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Après que l’extrême droite et un syndicat de policiers le lui ont demandé, la FNAC s’est empressée de retirer des ventes un jeu contre le racisme et le fascisme, existant depuis des années, en se confondant en excuses. C’est un énième exemple de la “cancel culture” d’extrême droite. 

La FNAC, ce magasin pourri qui censure un jeu de société de gauche sur ordre de l’extrême droite

Cette année, nos collègues de La Horde ont réalisé une nouvelle version de leur jeu de société “Antifa : le jeu”, édité par nos amis de Libertalia (la maison d’édition et librairie qui accueillera notre événement de lancement du numéro papier Frustration le 9 décembre prochain). 

La pochette du jeu est claire : “Racisme, sexisme, nationalisme…ça suffit ! Contre l’extrême droite : à vous de jouer”. En effet, “antifa” est un diminutif d’ “antifasciste”, mot assez transparent qui désigne les groupes et personnes qui s’opposent à la xénophobie et à l’autoritarisme, et particulièrement aux groupuscules néo-nazis. 

C’était sans compter qu’en France, s’opposer au nazisme, est devenu quelque chose d’extrêmement controversé et polémique. 
Ce jeu très innocent, qui ne risquait pas d’ailleurs, soyons honnêtes, de détrôner les ventes du UNO ou du Monopoly, a donc été la victime d’une attaque coordonnée de l’extrême droite (ce qui nous confirme une fois de plus que ses militants sont des privilégiés ayant vraiment beaucoup de temps à perdre).

À la manoeuvre, le député RN Grégoire de Fournas, dont le nom vous dit peut-être quelque chose, car c’est lui qui beuglait, au milieu de l’Assemblée, à un député noir, “qu’il(s) retourne(nt) en Afrique !” (tout en ayant employé des travailleurs détachés dans ses domaines viticoles). Mais également le SNCP, un syndicat de commissaires

Le tweet mensonger du député d’extrême droite Grégoire de Fournas qui invente des cases d’un jeu de cartes auquel il n’a pas joué

La réaction de la FNAC ne s’est pas fait attendre, l’enseigne se précipitant pour retirer le jeu de ses magasins, se confondant en excuses, pour que tout le monde ait bien en tête qu’elle est le petit paillasson de l’extrême droite, et que les propos antiracistes n’ont pas la place dans son magasin : “Nous comprenons que la commercialisation de ce “jeu” ait pu heurter certains de nos publics. Nous faisons le nécessaire pour qu’il ne soit plus disponible dans les prochaines heures.” 

Alors bien qu’être contre le fascisme et le racisme ne semble pas être une position politique qui devrait porter énormément à controverse, on pourrait penser que ce qui gêne la Fnac, c’est le côté trop “militant” du produit. Mais dans ce cas, pourquoi est-il aussi simple d’acheter toutes sortes d’ouvrages nazis ou fascistes à la Fnac ?

La Fnac, ce magasin pourri qui fait sa thune avec des bouquins fascistes

En effet, à la Fnac, en quelques clics, on trouve, par exemple, les ouvrages d’Alain Soral, multi-condamné pour provocation à la haine, apologies et contestations de crimes contre l’humanité. 

Quand c’est Soral ça va, la Fnac s’en fout de heurter

On y trouve également ni plus ni moins Mein Kampf, le best seller…d’Adolf Hitler, pour la modique somme de 28 euros. 

La Fnac est très heurtée par les antinazis, mais ne trouve pas Adolf Hitler très heurtant. 

On peut aussi y acheter de nombreux ouvrages totalement complotistes et délirants sur la santé (cancers et sida en tête). Ou encore Le Grand Remplacement de Renaud Camus, livre qui fut la source d’inspiration de Brenton Tarrant, terroriste d’extrême droite qui a massacré des musulmans en Nouvelle-Zélande. 

On le voit, pour la FNAC, le problème n’est donc pas que le jeu de société Antifa soit politisé ou polémique, le problème est qu’il soit de gauche. 

Le retrait d’un jeu de société : énième exemple de la “cancel culture” de l’extrême droite

Ce sujet qui pourrait paraître mineur est en fait une parfaite illustration d’un phénomène beaucoup plus global, celui de la “cancel culture” d’extrême droite, c’est-à-dire de la censure massive dont est victime la gauche, radicale ou non, en raison de la pression de la bourgeoisie et/ou de l’extrême droite. 

La “cancel culture” est à l’origine un terme utilisé par “l’alt-right” américaine (la nouvelle extrême droite) pour désigner les dangers de censure de ses idées par la culture “woke” (c’est-à-dire “progressiste”, généralement antiraciste, féministe et en faveur des droits des LGBTQ+). 

La droite et la bourgeoisie, qui s’empressent toujours d’américaniser le débat (tout en prétendant dénoncer cette américanisation), ont donc commencé à utiliser ce terme en France pour désigner toutes les tentatives de censure dont elles pensent être victimes. 

Reviennent donc inlassablement les trois mêmes affaires, toujours les mêmes, censées illustrer cette “cancel culture” (culture de l’annulation) : l’annulation d’une pièce de théâtre il y a environ 4 ans, parce que des militants antiracistes ne trouvaient pas de très bon goût le fait que des acteurs blancs se déguisent de manière assez grossière en noirs (des “blackface”), des tentatives de faire enlever certaines statues d’esclavagistes (à noter que les mêmes qui chouinent à cette idée sont les premiers à applaudir des deux mains lorsque ça se passe ailleurs, comme lorsque la statue de Saddam Hussein fut déboulonnée en Irak, ou les statues de Lénine en Ukraine, pourtant tout autant “témoins de l’histoire”…), et les appels à ne pas payer pour lire ou aller voir des œuvres faites par des artistes accusés de viols ou d’agressions sexuelles.
C’est bien peu. 

Cette diversion nous empêche de voir que la “cancel culture” est un phénomène réel, massif mais totalement contraire à ce qu’on nous en dit : car elle est pilotée par l’extrême droite et la bourgeoisie, celle qui se dit pourtant parfois “Charlie”, et dirigée contre la gauche, en particulier la gauche radicale.
Dans ce cas, les exemples sont si nombreux qu’il est impossible de tous les lister. Le retrait du jeu Antifa par la FNAC, qui préfère visiblement que l’on dépose Mein Kampf sous le sapin, est un énième exemple. 

La Fnac préfère visiblement que l’on dépose Mein Kampf sous le sapin que le jeu Antifa

On en parlait récemment, les médias du milliardaire Bolloré sont des adeptes de cette “cancel culture” d’extrême droite, avec l’impossibilité de parler des affaires en Afrique de ce dernier sur certaines chaînes (et puisque certains protestent, c’est tout un groupe politique qui sera désormais interdit d’antenne sur C8). Parmi tous les autres cas, nous avions aussi rappelé la suspension du livre de Guillaume Meurice et Nathalie Gendrot pour quelques blagues sur Vincent Bolloré. 

La “cancel culture” d’extrême droite frappe aussi les artistes. Celle-ci avait par exemple réussi à faire annuler les concerts de Médine au Bataclan, car celui-ci se trouve être musulman. 

La “cancel culture” vise évidemment les médias indépendants de gauche. Nous avions parlé dans cet article de la tentative de dissolution par le gouvernement du média d’opposition Nantes Révoltée. Ces médias ont également vu leur audience anéantie par Facebook. Plus récemment, la justice a interdit à Mediapart de publier une enquête, inventant “la censure préalable”

Elle s’attaque aux syndicats et aux associations. Anne Hidalgo avait ainsi essayé de faire interdire un festival afro-féministe. Les parlementaires de droite et d’extrême droite avaient également voulu faire dissoudre le syndicat étudiant l’UNEF, car celui-ci organisait des groupes de paroles à destination des victimes de racisme et de sexisme. Dans le même genre, cet été, nous avions dû subir des semaines de polémiques insensées pour un dessin du Planning Familial (association qui permet de donner des informations sur l’IVG, la contraception etc.) qui visait à inclure les personnes transgenres. 

La “cancel culture” de droite cherche, enfin, à faire disparaître l’héritage de la gauche de la mémoire collective. C’est ainsi qu’elle a par exemple débaptisé la place Georges Marchais à Villejuif, alors que ce dernier fut député de la circonscription pendant 24 ans. 

Cette liste est loin d’être exhaustive mais donne un aperçu de l’ampleur de la censure dont sont victimes ceux qui tiennent des propos un peu de gauche, antiracistes ou féministes.

Que faire ? Boycotter la Fnac, s’offrir “Antifa : le jeu” 

Face à cela, nos moyens d’actions sont limités. Mais nous pouvons quand même boycotter la Fnac, leur faire payer le prix fort, leur faire perdre le plus de chiffres d’affaires en rappelant inlassablement qui ils sont. 

On peut également, en attendant la sortie un jour du jeu Frustration (oui, oui, c’est un projet), s’offrir pour Noël le jeu Antifa en passant directement par le site de Libertalia.


La FNAC ces collabos de l'extrême droite