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La réforme des retraites, c’était il y a un siècle en temps Covid mais il y a seulement un an et demi en temps patronal. Car notre classe dominante n’a en effet pas oublié ce qui était l’un des objectifs principaux du président Macron… Les grandes grèves de 2019-2020 et les manifestations monstres de cet hiver-là avaient bien compliqué la situation pour le gouvernement, avant que la survenue de l’épidémie ne mette fin à la discussion du projet de loi. Vous vous en souvenez sans doute, l’hypocrisie était alors totale. Le gouvernement nous faisait croire qu’il n’y aurait pas de report d’âge de départ à la retraite, nous enfumant avec un “régime par point” où l’on gagnerait moins si on partait à 62 ans.

Selon les Echos ce matin, le gouvernement assume désormais que l’objectif est de reporter l’âge de départ à la retraite. Aux oubliettes de créer un régime de retraite “universel”, “équitable” et tout le tintouin publicitaire qui allait avec son ex-réforme. Il s’agit juste de nous faire bosser plus longtemps.

Comment compte-t-il s’y prendre pour faire passer un tel recul social dans le peu de temps qui lui reste ? En inscrivant la mesure dans la loi de financement de la Sécurité Sociale, un texte voté chaque année par le Parlement et qui contient le budget de la sécu pour l’année à venir. Il s’agit d’un gros package de mesures d’apparence assez techniques – les journalistes en parlent généralement peu – mais qui déterminent le niveau de notre protection sociale et la répartition de son financement. C’est dans une loi de financement de la Sécurité Sociale que la CSG avait été augmentée dès 2018. Le gouvernement compte donc faire passer une mesure aussi importante sans projet de loi dédié, en la plaquant au milieu d’un autre texte. Quel courage !

Pour justifier sa hâte, les Echos nous dit que “le gouvernement peut se prévaloir d’une rafale récente de rapports : le Conseil d’orientation des retraites a fait état de déficits persistants ; la Cour des Comptes puis la mission Tirole-Blanchard ont pointé la nécessité de repousser l’âge…” : toutes ces instances soit disant “techniques” ont été créées avec un seul but : démontrer la nécessité de liquider progressivement notre modèle social. Nous l’expliquions en 2019 : Non, aucun gouffre financier ne justifie de “réformer” notre système de retraites. Si les déficits font peur, il existe d’autres moyens de les combler (par exemple en taxant les actionnaires et en augmentant les cotisations sociales des employeurs) que de faire travailler des gens jusqu’à 64 ans alors que dans bien des métiers, on ne vit pas en bonne santé jusqu’à 64 ans ! Et non, il n’y a plus d’allongement de l’espérance de vie qui justifierait qu’on travaille moins longtemps, le Covid, ça leur dit quelque chose ? Au contraire, vu le niveau de la pénibilité au travail en France, il faut avancer l’âge de départ si l’on veut permettre aux retraités de mieux vivre. Le respect des anciens, c’était juste en 2020 ?

Un “poids lourd du gouvernement” nous explique les Echos : “C’est deux lignes dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Comme ça, si les gens n’en veulent pas, ils ne reconduiront pas Emmanuel Macron”. Ce timing serait selon lui “un antidote aux mouvements sociaux“. Il oublie que les taux d’abstention observés cette semaine montrent que, majoritairement, les Français ne croient plus aux élections. La perspective d’une présidentielle que les médias tentent de jouer à l’avance pour nous ne devra pas nous faire reculer si une telle ignominie est commise par notre classe dirigeante.