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Ça n’est plus un secret pour personne : la France est particulièrement à la ramasse en ce qui concerne la gestion de la crise provoquée par le coronavirus. D’Emmanuel Macron, le 11 mars, disant que “nous ne renoncerons à rien, surtout pas aux terrasses, aux salles de concert aux fêtes de soirée d’été” (la fermeture des restaurants et des cafés a été décrété 2 jours plus tard, le 13 mars), au ministre de la santé, Olivier Véran, martelant pendant des jours que le port du masque n’était pas “pertinent” sauf pour le personnel soignant, les Français auront fini par se demander : mais qui sont ces amateurs qui nous dirigent ? Et ils auront eu raison. 

Si l’on en croit les sondages, notamment l’enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée pour le Cevipof et publiée le 21 avril, 58 % des Français se déclarent insatisfaits de la façon dont “le gouvernement gère la crise”, et 45 % se déclarent “en colère” face à la situation en France. 

Il y a de bonnes raisons de l’être : d’abord, ces grandes déclarations citées plus haut, en décalage complet avec la réalité de l’épidémie. Ensuite, les nombreuses pénuries, difficiles à cacher dans un tel contexte. Pas assez de lits de réanimation (surprise ! Le gouvernement ferme des milliers de lits d’hôpitaux depuis 15 ans ; nous avons 5500 lits de soins intensifs aujourd’hui… contre 28 000 en Allemagne), pas assez de respirateurs pour les malades ayant besoin d’être intubés (merci Decathlon, qui a transformé ses masques de plongée en respirateurs pour pallier l’incurie du gouvernement ; celui-ci a depuis passé une commande en urgence de 10 000 appareils auprès de plusieurs entreprises françaises … mais ceux-ci ne seraient pas adaptés aux besoins des services de réanimation, a révélé Radio France), pas assez de masques (surprise ! Le gouvernement a décidé, entre 2011 et 2013, pour des raisons de coût, entre autres, de ne plus renouveler les stocks préventifs de masques FFP2 ; en 2009, la France disposait de 723 millions de ces masques en stock), et pas assez de tests : bon nombre de personnes ayant des symptômes n’ont jamais pu savoir s’il s’agissait bien du coronavirus, et ont été renvoyées chez elles avec de simples consignes de quarantaine. 

Le Maroc et la Turquie font mieux que la France

Depuis, l’exécutif a tenté de se rattraper, Macron a multiplié les prises de parole publiques, le premier ministre et ses camarades ont promis la “transparence” totale au peuple français. Chaque soir, comme un gage que l’épidémie est bien sous contrôle désormais, le directeur de la santé, Jérôme Salomon, égrène en direct ses chiffres morbides. En parallèle, nos dirigeants saluent le courage des soignants (les mêmes soignants qui se faisaient éborgner quelques mois plus tôt en manif’ contre la réforme des retraites) et l’hôpital public (celui qu’ils cassent depuis quinze ans et qui fonctionne sous perfusion, grâce aux dons généreux de milliers de personnes), vantent la puissance de la solidarité nationale et la force de l’Etat français. CQFD.

La réalité : pour l’heure, il est plus facile de trouver un masque au Maroc (8 centimes d’euros dans n’importe quel supermarché) et de se faire dépister en Turquie (5,3 tests pour 1000 habitants, contre 5,1 en France, selon l’OCDE. En Allemagne, c’est 17 pour 1000 habitants). Oui, vous avez bien lu : le Maroc et la Turquie font mieux que la sixième puissance mondiale, que la “Nation Française” sur laquelle aiment tant discourir nos dirigeants. A l’heure où nous écrivons, la vente de masques vient, lundi 27 avril, d’être “autorisée” dans les pharmacies françaises. Il était temps. D’autant que cette “autorisation”, édictée en haut lieu, est probablement à voir autrement : jusqu’à présent, la vente de masques en pharmacie était “interdite”, tout simplement parce qu’il n’y avait pas de masques à vendre. Un moyen, une fois encore, de cacher la pénurie.

En creusant un peu, l’incurie de l’Etat apparaît encore plus cruellement. C’est ce qu’a montré Le Point, dans un article qui explique comment la France s’est “privée de 150 000 à 300 000 tests par semaine“. On y apprend, notamment, que dès le 15 mars, de nombreux laboratoires vétérinaires ont proposé aux préfectures et aux Agences régionales de santé leurs capacités considérables de tests (100 000 par semaine).

Que s’est-il passé ? Ils n’ont tout simplement pas reçu de réponse des autorités, pendant quinze jours. Puis les choses ont encore traîné, le temps de régler tout un tas de paperasses. Au 20 avril, révèle Le Monde à la suite de l’article du Point, seulement 17 laboratoires vétérinaires étaient agréés pour tester des échantillons humains. Idem du côté des laboratoires de recherche publics. “Nous attendons d’être contactés par l’agence régionale de santé mais il ne se passe rien”, témoigne un directeur de laboratoire. Pire, un autre chercheur, qui a aussi proposé ses services très tôt pour dépister les malades, raconte : “Je me suis fait engueuler comme un gosse. On m’a clairement demandé de rester à ma place et de continuer à faire mes petites recherches.”

Il faut bien imaginer les choses : d’une part, il y a, certes, la lourdeur de l’administration française, qui rend toute prise de décision incroyablement compliquée. De l’autre, des petits technocrates en col blanc, qui ont probablement tous les diplômes requis (Sciences Po, HEC, ENA, ou d’autres grandes écoles de l’élite française) et siègent dans les différentes instances responsables durant cette crise (Agences régionales de santé, cabinets des ministères…etc.), qui se permettent d’”engueuler comme un gosse” des professionnels, des spécialistes qui ont proposé leur aide ! Pire encore, cette aide a parfois été laissée très longtemps sans réponse, comme dans le cas des laboratoires vétérinaires. 

Les beaux discours et les listes de chiffres ne font plus illusion : nous sommes dirigés par une belle bande d’incompétents. Qu’attendons-nous pour les renverser ?