’ont les suivent. Dans un grand élan de paternalisme, ils espèrent qu’on va lire leur torchon et se dire “mais oui, mais bien sûr, changeons ensemble la logique intenable du monde !” dont il n’est jamais précisé qu’elle est capitaliste et bourgeoise. Engagés, mais pas au point de vexer des copains.

Et surtout, ce qui compte pour eux, c’est de se mesurer, de se situer, de comparer leurs audiences, de constater si telle “figure de la gauche” fait alliance avec telle “personnalité de la société civile” … Bref, de peser les forces en présence auprès d’un petit entre-soi qui s’admire et se chamaille. Ça n’a rien de différent de l’habituelle tambouille politicienne, mais le coronavirus a pimenté le tout de poésie et de grands gestes à coup de “monde d’après” grandiloquent, et ils nous demandent d’admirer leur petit vaudeville bourgeois.

Rappelons, si c’est nécessaire, que les grandes évolutions de notre histoire sociale se sont faites quand des gens en nombre et dans l’anonymat se sont soulevés, certainement pas quand quelques petits bourgeois repus et satisfaits ont décrété dans leur coin qu’il fallait que tout change pour que rien ne change.