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C’est la dernière défense du gouvernement acculé devant la colère émanant de presque tous les secteurs du monde du travail, de toutes les villes et villages de France : Cette réforme, il a le droit et la légitimité de la faire malgré tout car il a été élu pour. Sibeth Ndiaye, menteuse professionnelle au service du président, le dit sans complexe : la violence est justifiée si elle est faite pour appliquer des réformes pour lesquelles on a été élu. Macron le dit à son tour : vous ne m’aimez pas ? Essayez la dictature, disait-il dans son avion l’autre jour. 

En bon bourgeois, Macron et ses sbires nous sortent d’un ton docte l’équation scolaire « élection = démocratie » pour ridiculiser notre colère. Sauf que des dictatures élues, il y en a eu. La plupart des dictateurs de l’Histoire avaient pour principal mode de propagande la tenue régulière d’élection. Pour qu’une dictature élue le reste, il fallait juste pour elle s’assurer que les conditions de scrutin ne permettent pas un réel renversement de situation. Parti unique en ex-URSS, élections truquées chez les autocrates d’Afrique centrale et d’ailleurs, opposants intimidés et violemment réprimés partout dans le monde, les méthodes ont été et restent nombreuses, sans avoir besoin d’empêcher une élection. En France, la bourgeoisie désireuse d’étouffer l’expression du reste du peuple, en particulier des travailleurs, a su se montrer plus subtile :

1 – Elle ne pratique pas le parti unique mais la pensée unique.

L’ensemble des candidats à des élections qui ont un jour oser s’aventurer hors du culte abstrait de la République, du respect des « marchés », de l’amour aux investisseurs, de l’importance du patronat pour « la création de richesse » et de l’importance d’éradiquer la dette publique ont été traité comme des débiles, des fous ou des psychopathes. Désormais, les macronistes le font avec 61% de la population, ces 61% de gens qui, selon les sondages, veulent le retrait de la réforme des retraites, mais serait en fait victime d’une sorte d’hallucination collective les faisant flipper pour rien.

2 – En France, la bourgeoisie ne truque pas les élections, elle finance et soutient ses candidats.

Tout le monde se souvient de « l’ascension de la fusée Macron ». Une belle opération signée l’Obs, Paris Match, le Monde, l’Express, tous en pâmoisons pour ce jeune candidat, ce beau produit dont ils ont monté le packaging pour nous le décrire comme le meilleur suppositoire pour nous protéger de la peste brune. Elle a fait pleuvoir les chèques pour gonfler la campagne de Macron, pour ensuite oser venir nous dire qu’il ne serait que l’émanation de la souveraineté populaire.

3 – En France, la bourgeoisie intimide et réprime.

Combien de gilets jaunes éborgnés pour qu’ils ferment leur gueule ? « Allez-y franchement, n’hésitez pas à percuter. Ça fera réfléchir les suivants » ordonnait le commandement policier parisien à ses troupes, le premier décembre 2018. Combien de syndicalistes placardisés et menacés dans leurs entreprises ? Combien de manifestants gratuitement violentés, et on ne parle pas que des croche-pieds ? Le climat de terreur qui a été imposé en manifestation, dans le monde du travail et dans les quartiers populaires est le produit d’un choix politique et d’un choix de classe : quand la contestation devient trop importante, en France, on peut mutiler. Et si on tue, ce n’est si grave, on dira que c’est un regrettable accident et on mentira comme un seul homme. Comme dans une dictature. 

4 – En France, la bourgeoisie n’empêche pas le changement, elle l’invente

Sarkozy, Hollande, Macron. Les tronches changent, – on passe du petit teigneux au jeune premier avec une transition par le gentil social-libéral – les politiques restent, et les coulisses sont les mêmes. Sibeth Ndiaye, ancienne socialiste, Jean-Michel Blanquer, ancien sbire des ministres de Sarkozy, Emmanuel Macron, ancien secrétaire de l’Elysée de Hollande. Le faux renouvellement est une passion de la bourgeoisie française, qui arrive à feindre l’étonnement et l’exaltation à chaque nouveau personnage qu’elle nous inflige. “Parler politique”, chez les bourgeois, consiste d’ailleurs à ergoter sur le style et la carrure d’individus qui partagent tous le même fond politique : le leur. 

Sarkozy, Hollande, Macron, Trois porte-flingues, trois coupes de cheveux différentes, une même mission : gagner la guerre des classes. La République n’est qu’un rassemblement de mercenaires politiques de la classe bourgeoisie. Régulièrement elle y fait son choix, nous impose le résultat des courses en faisant comme si nous l’avions choisi. Macron a été le dernier coup de cœur en date, sorte d’achat compulsif d’une classe dominante à court d’idées.

Sauf qu’avec lui, le subterfuge n’a pas fonctionné. Le président le plus mal élu n’a finalement jamais représenté que la frange bourgeoise et petite bourgeoise de notre société, ces 20% d’égoïstes, au choix obsédés par leur barème d’imposition et l’épaisseur du code du travail ou bien intoxiqué au monoxyde de naïveté bourgeoise, un elixir bobo transmis en famille ou entre amis et qui consiste à penser que pour « faire barrage à la haine » on peut sciemment ouvrir les vannes de la persécution sociale des chômeurs, des travailleurs et de toutes celles et ceux qui n’ont pas eu le bon goût d’avoir des parents riches.

Ces 20% de semi-débiles vont-ils réagir à la vue d’avocats réprimés, d’universitaires blessés et de polytechniciens révoltés ? Rien n’est moins sûr. Macron a le soutien indéfectible de 45% des cadres (contre 18% des ouvriers), et son quinquennat n’enrichit pas simplement les 1% les plus riches mais aussi ce 20% de bourgeois, ces gens que les journalistes nomment abusivement « classes moyennes » et qui voient leur revenus augmenter grâce à une fiscalité avantageuse.

Les aider à boursicoter (suppression de l’ISF) et à exploiter autrui (réforme du code du travail). Leur donner des raisons de mépriser plus pauvres qu’eux (réforme de l’assurance-chômage) et leur lâcher quelques miettes de bonne conscience écologique (l’interdiction des plastiques à usage unique : la classe sociale qui raffole des SUV et des voyages en avion n’en demande pas plus dans le fond). Parler comme eux (“c’est notre projeeet”), les flatter (“il y a ceux qui font et ceux qui ne sont rien”).Il n’y a pas à dire, Macron est véritablement leur président.

Mais pour nous, la classe laborieuse, c’est-à-dire la masse de celles et ceux qui doivent travailler pour le compte d’autrui pour vivre (tandis que la bourgeoisie travaille pour elle ou fait travailler les autres), Macron n’est rien d’autre qu’un tyran, imposé et maintenu d’en haut, qui n’a objectivement pas d’autre mission que celle de nous nuire. La réforme des retraites n’en est que la plus pure illustration, la pire expression de ce que notre régime autoritaire bourgeois électif est en mesure de faire. C’est bien la preuve que nous ne sommes pas en démocratie.