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La semaine dernière, le rappeur américain Macklemore a sorti une chanson, “Hind’s Hall” qui est devenue presque instantanément une hymne de la lutte de soutien aux Palestiniens en occident. Il faut dire que celle-ci est d’une très grande acuité politique. Analyse. 

Une chanson qui finance l’UNRWA 

C’est indiqué en description de la vidéo : tout l’argent généré par la chanson va à l’UNRWA. 

L’UNRWA (en français : l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) est un programme de l’ONU qui, depuis 1949, vient en aide aux réfugiés palestiniens à Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie. Concrètement l’UNRWA fait fonctionner des écoles et met à disposition du personnel soignant. 

Bâtiment de l’UNRWA bombardé par Israël en janvier 2009 (photo par ISM Palestine)

Prenant prétexte sur des accusations d’Israël comme quoi certains des membres de l’UNRWA auraient participé aux attaques du Hamas du 7 octobre 2023, les Etats-Unis avaient annoncé définancer le programme.

La France de Macron avait immédiatement emboîté le pas déclarant qu’il n’y aurait pas de “nouveau versement au premier trimestre 2024”, au moment où les Palestiniens en ont un besoin vital. 

On a appris, notamment par la chaîne américaine CNN, qu’Israël avait torturé les agents de l’ONU pour obtenir quelques aveux

Sauf que l’on a appris, notamment par la chaîne américaine CNN, qu’Israël avait torturé les agents de l’ONU pour obtenir quelques aveux, aveux qui ne valent donc rien. En effet, les agents de l’UNRWA ont décrit des passages à tabac, des privations de sommeil et des sévices sexuels. Certains sont morts du fait des tortures. Les cas de tortures commis par Israël sur ses prisonniers sont monnaie courante et documentés

En parallèle, une enquête avait été lancée pour vérifier les dires d’Israël. C’est l’ancienne ministre des affaires étrangères française Catherine Colonna qui avait été chargée par l’ONU d’évaluer la neutralité de l’UNRWA. Son rapport, établi avec l’aide de trois instituts de recherche et délivré le 22 avril 2024, est sans appel : l’État d’Israël n’a pas été en mesure de fournir la moindre preuve de ce qu’il avançait. Le rapport dit par exemple explicitement : « Les autorités israéliennes n’ont jusqu’à présent fourni aucune preuve à l’appui ni répondu aux lettres de l’Unrwa en mars, puis à nouveau en avril, demandant les noms et les preuves qui permettraient à l’Unrwa d’ouvrir une enquête ». Il va même plus loin, prenant à contrepied le discours israélien sur l’UNRWA, en précisant que celui-ci dispose d’un système robuste pour assurer sa neutralité et qu”il “possède une approche de neutralité plus développée que d’autres entités similaires des Nations unies ou des ONG”. 

Au-delà des financements, l’UNRWA, son personnel et ses infrastructures ont été une cible privilégiée de l’armée israélienne. Celle-ci a tué plus de 171 de ces agents de l’ONU et ont bombardé plus de 140 de ses centres.

Pour toutes ces raisons l’UNRWA incarne quelque chose de particulier et ce n’est pas un hasard si c’est à cette agence que Macklemore a décidé d’envoyer les fonds générés par sa chanson.
Il est aussi possible de faire des dons à celle-ci à cette adresse : https://www.unrwa.org/

Les Etats-Unis financent le massacre des palestiniens 

What is threatenin’ about divesting and wantin’ peace? (Qu’est-ce qui est menaçant à propos de se désinvestir et de vouloir la paix ?)

The problem isn’t the protests, it’s what they’re protesting (Le problème ne réside pas dans les manifestations, mais dans ce contre quoi elles protestent.) 

It goes against what our country is funding (Cela va à l’encontre de ce que notre pays finance)

Macklemore rappelle que le problème qui est posé aujourd’hui n’est pas les protestations mais le massacre des palestiniens, financé par les Etats-Unis.

“Entre 1946 et 2023, Israël a reçu environ 260 milliards de dollars américains, selon un rapport du Congrès américain”

TV5 Monde

Le soutien des Etats-Unis au colonialisme israélien a été constant depuis la création de l’Etat d’Israël. Comme nous l’apprend TV5 Monde, “entre 1946 et 2023, Israël a reçu environ 260 milliards de dollars américains, selon un rapport du Congrès américain publié au mois de mars.”  Cela en fait le pays qui a reçu le plus de ressources de la part des Etats-Unis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En 2016, Barack Obama avait, lui, signé un accord consacrant 38 milliards de dollars d’aide militaire pour Israël pour la décennie 2017-2028, permettant à Israël d’acheter des avions de combat américains qui sont ensuite utilisés pour bombarder les civils palestiniens.
Joe Biden en a rajouté une couche avec une nouvelle aide militaire de 13 milliards de dollars.  

Très récemment, face à l’opposition populaire et à la pression internationale, Biden a stoppé une livraison d’armes (des bombes extrêmement meurtrières). Mais il s’agissait avant tout d’une opération de communication, le massacre en cours à Rafah étant préparé depuis plusieurs semaines. Biden a très vite repris ses habitudes et a annoncé une nouvelle livraison d’armes à hauteur d’1 milliards de dollars pour aider au massacre. 

Le mouvement étudiant en faveur de la Palestine

La chanson de Macklemore vient soutenir et appuyer l’immense mouvement étudiant qui s’organise aux Etats-Unis en faveur de la Palestine, et qui rappelle celui qui s’était levé pour protester contre la guerre américaine au Vietnam. Le titre de la chanson, Hind’s Hall, fait référence au Hamilton Hall de l’Université de Colombia à New York. Celui-ci a été renommé par les étudiants Hind’s Hall afin de rendre hommage à Hind Rajab, petite fille palestinienne de six ans, exécutée par les forces israéliennes en janvier 2024. 

(Hey) Block the barricade until Palestine is free (Bloquez les barricades jusqu’à ce que la Palestine soit libre) 

(…)

What if you were in Gaza? What if those were your kids? (Et si vous étiez à Gaza ? Et si ces enfants étaient les vôtres ?) 

If the West was pretendin’ that you didn’t exist (Si l’Occident faisait semblant que vous n’existiez pas) You’d want the world to stand up and the students finally did, let’s get it (Woo) (Vous voudriez que le monde se lève et les étudiants l’ont enfin fait, allons-y)

Ce mouvement est désormais étendu à plus de 120 universités américaines. Les étudiantes et étudiants occupent leurs facs, créent des campements où ils organisent des ateliers.
Ils et elles demandent notamment l’arrêt des partenariats financiers des universités avec des entreprises qui contribuent au massacre des palestiniens. 

Hind’s Hall, c’est ainsi que les étudiantes et étudiants ont renommé le Hamilton Hall de l’Université de Colombia (New-York), en hommage à Hind Rajab, petite fille de six ans exécutée avec toute sa famille par les soldats israéliens parce que palestinienne. 

Ce mouvement étudiant est très durement réprimé et diffamé. Les pro-israéliens le font passer pour antisémite et la police s’est montrée très violente, notamment à New York et à Los Angeles. Celle-ci a procédé à plus de 2 000 arrestations.

Cet impressionnant mouvement étudiant américain a servi d’impulsion dans d’autres pays occidentaux qui soutiennent Israël, à commencer par la France. Initié à Sciences Po Paris, celui-ci s’est étendu aux autres Instituts d’Études Politiques de France, puis aux facs, comme la Sorbonne, ainsi qu’à l’Ecole normale supérieure. 

La police, l’arme de la suprématie blanche 

Cette répression policière a choqué l’opinion américaine et mondiale. Macklemore fait donc le lien avec le rôle structurel de la police. 

When I was seven, I learned a lesson from Cube and Eazy-E (Quand j’avais sept ans, j’ai appris une leçon de Cube et Eazy-E) 

What was it again? Oh, yeah, fuck the police (Quelle était-elle déjà ? Oh oui, nique la police) 

Actors in badges protecting property (Des acteurs en uniforme protégeant la propriété) 

And a system that was designed by white supremacy (Brrt) (Et un système conçu par la suprématie blanche)

Il montre ici un lien entre le racisme policier, la protection de la propriété privée et le soutien au colonialisme. Au fond ce que protège la police, c’est le capitalisme.  

La censure des voix pro-palestiniennes

Le pouvoir américain a essayé diverses stratégies pour désinformer sur ce qu’il se passe à Gaza et tenter de faire retomber le soutien populaire à la population palestinienne. 
La censure fait partie de ces stratégies. Il s’en prend donc aux réseaux sociaux qui ont un rôle tout à fait unique dans cette guerre : le massacre est d’autant plus difficile à dissimuler qu’il est documenté en direct sur les plateformes. 

C’est ainsi que Meta, l’entreprise de Facebook, a commencé à censurer les contenus en faveur de la Palestine comme documenté et analysé par l’ONG de droits de l’homme Human Rights Watch. 
Dans le même temps, le Congrès américain tente de bannir TikTok qui a contribué à informer les jeunes sur la situation à Gaza .

“You can ban TikTok, take us out the algorithm (Vous pouvez interdire TikTok, nous retirer de l’algorithme) 
But it’s too late, we’ve seen the truth, we bear witness (Mais il est trop tard, nous avons vu la vérité, nous en sommes témoins)”

Hind’s hall, macklemore

Macklemore parle de ces tentatives de censure des voix pro-palestiniennes : 

You can pay off Meta, you can’t pay off me (Vous pouvez soudoyer Meta, mais vous ne pouvez pas me soudoyer)
(…)

You can ban TikTok, take us out the algorithm (Vous pouvez interdire TikTok, nous retirer de l’algorithme) 

But it’s too late, we’ve seen the truth, we bear witness (Mais il est trop tard, nous avons vu la vérité, nous en sommes témoins) 

Ukraine et Palestine : les deux poids deux mesures 

Aux Etats-Unis et en Occident en général, le soutien aux ukrainiens face à l’invasion russe est une évidence, tout comme le “droit de se défendre” de l’Ukraine. Pourtant, ce n’est pas le cas pour les palestiniens face au colonialisme israélien, face au massacre de ces derniers, face aux invasions israéliennes. 

Macklemore dénonce cette hypocrisie occidentale qu’il devient de plus en plus dure de soutenir : 

Who gets the right to defend and who gets the right of resistance (Qui a le droit de se défendre et qui a le droit de résister) 

Has always been about dollars and the color of your pigment, but (a toujours été une question de dollars et de couleur de peau, mais)

White supremacy is finally on blast (la suprématie blanche est enfin mise à nu) 

Screamin’ Free Palestine till they’re home at last (Crions “Libérez la Palestine” jusqu’à ce qu’ils rentrent enfin chez eux)

Tout en mettant en avant des soi-disant “valeurs”, les Etats-Unis n’apportent leur soutien moral et militaire qu’en fonction des intérêts de l’impérialisme américain. 

Antisémitisme et antisionisme ne sont pas synonymes

Macklemore dénonce la confusion que les soutiens aux massacres des Palestiniens tentent de faire naître entre “antisémitisme” et “antisionisme”.

We see the lies in ’em (Nous voyons les mensonges en eux)

Claimin’ it’s antisemitic to be anti-Zionist (affirmant que c’est antisémite d’être anti-sioniste) 

L’antisémitisme désigne le racisme envers les juifs. 
L’antisionisme lui désigne originellement l’opposition à la constitution d’un Etat juif colonial en terre palestinienne. 
Si certains antisionistes peuvent l’être par antisémitisme, et si on a déjà vu des antisémites utiliser le mot “sioniste” à la place de “juifs” pour s’éviter des poursuites judiciaires, l’assimilation des deux ensemble n’a aucune validité ni scientifique ni politique. Les juifs ultra-orthodoxes sont d’ailleurs antisionistes pour des raisons religieuses.
Aujourd’hui la plupart des personnes se revendiquant de l’antisionisme dans le mouvement pro-palestinien sont en faveur d’un Etat plurinational en Palestine, c’est-à-dire un Etat laïc, sans apparhteid, avec une égalité de droits pour juifs, musulmans et chrétiens. Il s’agit d’une position antisioniste en ce qu’elle remet en cause l’idée d’un Etat colonial juif. 

L’antisémitisme désigne le racisme envers les juifs. 
L’antisionisme lui désigne originellement l’opposition à la constitution d’un Etat juif colonial en terre palestinienne. 

Dans le langage courant, antisioniste a aussi pris une définition plus large : s’opposer à la politique coloniale israélienne. Ainsi des personnes favorables à la “solution à deux Etats” (un Etat palestinien souverain aux côtés d’un Etat juif aux frontières de 1967), qui ne sont donc pas réellement antisionistes, se qualifient parfois comme tels. 

Cette confusion qui vise à faire passer tous les antisionistes pour des antisémites est sciemment organisée par des groupes d’intérêts en faveur du gouvernement israélien. Macklemore dénonce ainsi dans sa chanson l’AIPAC (l’American Israel Public Affairs Committee) et le CUFI (Christians United for Israel). 
En France on trouve également ce genre de groupes qui depuis octobre 2023 (mais même avant cela) tente de faire passer tout soutien aux palestiniens pour de l’antisémitisme. On peut, par exemple, citer le CRIF, la LICRA, la LDJ ou encore l’UEJF. D’une manière générale de très larges pans de la classe politique et médiatique tentent de discréditer toute parole en faveur du droit international, toute position anticoloniale, en la faisant passer pour antisémite.

Si la Belgique ou la Suède massacrait 30 000 civils en six mois, avec le soutien des gouvernements des dites démocraties occidentales, l’opinion publique occidentale s’en alerterait fortement aussi, comme elle a pu le faire dans d’autres cas (guerre du Vietnam, guerre en Irak etc).

Plus le massacre des palestiniens devient massif, plus cette accusation devient grotesque. Si la Belgique ou la Suède massacrait 30 000 civils en six mois, avec le soutien des gouvernements des dites démocraties occidentales, l’opinion publique occidentale s’en alerterait fortement aussi, comme elle a pu le faire dans d’autres cas (guerre du Vietnam, guerre en Irak etc). Cela n’a rien à voir avec la religion dont se revendique le projet national israélien. 

Les voix juives pour la Palestine aux Etats-Unis

L’assimilation soutien à la Palestine = antisémitisme est d’autant plus stupide que les juifs progressistes américains sont à la pointe du soutien à la Palestine. 

Macklemore leur rend hommage dans sa chanson : 

I’ve seen Jewish brothers and sisters out there and ridin’ in (J’ai vu des frères et sœurs juifs là-bas, se tenant solidaires) 

Solidarity and screamin’ “Free Palestine” with them (criant “Libérez la Palestine” avec eux) 

Organizin’, unlearnin’ and finally cuttin’ ties with (s’organisant, désapprenant et finalement rompant les liens avec) 

A state that’s gotta rely on an apartheid system (un État qui doit compter sur un système d’apartheid) 

Des acteurs célèbres, juifs et américains, ont très rapidement pris position contre le massacre des Palestiniens. C’est par exemple le cas de Wallace Shawn qui, dès le 16 octobre 2023, prenait position contre cette “vengeance” soutenue par les Etats-Unis. 

Les juifs progressistes américains sont à la pointe du soutien à la Palestine. 

Celui-ci fait aussi partie de Jewish Voice for Peace (en français : Voix Juives pour la Paix) aux côtés de personnes comme les intellectuels Naomi Klein ou Noam Chomski, organisation qui a été très active aux Etats-Unis pour dénoncer le massacre en cours depuis 7 mois. On pourrait également citer IfNotNow, un autre groupe composé de juifs américains luttant contre l’occupation israélienne. 

Aux Oscars, le réalisateur britannique et juif, Jonathan Glazer, recevant l’Oscar du meilleur film étranger pour son film sur la Shoah The Zone of Interest, a déclaré qu’il refusait que sa “judéité et l’Holocauste soient détournés pour une occupation qui a conduit à un conflit pour tant de personnes innocentes”. 

À la suite de ce discours, de nombreux artistes juifs américains ont tenu à soutenir Jonathan Glazer face aux attaques dont il a été évidemment victime. Ces derniers ont ainsi fait une lettre ouverte qui déclare notamment : “Nous sommes des artistes juifs, des cinéastes, des écrivains et des professionnels de la création qui soutiennent la déclaration de Jonathan Glazer des Oscars de 2024. (…) Les attaques contre Glazer sont une dangereuse diversion de l’escalade de la campagne militaire israélienne, qui a déjà tué plus de 32 000 Palestiniens à Gaza et a amené des centaines de milliers au bord de la famine.(…) Nous sommes des Juifs fiers de l’être qui dénonçons l’utilisation de l’identité juive et la mémoire de l’Holocauste pour justifier ce que de nombreux experts du droit international, y compris  les principaux spécialistes de l’Holocauste, ont identifié comme un « génocide en cours ». Nous rejetons le faux choix entre la sécurité juive et la liberté palestinienne.”

On trouve parmi les signataires des artistes tels que les réalisateurs Joel Coen et Todd Haynes ou l’acteur Joaquin Phoenix. 

” Nous sommes des Juifs fiers de l’être qui dénonçons l’utilisation de l’identité juive et la mémoire de l’Holocauste pour justifier ce que de nombreux experts du droit international, y compris les principaux spécialistes de l’Holocauste, ont identifié comme un « génocide en cours » “

Lettre de soutien de plus de 150 artistes juifs au discours de Jonathan Glazer

Bernie Sanders, ancien candidat démocrate socialiste à la présidentielle américaine, lui même juif et originaire d’une famille dont beaucoup des membres ont été exterminés par les nazis, a délivré un discours limpide expliquant pourquoi condamner la politique israélienne n’est pas de l’antisémitisme. 

En France les voix juives pour la paix sont très invisibilisées, très peu médiatisées mais sont pourtant très actives. On peut par exemple citer le collectif décolonial Tsedek ou l’Union Juive Française pour la Paix qui a compté parmi ses membres des personnalités comme Raymond Aubrac et Stéphane Hessel (résistants juifs pendant la Deuxième Guerre mondiale).
Alors que l’UEJF et le gouvernement diffamaient gravement le mouvement pour la Palestine à Sciences Po Paris, de nombreux étudiantes et étudiants juifs de l’institut d’études politiques, avaient signé une lettre ouverte intitulée “Étudiant·es juif·ves à Sciences Po : nous ne serons pas instrumentalisé·es” pour soutenir le mouvement et dénoncer les mensonges des soutiens au massacre des palestiniens. 

La colonisation israélienne et les massacres coloniaux : une réalité qui ne date pas de 2023

Contrairement à un discours médiatique ambiant qui tente de faire débuter la guerre en cours aux attaques du hamas du 7 octobre 2023, Macklemore tient à ré-historiciser le conflit et l’inscrire dans l’histoire longue de la colonisation israélienne en Palestine. 

History been repeating for the last seventy-five (L’histoire se répète depuis les soixante-quinze dernières années) 

The Nakba never ended, the colonizer lied (Woo) (La Nakba n’a jamais pris fin, le colonisateur a menti) 

La Nakba signifie “catastrophe” en arabe et désigne, dans le contexte palestinien, l’exode massif de centaines de milliers de Palestiniens lors de la guerre israélo-arabe de 1948. C’est sur ce déplacement de populations que s’est créé l’État d’Israël, qui s’est accompagné de la perte de terres et de maisons pour de nombreux Palestiniens. 
Mais ce que nous dit que Macklemore c’est que la colonisation israélienne ne s’est pas arrêtée en 1948 : cela fait 75 ans qu’Israël viole le droit international, étend ses colonies et oppresse les palestiniens. 

La question du “génocide”

Pour plein de raisons, le mot “génocide” est un mot polémique et hautement politique. Il désigne un acte intentionnel visant à détruire tout ou une partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel. 

Dans le cas du massacre des Palestiniens, la question se pose. La rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, a rendu un rapport au titre explicite : “Anatomie d’un génocide” tandis que la Cour de Justice Internationale des Nations Unies a reconnu un “risque de génocide”. La plainte pour génocide devant la Cour de Justice Internationale avait initialement été déposée par l’Afrique du Sud. L’Egypte vient de soutenir la plainte en ce sens.  

La rapporteuse spéciale de l’ONU pour les territoires palestiniens, Francesca Albanese, a rendu un rapport au titre explicite : “Anatomie d’un génocide” tandis que la Cour de Justice Internationale des Nations Unies a reconnu un “risque de génocide”.

Macklemore qualifie le massacre colonial comme tel et décrit ce dernier. 

Where does genocide land in your definition, huh? (Hey; hey) (à partir de quand parle-t’on d’un génocide dans ta définition, hein ?)
Destroyin’ every college in Gaza and every mosque (Détruire chaque université à Gaza et chaque mosquée) 

Pushin’ everyone into Rafah and droppin’ bombs (Pousser tout le monde dans Rafah et larguer des bombes) 

En plus de massacrer la population, Israël s’attache en effet à détruire les infrastructures et le patrimoine palestiniens, rendant une reconstruction future extrêmement complexe. Israël a détruit les douze universités de Gaza. Il a également fait exploser la plus vieille et la plus grande mosquée de Gaza, qui datait du VIIe siècle, rappelant les actions de l’Etat Islamique à Palmyre en Syrie. D’une manière générale, plus de 30 000 bâtiments ont été détruits, soit 60% des écoles, hôpitaux et mosquées

Israël a détruit les douze universités de Gaza. Il a également fait exploser la plus vieille et la plus grande mosquée de Gaza, qui datait du VIIe siècle, rappelant les actions de l’Etat Islamique à Palmyre en Syrie.

Macklemore évoque aussi l’opération israélienne qui débute à Rafah. La ville de Rafah est un des principaux centres de refuge pour les populations civiles gazaouis et un des points d’entrée pour l’aide humanitaire. Israël a donc fait fuir les gazaouis vers Rafah, qui est passée en quelques mois de 280 000 habitants à près d’1,4 millions, et bombarde désormais la ville. L’ensemble de la communauté internationale condamne cette opération dont tout le monde sait qu’elle ne peut mener qu’à un immense massacre de populations civiles. 

« Genocide Joe » : l’hypocrisie de la gauche coloniale au cœur de la présidentielle

Macklemore, comme beaucoup de gens, commence a être un peu lassé de ces personnes qui se disent de gauche mais qui soutiennent activement un des pires massacres de civils du XXIe siècle. Il commence aussi à être un peu lassé qu’on lui dise que s’il ne vote pas pour cette “gauche” là il ferait le jeu de l’extrême droite. 

The blood is on your hands, Biden, we can see it all (Le sang est sur tes mains, Biden, nous voyons tout cela) 

And fuck no, I’m not votin’ for you in the fall (Woo) (Et non, je ne voterai pas pour toi à l’automne) 

Le soutien constant de Joe Biden à Israël qui massacre les Palestiniens est devenu un enjeu majeur de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 à laquelle le président américain est candidat pour sa réélection face à Donald Trump. Beaucoup se disent, et Macklemore en fait partie, qu’il devient impossible de voter pour un candidat qui aide ce qu’ils qualifient de génocide. Joe Biden est même carrément surnommé “Genocide Joe”. 

Beaucoup se disent, et Macklemore en fait partie, qu’il devient impossible de voter pour un candidat qui aide ce qu’ils qualifient de génocide. Joe Biden est même carrément surnommé “Genocide Joe”. 

L’humoriste Aamer Rahman exprimait aussi cette extrême lassitude, y compris de la part de personnes racisées, qu’on sermone de voter pour un parti qui soutient un massacre colonial au prétexte que des racistes encore pires pourraient prendre le pouvoir. Celui-ci proposait pourtant une synthèse à ce faux choix : “Je pense qu’un système politique qui in fine te fait choisir entre un dément génocidaire et un Hitler au faux bronzage et gavé aux cheeseburgers, est un système qui mérite d’être renversé”.

Cette gauche coloniale qui passe plus de temps à condamner les protestations contre Israël que le massacre de dizaines de milliers de civils palestiniens est aussi bien représentée en France. 
Ainsi la tête de liste PS-Place Publique aux élections européennes, Raphaël Glucksmann, s’est opposé aux blocages des universités ainsi qu’à l’arrêt des livraisons d’armes à Israël.
Précédemment, les députés PS avaient applaudi le “soutien inconditionnel” à Israël et Carole Delga, figure majeure du Parti Socialiste, avait demandé l’interdiction de toutes les manifestations pro-palestiniennes. 
De la même manière, ils nous demandent ensuite de voter pour eux en nous menaçant d’être victimes de milices fascistes si nous le faisons pas, comme par exemple l’ancienne ministre socialiste Aurélie Filippetti : “Ceux qui, à gauche, prennent pour cible prioritaire la gauche sociale-démocrate seront responsables de ce qui arrivera lorsque la France sera comme l’Italie, c’est à dire dans les mains de l’extrême-droite”. 

“Hind’s Hall” de Macklemore est un hymne en soutien aux Palestiniens. À travers ses paroles incisives, Macklemore dénonce le financement continu par les États-Unis du colonialisme israélien et du massacre des Palestiniens, remettant en question la dissonance entre les valeurs et les actions des gouvernements occidentaux. Il soutient le mouvement étudiant en faveur de la Palestine et critique la censure des voix pro-palestiniennes. En mentionnant les voix juives qui soutiennent la cause palestinienne, Macklemore montre que la solidarité dépasse les frontières ethniques et religieuses. Enfin, il critique l’hypocrisie de la gauche coloniale incarnée par des politiciens comme Joe Biden. 


Rob Grams

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