En pleine crise sanitaire, période de reconfinement, et alors que les médias dominants sont obnubilés par les élections américaines, la proposition de loi « sécurité globale » passe en douce. Elle porte pourtant dangereusement atteinte à nos droits.
Son article 22 par exemple autorise le déploiement de drones afin de filmer les manifestations et donc les manifestants. Son article 23 permet de limiter la réduction des peines pour les personnes se rendant coupables d’infraction sur les forces de l’ordre. Et son article 24 restreint la diffusion d’image des forces de l’ordre, en créant un nouveau délit de presse pour punir d’un an de prison, la diffusion « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, de l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un policier ou d’un gendarme lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ». La disposition prévoit un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende, restreignant dangereusement la liberté de la presse. La loi « sécurité globale » prétend « contribuer au renforcement des mesures protectrices des Français », ce qu’elle renforce surtout c’est une impunité toujours plus grande pour les forces de l’ordre !
Une loi dans la droite lignée du renforcement sécuritaire opéré par le gouvernement
Cette proposition de loi de « sécurité globale », examinée en séance à l’Assemblée nationale à partir du 17 novembre, est portée par Jean-Michel Fauvergue, député LREM et ancien chef du RAID, l’unité d’élite de la Police nationale. Obnubilé par la question sécuritaire, ce député est notamment président de la commission d’enquête relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre. Commission pour laquelle il refuse toute audition des comités et experts qui pourraient être véritablement critiques envers les forces de l’ordre, le comité Justice pour Adama en premier lieu. Corporatisme quand tu nous tiens…
Poussée par l’exécutif, cette proposition de loi colle parfaitement au renforcement ultra-sécuritaire des dernières semaines du Gouvernement tout en ayant l’avantage de pouvoir se passer d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’Etat. En effet, seuls les projets de lois (émanant de l’exécutif) sont contraints d’en comporter, les propositions de lois (émanant des parlementaires) en sont dispensées. Commode !
Par cette loi, la macronie veut donc assurer une meilleure « protection » (plus vraisemblablement une impunité) à ses précieuses forces de l’ordre/répression. Et si ça passe par un amoindrissement du droit de manifester et de la liberté de la presse tant pis (ou plutôt tant mieux) ! La sécurité est « globale », on le voit, dans la mesure où elle va retirer une grande partie des problèmes éthiques, médiatiques et juridiques à nos « forces de l’ordre ».
Une loi profondément liberticide
En autorisant l’usage des drones par les forces de l’ordre c’est bien au droit de manifester que s’en prend directement cette loi. Comme le rappelle Amnesty international, le risque de dissuasion à se rendre en manifestation si les manifestants se savent filmés est en effet énorme. En septembre dernier, l’ONG dénonçait l’usage de la loi comme « arme de répression des manifestants pacifiques en France »… on est en plein dedans !
Car le droit de manifester dérange beaucoup ce gouvernement, auquel il ne sied guère d’être remis en question. Mains arrachées, yeux éborgnés, flashball à bout portant, gaz lacrymo en plein visage, gardes à vue arbitraires… toutes les manières sont bonnes pour nous dissuader d’exercer ce droit. Et tant pis si ça nuit à cette liberté d’expression que la macronie ne sort comme un étendard que quand ça l’arrange !
Reporters sans frontières alerte : tout journaliste filmant des policiers en direct risquera arrestation et poursuites. La Quadrature du Net étend cette crainte aux citoyens lambda qui pourraient eux aussi être « ciblés et arrêtés de manière préventive ». On sait pourtant comme une des seules manières pour les manifestants de se protéger des violences policières est de les diffuser. Les violences policières restant majoritairement impunies, en rendre compte est bien le seul recours qu’il reste aux citoyens. Si elle ne remplacent pas le changement politique qui devrait mettre fin aux exactions des « forces de l’ordre », ces vidéos dérangent, permettent aux défenseurs des droits de l’homme de dénoncer l’usage excessif de la force par ce gouvernement, font le tour des réseaux sociaux et entraînent la montée d’une colère contre la police, dont la côte de confiance dans la population a chuté depuis le mouvement des gilets jaunes, où les récits de mutilation et les vidéos de violences gratuites se sont multipliés.
Qu’à cela ne tienne, Darmanin a la solution ! « J’avais fait une promesse, celle de ne plus pouvoir diffuser l’image des policiers et des gendarmes sur les réseaux sociaux. Cette promesse sera tenue, puisque la loi prévoit l’interdiction de la diffusion de ces images« déclarait-il à Jean-Jacques Bourdin. Problème résolu ! Les petits exécutants des dérives autoritaires de la macronie ne pourront plus être inquiétés et pourront donc sereinement continuer leur rôle de protection des intérêts de la classe dominante.
Avec cette loi, montrer les violences policières ne sera plus possible. Les forces de l’ordre vont pouvoir cacher leurs dérapages en toute impunité tout en nous surveillant davantage et en direct, les rues et les manifestants allant être, grâce à cette loi, envahies de drones de surveillance. Or, les drones, ça ne fait pas simplement penser à une dictature technologique digne d’un film de science fiction : « L’usage de drones pourrait permettre l’identification de multiples individus et la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel » nous dit la Défenseure des droits. Dans son avis très alarmiste sur cette proposition de loi, elle ajoute que « l‘information du public et la publication d’images relatives aux interventions de police sont légitimes et nécessaires au fonctionnement démocratique« . Mais au fond la démocratie, est-ce que ça ne lui pose pas aussi un problème à la macronie ?
Cassandre Solon
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