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Pour avoir qualifié sur le réseau social Twitter une journaliste bourgeoise – c’est-à-dire une journaliste d’un grand média international, défendant une vision capitaliste et droitière du monde – de bourgeoise, Nicolas Framont, rédacteur en chef de Frustration, s’est fait qualifier…d’antisémite. Il se trouve que la journaliste en question travaille à I24, chaîne internationale israélienne, par ailleurs très à droite. Celle-ci a donc déclaré que Nicolas l’aurait qualifié de bourgeoise en raison de sa religion… Ce n’est évidemment pas le cas, car confessons-le, nous avons le « bourgeois » facile, surtout en ce qui concerne les journalistes, et nous sommes en la matière assez récidivistes, comme les journalistes de France Inter, Cnews, France Télévisions, BFM pourraient aussi bien en témoigner. Nous ne faisons guère cas de leur religion qui nous indiffère totalement, et qu’en général nous ne connaissons pas.

Soyons assez clairs : nous ne nous excusons pas. Notre propos n’était pas antisémite, l’association “juif – bourgeois” ne nous a jamais traversé l’esprit et ne sera jamais faite par nous. Elle n’a été faite que par cette journaliste et les personnes qui l’ont suivie dans cet amalgame particulièrement abject. Nous ne croyons pas à leur sincérité non plus, nous pensons qu’ils savent parfaitement que ce propos n’avait rien d’antisémite et qu’ils cherchent à instiller un soupçon particulièrement dégueulasse pour nous nuire.

Mais soyons aussi clairs pour ceux et celles, sincères, qui, n’ayant pas tous les tenants et les aboutissants, se seraient réellement inquiétés. Nous sommes parfaitement conscients que l’antisémitisme est un fléau en France, qu’il frappe durement de nombreux juifs de notre pays, que toutes sortes de clichés et d’amalgames puants sont véhiculés sur eux, cherchant par exemple à les associer au capital ou à la politique israélienne. Pire encore, nous savons bien qu’à plusieurs reprises ces dernières années ils ont été spécifiquement les cibles d’attentats fondamentalistes. Nous condamnons de toute notre force l’antisémitisme, comme nous condamnons d’ailleurs toutes les formes de racisme. Nous l’affirmons d’ailleurs souvent à Frustration : la lutte antiraciste n’est pas secondaire par rapport à la lutte des classes. Et soyons encore plus précis : la lutte contre l’antisémitisme n’est pas non plus secondaire par rapport à la lutte contre d’autres formes de racisme.

Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : si nous avons régulièrement condamné l’antisémitisme de l’extrême droite, qui est son propulseur historique en France, et qui s’y attèle toujours avec beaucoup de zèle du côté des soraliens par exemple, nous n’avons aucune illusion sur le fait que l’antisémitisme ne se limite pas à l’extrême droite, et qu’il contamine aussi parfois des personnes de tous milieux sociaux, et des militants de tous bords politiques. Parfois de gauche radicale. Cela n’est d’ailleurs pas vrai que pour l’antisémitisme : des sexistes, des homophobes, des islamophobes se prétendent parfois nos camarades. Ils ne le sont pas.

Nous contestons toutefois l’idée assez droitière, et pour le moins opportuniste, que l’épicentre de l’antisémitisme serait à gauche. L’antisémitisme de gauche existe, il est marginal. Toutes les données que nous avons sur l’antisémitisme (par exemple ici, ici ou encore ) montrent que les actes antisémites, en augmentation, ne proviennent quasiment jamais de militants de gauche. Nous voyons bien à quoi sert le discours qui tenterait de faire de notre camp social le centre de tous les antisémites. Par ailleurs, il est légitime de considérer qu’à la seconde où quelqu’un tient un propos ou commet un acte antisémite, il s’exclut de fait de notre camp, puisque n’en partageant ni les valeurs, ni les idées. 

L’antisémitisme de gauche se nourrit souvent d’une association ridicule entre capital et judaïsme – cette association n’existe pas, les capitalistes peuvent être de toute origine et de toute religion (historiquement ils sont plutôt blancs et chrétiens, mais passons). En structurant notre compréhension du monde par la classe, l’antiracisme et le féminisme, nous espérons lutter contre la confusion qui fait le terreau de ce type d’antisémitisme.

C’est pour cette raison que nous voir associés à un racisme qui nous révulse autant nous blesse particulièrement. Les juifs prolos, nombreux, trouveront toujours en nous des alliés et des camarades. Les juifs bourgeois nous trouveront adversaires vis-à-vis de leur classe sociale, mais alliés contre l’antisémitisme.

Nous tenons également à dire que s’opposer à nous, nous critiquer, ce qui est le droit de tout un chacun, n’autorise pas à toutes les bassesses. Nous associer à l’antisémitisme – ce qui est de la diffamation pure et dure – n’entre pas dans le registre acceptable. Balancer l’adresse de nos parents, photos à l’appui, dans un contexte où les groupuscules d’extrême droite pullulent, n’en fait pas non plus partie, et ceux qui s’adonnent à ce genre de pratiques et à du cyberharcèlement devraient réfléchir un peu. Par ailleurs, nous les assurons que nous riposterons toujours, à proportion des injures et des menaces que nous recevons.

Nous poursuivons la mission que nous nous sommes donnée : mettre à jour les mécanismes de la lutte des classes pour mieux permettre à notre camp social – la classe laborieuse – de relever la tête et de rendre les coups. Cela passe par combattre les dominations et discriminations qui se nourrissent entre elles et qui nourrissent le capitalisme : le patriarcat, le néocolonialisme, l’antisémitisme, l’islamophobie… Nous continuerons donc à désigner les membres de la classe dominante et leurs alliés pour ce qu’ils sont : des bourgeois, qui ne doivent leur pouvoir ni à leur talent, ni à leur compétence, ni à leur intelligence mais bien au vol du travail des autres et à la monopolisation organisée de la vie politique, culturelle et économique. 


La rédaction