Depuis samedi le pays est agité par un mouvement d’une forme inédite et d’une intensité rare. Parce que les journalistes sont attirés par la nouveauté comme les pies le sont par tout ce qui brille, la couverture médiatique est très importante. Tout comme les commentaires, surtout pour le pire. On voit donc se succéder les moqueries des « twittos » issus de la bourgeoisie culturelle sur les « chenilles » qui sont menées durant les blocages (essayez de tenir un point de blocage en bord de route dans le froid en restant droit comme un piquet pour voir) aux « analyses » de la bourgeoisie éditorialistes qui ne s’interdit pas de qualifier les plus de 300 000 personnes mobilisées de « cons » et de « beaufs », voir, comme le fait le Monde dans un dessin bien pourave, »d’abrutis » (une insulte qui, adressée aux journalistes, provoque l’union de toutes les rédactions, mais sur des français anonymes on a bien le droit).
Cette France « provinciale », des salariés du privé et des artisans, provoque le dégoût de classe des classes supérieures, qui ne s’embarrasse pas de convenance pour l’exprimer. Pour elles, « défendre la bagnole » est une hérésie et ses membres sont infoutus de comprendre que plus personne ne vit dans les centre-villes qu’ils ont colonisés par leur gentrification, leurs bars concepts et leurs foutus « pieds à terre ». Ou plutôt ils s’en foutent, car ce qui caractérisent de plus en plus nos « commentateurs » c’est leur indifférence criante et revendiquée à l’égard des conditions de vie de leurs concitoyens.
Les salaires baissent, stagnant sous le niveau de l’inflation, et les impôts ont globalement augmenté, pour le bonheur des plus riches qui en payent moins. C’est ça la réalité de ce que vivent les gens. Et si nos bourgeois sont capables de gober le prétexte de la transition écologique pour ce qui n’est qu’un greenwashing du rééquilibrage fiscal en faveur des riches – et ce alors même que le très peu gauchiste Nicolas Hulot a affirmé que toute réunion portant sur l’état de la planète accueillait à l’Elysée le lobbyiste de la branche concernée – c’est parce que cette classe a toujours nimbée son exploitation d’autrui de prétexte vertueux : Avant-hier le mépris du travailleur était enrobé de religiosité, hier de « mérite » éclatant, aujourd’hui d’écologie et de bon goût : sus au « beauf » qui fait la chenille pendant les mariages et qui roule au diesel. Vive nous les riches qui avons bon goût pendant les mariages et prenons notre vélo (entre deux vols long courrier).
« Beaufs », « abrutis », « cons » sont autant de manifestations d’un dégoût de classe à peine masqué ou totalement assumé par des gens qui ne vivent qu’entre eux et qui, le soir venu, après avoir déversé leur venin sur les citoyens moins riches qu’eux, n’en croiseront pas dans leurs quartiers gentrifiées, leurs rues privées, leurs boulevards pavés de bonne conscience. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur ce mouvement – loin d’être parfait, loin d’être magique, où l’on trouve la colère du peuple mais aussi des expressions d’homophobies, de racisme et d’islamophobie. Mais rien à attendre des « analyses » foireuses d’une élite autoproclamée qui squatte nos télés depuis plus de trente ans pour nous vendre la merde néolibérale de leur classe sociale.
Dégagez les blaireaux déconnectés. Allez vous enfermer dans votre Île de Ré, on bloquera le pont derrière vous.