La Seine-Saint Denis, peuplée de sauvageons irrespectueux comme chacun le sait, territoires perdus de la République selon le “philosophe” de comptoir Michel Onfray, est en danger de mort actuellement. Territoire oublié et méprisé de la République, il compte ses morts et ses contaminés : entre le 21 et le 27 mars, les décès ont bondi de +63 % en Seine-Saint-Denis par rapport à la semaine précédente. En tout, 208 personnes sont mortes du Covid-19 en mars.
Est-ce réellement une surprise, alors que dans un premier temps, certains médias n’hésitent pas à parler d’Estelle et Denis dans un parc qui profitent d’un dernier instant de répit contrairement à Hamed et Latifa, qui foutent le zbeul et ne respectent pas les consignes d’un Macron qui conseillait de sortir et d’aller au théâtre quelques jours auparavant ?
Elles et ils prennent le RER pour nous toutes et tous, pour que l’on puisse vivre décemment et aller travailler : dans l’alimentation, caissières, aides soignantes ou à domicile, livreurs, restauration rapide (notamment pour les cadres qui télé-travaillent tranquilou de chez eux), femmes de ménage (celles qui lavent le monde, notre monde, nous dit Françoise Vergès) … Si vous séparez Paris de la Seine St Denis, la première crève de faim et de saleté.
Ils font parfois ces jobs que personne ne veut faire et qui sont pourtant vitaux, comme éboueurs. Et si on inversait le salaire d’un éboueur avec celui d’un de nos innombrables bullshit jobs ? Ils font ces jobs “vitaux” qui apparaissent d’un coup d’un seul plus important à l’aune du virus. Ce sont celles et ceux qui mériteraient d’être revalorisés et davantage que des professions qui n’ont de prestige que la médiocrité et l’inconséquence qui les porte (cadre, directeurs d’hôpitaux, hauts fonctionnaires …), mais également des jobs non essentiels (Uber eats, etc), à prendre des risques inutiles et dangereux pour eux et leurs proches. Mais non, ces gueuses et gueux doivent faire tourner la machine capitaliste, et tant pis s’ils crèveront, d’autres les remplaceront … Sans parler d’un confinement plus difficile qu’ailleurs : logements vétustes à plusieurs, propagation plus aisée du virus, pas de jardin, enseignement à distance pour les enfants souvent plus compliqué …
On l’évoquait dans cette analyse, publiée au tout début du confinement.
En plus d’une lutte des classes se double et se joue, dans ce département, une lutte des races, dans la mesure où les populations Arabes et Noires représentent la grande majorité de ses habitants, de première, de seconde ou de troisième génération. Méprisés et parfois tués toute l’année par une police en roue libre, ce territoire est une nouvelle fois le lieu d’expérimentations de l’Etat en tout genre (dans le documentaire “Swagger”, une petite fille imagine des drones qui fliqueraient les habitants du 93 et qui pourraient rentrer chez eux, des “tout petits”) : drone de surveillance, contrôle des sorties … Et une répression plus violente encore, systématique et systémique, à lire le travail des journalistes Sihame Assbague et Taha Bouhafs, par exemple.
Elles et ils représentent le poumon vital de Paris, sans qui tu serais confiné chez toi non quelques mois mais bien toute l’année, armé de ton simple PC et de ton téléphone portable pour bosser tes éternels tableaux Excel ou autre ligne de code sans saveur. Sans ces “territoires perdues de la République”, nous sommes toutes et tous bel et bien perdus. L’étincelle a déjà pris en 2005 mais pourrait reprendre, plus forte encore, à l’instar des gilets jaunes, rien que pour le meilleur.
Crédit photo : Serge D’Ignazio