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L’Assurance-Chômage telle que nous la connaissons a été créée en 1958. Gérée par un organisme paritaire (y siègent syndicats de salariés et représentants du patronat) nommé Unédic, elle indemnise les chômeurs et elle est financée par les cotisations patronales et salariales… Jusqu’à l’automne 2017. La dernière Loi de financement de la sécurité sociale a remplacé les cotisations salariales par la CSG, et elle a mis en place, une exonérations de cotisations patronales sur les salaires autour du SMIC. Si cette mesure a beaucoup fait parler d’elle en raison de l’imposition brutale et injuste de milliers de retraité.e.s (qui avaient pourtant cotisé durant toute leur vie professionnelle), elle a moins fait couler d’encre au sujet de ses conséquences sur notre droit au chômage

Certes, ce droit n’a cessé d’être raboté ces dernières années. Perpétuellement attaqué par le patronat et ses alliés (pour la docilité des travailleurs le chômage ce n’est pas terrible, et surtout ils ne veulent pas supporter ce qu’ils appellent les “charges sociales”), l’indemnisation du risque chômage est passée de 90% du dernier salaire sous Pompidou à 57% du salaire brut de nos jours… si l’on répond à tous les critères et toutes les obligations qui encadrent désormais son recours, des critères si épuisants et exigeants que la moitié des chômeurs français ne sont plus du tout indemnisés ! Et un chômeur touche en moyenne 1000 euros.

Malgré cette réalité, les gouvernements successifs sont parvenus à faire croire que pour réduire le chômage, il fallait maltraiter les chômeurs, pour qu’ils se bougent le cul et qu’ils acceptent un boulot, et n’importe lequel. Avec ce décret de réforme de l’assurance chômage, qui a été rendu possible par la perte de contrôle, par les “partenaires sociaux”, de l’Unédic, au profit de l’Etat, toutes les conditions vont se durcir pour avoir le droit d’être indemnisé. Vous avez trouvé un CDD d’un mois ? Très bien, mais vous ne serez pas indemnisé plus longtemps ensuite. Vous avez enchaîné les petits boulots pendant 2 ans ? Insuffisant pour avoir le droit d’être indemnisés. 1,2 millions de personnes vont perdre des droits ou voir leur indemnisation baisser. 1,2 millions de personnes ! Faudra pas venir chouiner qu’il y a de plus en plus de pauvres et que “les inégalités se creusent dramatiquement”, comme aiment le dire nos dirigeants, parlant de ça comme si c’était un fléau divin ou climatique sans cause objective.

Et ce n’est pas la guerre dans les rues. Les chômeurs, les gens et les partis s’en foutent, ils peuvent bien crever. C’est un peu l’impression qu’on a, tant ce décret est passé inaperçu. Pour qu’une telle chose ait été possible, il a fallu assener depuis dix ans plusieurs gros mensonges et mythes, perpétuellement ressassé par des journalistes ignorants et/ou complaisants :

“La dette de l’UNEDIC est terrible, il faut faire des économies” :

Comme toute dette, elle varie en fonction du nombre de cotisants, et donc de l’activité économique. Alors qu’on nous prédisait l’apocalypse, celle de la Sécurité Sociale est repassée “dans le vert” l’année dernière, et de nouvelles exonérations de cotisations l’ont repassé dans le rouge. Ce que les journalistes n’ont jamais dit c’est qu’en soi une dette ce n’est pas monstrueusement grave (en France les entreprises et les ménages sont bien plus endettés que les organismes sociaux et publics : selon la Banque de France, la dette privée de la France atteignait 130 % du PIB, en augmentation, et sa dette publique 93,5 %, pourtant on ne parle quasi jamais de la dette privée). Et que si on veut la réduire, réduire les dépenses n’est pas plus efficace que d’augmenter les recettes : faire payer plus les entreprises, qui, en favorisant la précarité de l’emploi, en externalisant, en délocalisant, a sa responsabilité en matière de chômage.

“Le droit au chômage n’incite pas à la reprise d’emploi” :

1000 euros en moyenne par mois, des contrôles et des RDV Pôle Emploi, la moitié des chômeurs non indemnisés… Comment peut-on décemment penser qu’un chômeur souhaite le rester ? Selon la dernière étude en date, les chômeurs ont une surmortalité de 300 % par rapport au reste de la population. Comment un assertion n’ayant aucun rapport avec la réalité a pu s’imposer ainsi dans le débat public ?

“Les entreprises payent trop de charges” :

On a eu l’occasion d’en parler plusieurs fois dans nos colonnes, ce discours s’est diffusé comme un poison dans notre vie politique. Il consiste à décrire les entreprises françaises comme une flopée de petites épiceries qui galèrent, alors que 70% des gens bossent directement ou indirectement pour des grands groupes et que les TPE représentent une petite minorité de l’emploi. Autant dire que ce qu’on a exonéré au fil des années, ce sont les grosses boîtes et les actionnaires, qui ne veulent plus payer pour le chômage des gueux.

Comment faire en sorte que la réalité du travail et du chômage supplante les mensonges devenus Vérités Médiatiques ces dix dernières années ? C’est une question auquel il va falloir répondre si nous ne voulons pas demeurer les spectateur impuissant de cette entreprise de liquidation de tout ce qui avait été gagné contre la misère, l’exploitation et l’enrichissement des puissants.