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« Moi je n’adore pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Jeudi 3 octobre au soir, Macron a une fois de plus insulté notre bon sens et nié la réalité de nos vies. Notre bon sens parce qu’il a une fois de plus prononcé une phrase contradictoire et illogique : évidemment que le terme de « pénibilité » a été créé pour donner le sentiment que le travail est pénible. Car il l’est, dans de très nombreux cas. Navré si ce fait s’entrechoque avec l’idéologie bourgeoise du président de la République, qui défend une conception du travail intrinsèquement émancipatrice et source de bonheur et de joie – car source de profit pour ses amis.

Il a tout de même rajouté : « mais il y a des conditions de travail qui ne sont pas les mêmes, il y a des risques au travail qui ne sont pas les mêmes ». Va-t-il les prendre en compte dans sa réforme des retraites ou va-t-il faire semblant de croire qu’un cadre et un ouvrier ont la même espérance de vie en bonne santé ? ça, on ne le sait pas. Les « grands débats » de type Macron ne sont pas fait pour expliquer quoi que ce soit, débattre de quoi que ce soit (oh ça non), mais seulement à mettre en scène une posture de dialogue, qu’un quarteron d’éditorialistes fanatisés s’empressera de commenter et de complimenter.

Macron ne veut donc pas du mot « pénibilité ». Il l’avait déjà dit durant sa campagne, de façon encore plus claire. «Je n’aime pas le terme de pénibilité donc je le supprimerai. Car il induit que le travail est une douleur » avait-il assuré devant les patrons de la CPME (le MEDEF des PME). Dont acte : dès septembre 2017, le gouvernement remplaçait le « compte pénibilité », un dispositif crée sous Hollande pour permettre aux salariés exposés à des facteurs de risques au travail de partir un peu plus tôt à la retraite, par le « compte professionnel de prévention ». « Pénibilité » devient « Prévention ». Tout de suite le bourgeois se sent mieux. Pourtant, ça n’a aucun sens, ce dispositif ne « prévenant » rien mais compensant – franchement à la marge – les dégâts causés sur le corps par ces expositions.

Quelles sont-elles ces conditions de travail qu’il ne faudrait pas définir comme pénibles parce que cela vexe la petite vision du monde bourgeoise de Macron ?

La loi définit la pénibilité comme une exposition à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels susceptibles de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé (article L. 4121-3-1 du Code du travail). Mesurer la pénibilité impose ensuite à l’employeur un suivi plus important des salariés et la prise de mesures de réduction des contraintes qui pèsent sur eux. Dans le système de retraite actuel, cela permet aussi de faire valoir un droit au départ anticipé, en théorie. Il y a plusieurs facteurs de pénibilité, définis par des seuils réglementaires :

  • Les manutentions manuelles de charges, c’est-à-dire lever, tirer, pousser ou porter, plus de 600 heures par an et pour des charges supérieures à 10 kilos. Cela concerne des centaines de milliers de salariés, notamment tous ceux qui assurent le transit des colis, paquets et autres contenants de la vente à distance. Tout cela se fait au milieu du bruit, un facteur de risques en hausse, qui bousille l’ouïe des gens mais seulement : il les pousse à crier pour se parler, les rend nerveux et irritable. On rentre chez soi épuisé et saturé de sons. Dans les milieux bourgeois, même le son des portières ou des interrupteurs est atténué pour les délicates oreilles de ceux qui seront ensuite incommodés par l’idée que le travail puisse être considéré comme pénible ou douloureux.
  • Les postures pénibles et l’exposition à des vibrations mécaniques concernent notamment les travailleurs de la construction, à travers les outils qu’ils utilisent. Macron, tu veux bien passer la journée avec un marteau-piqueur pour expérimenter ce que cela fait à la circulation de ton sang ?
  • L’exposition à des agents chimiques fait partie des facteurs de risques pris en compte dans la pénibilité au travail. En 2017, un tiers des salariés du secteur privé est exposé à au moins un produit chimique, selon la dernière étude du ministère du travail. On pense aux salariés de l’industrie ou aux agricultrices et agriculteurs, mais là où cette exposition augmente le plus c’est dans le secteur des services, à cause du développement et l’intensification des professions de nettoyage, aide à domicile ou aides ménagères. Cela se fait dans l’indifférence générale, car dans ce secteur on a surtout des femmes issus de l’immigration, qui travaillent isolés et/ou en interim, sans grand suivi .
  • L’exposition à des températures extrêmes et variables font partie des risques au travail réglementé par la notion de pénibilité : passer du chaud au froid, travailler en chambre froide, décharger un camion réfrigéré. Les canicules, les hivers rudes, les cadres et hauts fonctionnaires comme Macron ne les ont jamais vraiment vécu. Passant de voitures climatisées à bureaux bien isolés pour rentrer dans leurs appartements bien aéré, leur corps n’est ni abimé par le froid, ni par le chaud. Les engelures sont pour eux un risque que l’on prend au ski, pas au travail.

Ce ne sont que quelques aperçus de ce que le travail défini comme pénible par la loi est. Et ça n’est qu’un petit aperçu de ce que le travail pénible est vraiment. Car sans dépasser les seuils légaux, il y a de multiples expositions qui ne donne pas lieu à compensation et ne sont donc pas définie juridiquement comme pénibles alors qu’elles ne sont, de fait. Sans compter toutes les entreprises où les risques ne sont pas mesurés, faute de représentants du personnel pour le rappeler – c’est bien Macron qui a supprimé les CHSCT, cette instance dédiée au dépistage et à la prévention des risques sanitaire en entreprise : non seulement il ne veut pas qu’on parle de pénibilité, mais en plus il fait tout pour qu’elle ne puisse plus être mesurée et qualifiée comme telle. Et ce ne sont pas les médecins du travail et les inspecteurs, dont le nombre fond comme neige au soleil, qui diront le contraire.

Macron fait partie de ces bourgeois qui ont nié le travail ouvrier, ont décrété que cette classe était morte alors qu’elle était seulement réduite au silence. Toujours plus loin les entrepôts Amazon sont installés. Toujours plus de syndicalistes ont été licenciés ou achetés. Désormais c’est la réalité même de ce qu’ils vivent qui est balayée d’un revers de main par quelqu’un dont le corps bourgeois n’a pas connu la moindre atteinte par le travail.

Il est là, le macronisme totalitaire, par la façon dont il détruit en une phrase la vérité sociale au profit de son idéologie bourgeoise extrémiste.