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Début septembre, la fermeture d’une trentaine de piscines municipales dans tout le pays provoquait la stupéfaction des élus locaux : leur prestataire commun, en délégation de service public, déclarait ne plus pouvoir faire face à des frais d’énergie trop importants.

Aussitôt, ce récit était relayé par des médias compréhensifs : dans le contexte actuel d’inflation, comment douter des déboires d’une entreprise chargée de faire fonctionner, pour le compte des municipalités et des communautés d’agglomération, des équipements aussi énergivores que les complexes aquatiques ? Privant les usagers d’un service public et des enfants et adolescents de leur apprentissage de la natation, méprisant les clauses de son contrat avec les pouvoirs locaux, Vert Marine est pourtant arrivé à ses fins : nombre de municipalités ont accordé au groupe une prise en charge financière d’une partie des frais d’énergies, ou lui ont fait bénéficier de leur propre contrat.

Une fois encore, le contribuable est venu payer à la place du secteur privé. Nous le pointions précédemment : peu de journalistes ont rappelé les affaires dans lesquelles les dirigeants de l’entreprise ont été englués il y a quelques années, ni les importants profits de la boîte, ni la façon dont le groupe avait joué avec le feu en achetant son électricité sur le marché de gros plutôt qu’en souscrivant à un contrat avec un fournisseur d’énergie. Cette manœuvre devait être profitable quand tout allait bien, mais maintenant que le prix de l’énergie s’envole, l’entreprise mord la poussière, et vient donc quémander la compassion des élus, non sans mettre en place un gros coup de pression en fermant ses installations (au mépris de ses contrats avec les collectivités).

Vert Piscine et ses dirigeants sont-ils tellement aux abois qu’ils ne pouvaient faire autrement qu’une telle manœuvre ? La survie de la boîte est-elle en danger ?

Cet avion a été bien utilisé durant la période de “grosse galère” évoquée par les dirigeants de Vert Marine pour justifier leurs grandes manœuvres.

Suite à nos précédents articles, un lecteur est venu nous donner une information intéressante : les dirigeants de Vert Piscine possèdent, via un Groupement d’Intérêt Économique (GIE, une structure juridique destinée à mutualiser les dépenses de plusieurs entreprises), un avion privé ! L’information ayant été recoupée, nous sommes en mesure d’affirmer que les deux dirigeants de Vert Piscine se partagent donc ce GIE, “Bleu horizon”, propriétaire d’un Beechcraft King Air 65 – C90A, petite bécane à turbopropulseur. Le GIE est domicilié à la même adresse que l’entreprise Vert Marine, ses propriétaires sont les deux dirigeants de Vert Marine.

Le site de suivi des vols flightaware.com nous permet de savoir que cet avion a été bien utilisé durant la période de “grosse galère” évoquée par les dirigeants de Vert Marine pour justifier leurs grandes manœuvres. Au moins 4 vols entre Bayonne et Rouen y sont répertoriés en août, durant la même période où le groupe faisait part aux municipalités de ses difficultés financières.

“Si le Beechcraft C90 règne en maître sur son segment, c’est qu’il correspond parfaitement à une demande spécifique : une solution économique et confortable capable d’atterrir partout avec jusqu’à 7 passagers à son bord”, nous renseigne le site du loueur d’avion privé OpenFly. Comme tout avion privé, le Beechcraft King Air est un peu gourmand. Le budget annuel de son fonctionnement est évalué à 843 152€ par le site Aircraft Cost Calculator (que l’on vous recommande si vous prévoyez d’offrir un jet à votre moitié à Noël) et l’heure de vol à 1872€.

Comme tout avion privé, le Beechcraft King Air est un peu gourmand. Le budget annuel de son fonctionnement est évalué à 843 152€

A quoi sert cet avion ? Nous avons contacté l’entreprise Vert Marine pour le savoir, elle n’a pas répondu. Ce qui est certain, c’est que les dirigeants et propriétaires du groupe sont les mêmes que ceux de l’avion. Ce sont aussi les mêmes qui disaient vouloir “stopper l’escalade” de leurs frais d’énergie en fermant unilatéralement les piscines publiques dont ils avaient la charge. Ce business leur a rapporté de quoi se payer cet avion, qu’ils ont continué à utiliser malgré cette crise, et pendant qu’ils sous-payaient une partie de leur personnel qui s’en est plaint, comme nous l’avons raconté dans notre premier article.

Avant de fermer nos piscines publiques, n’était-il pas préférable de vendre votre avion privé ?


Nicolas Framont