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Lors de son allocution télévisée, dimanche 14 juin, Emmanuel Macron de l’An 3, dit le narcissique, a qualifié les dernières manifestations anti-racistes de “séparatisme”, c’est-à-dire qui s’auto-excluent de notre chère nation républicaine à des fins communautaires entre Arabes, Noirs, ou musulmans. Il s’inquiète, tel un Zemmour sur Cnews (à qui il avait téléphoné récemment), des risques de dévoiement du “noble combat” contre le racisme en “communautarisme”. Le groupuscule d’extrême-droite Génération identitaire, après avoir été accueilli comme de petites fleurs innocentes par les policiers sans se faire tabasser lors de la manifestation, ne pouvait ainsi rêver mieux : la légitimation de leurs provocations racistes sur le toit d’un immeuble, ce samedi 13 juin, grâce à Macron en direct à la télévision, le lendemain. Ironie du sort : les voici donc blanchis par la grâce présidentielle, ou le mariage arrangé – dérangé du macronisme et de l’extrême droite.

Parler de “séparatisme” permet de masquer le racisme systémique des dominants …

Ce sont les mêmes qui appellent pourtant toutes et tous en cœur à faire barrage contre le fascisme des Le Pen, et gare aux réfractaires qui souhaitent s’abstenir. Les mêmes qui font passer une loi asile et immigration le 10 septembre 2018, présentée par le ministre de l’Intérieur et socialiste Gérard Collomb, et qui permet par exemple de rallonger la durée maximale de rétention, qui concerne notamment des familles et des enfants seuls. 

Le véritable danger, selon Macron et la bourgeoisie, serait celui du “séparatisme” supposé et conscientisé de ces manifestants antiracistes. Les manifestations sont organisées par les concernés et échappent au pouvoir quel qu’il soit, de l’association SOS Racisme jusqu’au personnel politique dans son ensemble : elles sont donc louches par nature. Le présupposé complotiste et raciste souvent utilisé ici, c’est que des Noirs et des Arabes qui revendiquent sans récupération sont eux-mêmes au mieux manipulés ou, au pire, désirent manipuler les foules à des fins de repli identitaire et de guerre civilisationnelle. Une chose est certaine, elles ont pour objectif de déstabiliser leur ordre politique, économique et social raciste à des fins de justice et d’éthique sociale. 

Cela permet ainsi, pour les dominants, de renverser le problème à leur avantage et de se blanchir en toute impunité : le racisme institutionnel qu’ils produisent chaque jour et que ces personnes subissent dans leur vie quotidienne n’existe pas, car ce serait accepter qu’ils incarnent et provoquent eux-mêmes ce danger et cette violence raciste, notamment policière.

Photographie par Serge D’Ignazio lors de la manifestation du 13 juin (en voir d’autres ici)

Or, c’est bien l’Etat et le capitalisme qui produisent une véritable sécession entre les citoyens français et ces sous-citoyens français de seconde zone : discriminations aux logements et à l’embauche, contrôles au faciès, décès suite à des contrôles policiers violents et racistes, la sur-représentation de comparutions immédiates des populations issues de l’immigration post-coloniale, de la ségrégation spatiale et géographique organisée, des métiers les plus précaires et qui nécessitent de prendre le RER même en période de confinement sans suffisamment de protections, des jobs d’esclaves modernes type “Uber” dans les banlieues françaises, etc. 

… et d’invisibiliser leur propre communautarisme bourgeois

Le communautarisme des bourgeois est particulièrement puissant, historiquement ancré depuis de nombreuses années et solide. Pourtant, on ne le nomme jamais de cette manière. Le communautaire, c’est toujours l’autre, celui qui vient d’ailleurs et importe sa culture potentiellement islamique et dangereuse. Particulièrement bien organisé et aujourd’hui suffisamment documenté, notamment par le travail des sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot, le séparatisme bourgeois se compose de rallyes mondains organisés entre gens de bonne famille pendant les week-ends, de réunions privées, de dîners inaccessibles où se croisent et se côtoient des gens aisés issus des mêmes milieux sociaux privilégiés… Afin de maintenir et de préserver leurs privilèges de classes et leurs héritages de famille en famille, d’amis en amis. Malin ! Notons également l’entre-soi chic, raisonnable et institutionnalisé des “grandes écoles”, qui pratique de manière hypocrite l’égalité des chances comme cache sexe assez faiblard de leur domination qui mériterait d’être purement déboulonnée, à l’image des statues coloniales sur lesquelles nous reviendront dans une prochaine analyse. Vous avez dit “séparatisme” et “communautarisme” ? Celui des bourgeois et des racistes en tout genre se porte merveilleusement bien et a encore de beaux jours devant lui, rassurez-vous !

Selim Derkaoui