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« Société du spectacle » le mot est entré dans l’usage courant. On l’entend de la bouche de politiques, dans les médias etc. Souvent de manière un peu pédante, qui donne l’impression de dire quelque chose sans rien dire en réalité : « ah la la c’est vraiment la société du spectacle… » en parlant d’un homme ou d’une femme politique qui se serait trop mis en scène ou de la dernière pitrerie d’Hanouna . Pourtant c’est peu dire que le concept, éminemment radical et subversif, désigne bien plus que la simple critique des médias de masse et a été vidé de sa substance… Pour leur défense, il faut dire que la pensée de Guy Debord, inventeur du concept, est ardue et peu facile d’accès (elle ne prétend pas le contraire). Elle pousse la critique à l’ensemble des aspects de la vie. Son style lui-même est à part. Inspiré par les surréalistes, il use notamment des détournements : utiliser une citation sans la désigner et en changer une partie. Guy Debord était également une personne cherchant la cohérence avec sa critique. Non dénué d’arrogance, il cultivait un certain mystère.
Mais, alors c’est quoi, exactement, la société du spectacle ? C’est à cette question, et à beaucoup d’autres, que répond le livre du philosophe Anselm Jappe, joliment intitulé Un complot permanent contre le monde entier et édité à L’Echappée.

La société du spectacle : une critique radicale du capitalisme

Le climat révolutionnaire des années 1960

L’expression provient donc d’un ouvrage de Guy Debord publié en novembre 1967, moins d’un an avant les évènements de mai 68. Il fît immédiatement partie des livres les plus volés en librairie (comme aujourd’hui peuvent l’être ceux du Comité Invisible).
Voilà ce que disait l’auteur à propos de son lectorat : « Il n’existe personne au monde qui soit capable de s’intéresser à mon livre en dehors de ceux qui sont ennemis de l’ordre social existant, et qui agissent effectivement à partir de cette situation. (…) c’est dans les usines d’Italie que ce livre a trouvé, pour le moment, ses meilleurs lecteurs ».

Critique radicale du capitalisme, l’ouvrage emprunte au marxisme mais se distingue des autres courants de l’époque. Guy Debord est en effet extrêmement critique du stalinisme comme de ses nouveaux avatars (notamment la révolution culturelle chinoise).
Debord cherche notamment à actualiser le marxisme, à partir de sa relecture hétérodoxe, en particulier celle de Georg Lukacs, auteur d’Histoire et conscience de classe (1923) que nous avions déjà évoqué à propos du livre de Joseph Gabel, La Fausse Conscience (1962) – autre lecture qui eut de l’importance pour lui. 
L’objectif est clair : prendre en compte les changements contemporains du capitalisme.

Critique de la vie (quotidienne) en régime capitaliste

Pour Guy Debord, le spectacle désigne “le stade contemporain du fétichisme de la marchandise” reprenant par là un concept de Marx. Le fétichisme étant, comme le rappelle Anselm Jappe, “la subordination des individus aux choses”. Ce qui a donc changé n’est pas seulement l’économie et le travail mais la nature même des relations humaines et de la vie sociale. 

C’est donc une critique de “l’aliénation”. Cette notion d’aliénation pour Debord est elle-même influencée par la notion de “réification” telle que développée par le philosophe marxiste hongrois Georg Lukacs et qu’Anselm Jappe résume ainsi “l’extension de la marchandise et de son fétichisme à la totalité de la vie sociale fait apparaître l’activité humaine, qui est en vérité processus et fluidité, comme une série de choses qui, soustraites au pouvoir humain, ne suivent que leurs propres lois”. 

Ainsi l’aliénation désigne ici “l’antagonisme entre l’homme et les forces qu’il a lui-même engendrées et qui s’opposent à lui comme des êtres indépendants”. 
Plus concrètement, l’économie qui se devrait d’être un moyen devient un but, la qualité devient subordonnée à la quantité, les hommes deviennent soumis aux choses, et les lois de l’économie deviennent hors de contrôle.
La valeur d’usage des biens, l’utilité réelle, est subordonnée à la valeur d’échange, c’est-à-dire à ce qu’on peut en obtenir en les échangeant. C’est précisément ce qui désigne une “marchandise” pour Marx : quand les produits qui existent le sont essentiellement pour l’échange, c’est ainsi que “l’économie installe sa dictature sur la société entière”. 
Ce phénomène est récent : la prédominance de la marchandise dans la vie sociale, qui crée l’aliénation, est liée au capitalisme industriel et ne remonte donc pas à plus de deux cents ans. 

ville dortoir debord
Photo de Natalya Letunova sur Unsplash

Guy Debord va donc très loin dans la critique du capitalisme qui est vu ici comme un système qui a contaminé tous les aspects de la vie. Il est, bien sûr, un régime d’oppression et d’exploitation, mais il est aussi “l’appauvrissement et la destruction sur les plans social et culturel”. Cela se traduit, après la Deuxième Guerre mondiale par la “naissance des villes-dortoirs et la destruction des villes à l’ancienne, le vide de la vie “métro-boulot-dodo”, la passivité du consommateur, l’isolement des individus face aux écrans, l’ennui et la solitude, et l’obligation permanente de travailler et d’obéir à des ordres.” 

Le “spectacle” est une “nouvelle domination de classe” : les individus regardent des “images” pour se consoler de la pauvreté de leur existence “soumise aux exigences routinières du travail et de la vie bourgeoise”. Ici ce ne sont pas que les écrans, la télévision ou les médias (les images ou le spectacle au 1er degré) qui sont visés mais “chaque marchandise, que ce soit une voiture ou un voyage ou une visite au musée” qui “promet une vie heureuse et remplace l’expérience directe de la réalité”.
La critique de Debord a donc l’originalité de partir de la vie quotidienne, et de la manière dont elle mute lors des Trente Glorieuses (la période qui s’étend de 1945 à 1973 et qui a marqué l’avènement de la “société de consommation”). Pour ce dernier, l’abondance de marchandises remplace la réalité directement vécue, mais ce problème est aussi présent, sous une forme différente, dans les régimes totalitaires communistes. 

Le capitalisme est une société sans qualité, une société qui ne peut pas avoir une culture à elle.

Anselm jappe

Cette nouvelle période du capitalisme aurait même tué l’art. Anselm Jappe l’explique ainsi :  “Le capitalisme est une société sans qualité, une société qui ne peut pas avoir une culture à elle. Son fondement est la valeur, la simple quantité de travail abstrait représentée dans une marchandise, sans qu’il soit tenu compte de son utilité ou de sa beauté. Le capitalisme a pour seul but l’accumulation tautologique de travail mort et c’est pourquoi il est structurellement indifférent à tout contenu. D’où l’impossibilité d’une culture proprement capitaliste.” L’art moderne, indépendamment des intentions même des artistes, aurait ainsi évolué dans le cadre de la société marchande, en devenant un des ses pionniers : la destruction des formes artistiques traditionnelles comprise comme une critique de la société moderne étant d’ailleurs davantage une analyse des commentaires de l’art qu’une volonté affichée des artistes eux-mêmes. 

Des nouvelles luttes de classe

Par rapport au marxisme traditionnel (dit “orthodoxe”), Guy Debord insiste beaucoup sur le rôle de la bureaucratie.
Le clivage essentiel est avant tout entre “ceux qui organisent la vie des autres et ceux dont la vie est organisée par les autres” que ce soit les capitalistes ou les nouvelles bureaucraties. Il y a l’exploitation économique fondée sur la propriété privée des moyens de production et la vente de la force de travail, mais il y a surtout “la dichotomie entre dirigeants et dirigés, contrôleurs et contrôlés, surveillants et surveillés”. Cette différence n’a fait qu’augmenter. 
Ce que doivent récupérer les nouveaux prolétaires c’est avant tout le contrôle sur leurs vies, ce qui signifie bien sûr s’opposer à l’exploitation classique mais aussi aux nouvelles hiérarchies bureaucratiques – ce qui inclut les partis et les syndicats soi-disant “ouvriers” (on vous fait pas un dessin mais le propos a une actualité certaine). 

Guy Debord définit d’ailleurs le prolétariat comme “l’immense majorité des travailleurs qui ont perdu tout pouvoir sur l’emploi de leur vie, et qui, dès qu’ils se savent, se redéfinissent comme le prolétariat, le négatif à l’œuvre dans cette société”. 
Cette définition est donc plus large que le seul prolétariat d’industrie (la définition classique) qui n’est pour lui pas forcément la seule classe révolutionnaire, de la même façon que la grande bourgeoisie n’est pas la seule classe dominante. Sur ce point, il attribue à l’Etat, sa bureaucratie et ses techniciens, une importance bien plus forte que Marx ne l’avait fait.

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Photo de the blowup sur Unsplash

Au moment où Marx fait ses analyses, le capitalisme privé a une puissance gigantesque. Puis l’interventionnisme des Etats au cours du XXème siècle et les politiques keynésiennes ont donné une place nouvelle à l’État dans l’analyse de classes. Toutefois le néolibéralisme, la nouvelle phase du capitalisme à partir des années 1980, a montré que l’Etat n’a pas mis l’économie sous son emprise. 

Sur la formation même des classes Guy Debord se distingue de la pensée classique qui voit les classes comme définies par la propriété privée – dans ce cadre ce sont elles qui déterminent l’État. Pour lui l’inverse peut se produire, le pouvoir peut être un “facteur indépendant générateur d’une classe”. 

Critique de “l’économie”

Guy Debord critique l’idée même d’”économie”. Par là, il ne désigne bien sûr pas la production de biens matériels dont on ne pourra jamais complètement se défaire, mais l’économie comme une “sphère séparée” de la politique. Cette séparation n’était pas présente dans les époques précapitalistes, mais “la pensée bourgeoise considère ces sphères comme si elles avaient toujours existé”. 

Toute chose subit le même destin : ne plus compter comme un être concret, mais seulement comme une quantité d’argent

Anselm Jappe

L’économie comme sphère séparée consacre le règne de la marchandise, avec un effet d’abstractisation qui s’étend à la vie sociale toute entière.
Comme l’explique Anselm Jappe “toute chose subit le même destin : ne plus compter comme un être concret, mais seulement comme une quantité d’argent”.
Plus concrètement : “c’est seulement par l’effet d’une longue habitude que la conscience ne perçoit plus la véritable folie qui consiste, par exemple, à mettre en balance le coût de la pollution atmosphérique d’un côté, et de l’autre les pertes qu’une réduction de la circulation routière infligerait à l’industrie de l’automobile. Avant tout jugement moral, la folie consiste déjà dans le fait de mesurer deux choses complètement différentes – la santé des individus et les intérêts de l’industrie – avec un seul paramètre quantitatif, en plus parfaitement abstrait, à savoir l’argent”. 
Ainsi dans la société de la marchandise, l’abstraction prend des propriétés réelles, matérielles.  

La bourgeoisie a créé un monstre : une économie indépendante, une puissance autonome et fétichiste qui domine la société. Pour Debord il ne s’agit donc pas de créer “une autre économie”, “un autre Etat”, mais “d’abolir la tyrannie économique et étatique”. 

Critique de la “politique” et de la “démocratie”

Guy Debord critique aussi les notions de “politique” et de “démocratie” de la même façon qu’il le fait pour “l’économie”, c’est-à-dire pas en tant qu’il préférerait une “dictature” ou qu’il serait “apolitique”… 

C’est que, comme l’économie, la politique est désormais une activité séparée des autres champs, de l’existence quotidienne, elle est, comme le résume Anselm Jappe “la contemplation des actions d’autrui qui remplace l’agir personnel”. 

Comme la technique, la politique n’est pas neutre, elle est “la forme spécifique dans laquelle s’effectuent au sein d’une société de marché les rapports entre les sujets de marché”, elle se charge “des infrastructures, toujours plus étendues (transports, éducation, recherche etc.) sans lesquelles la création de valeur ne peut avoir lieu”. Elle n’a par ailleurs plus aucune autonomie et ne vise plus qu’à “maintenir la compétitivité”.
Anselm Jappe enfonce le clou : “le recul permanent de la politique devant les puissances déchaînées du marché mondial et l’autodestruction de la société ainsi accélérée rendent naturellement tout à fait vain et naïf le mélange de moralisme et de keynésianisme proposé par le frère ennemi du néolibéralisme, c’est-à-dire les restes de la gauche”. Il n’est plus possible de modifier en son intérieur la société marchande via des mesurettes de redistribution. 

Aujourd’hui la liberté politique peut fort bien se combiner avec la répression sociale la plus féroce

Anselm jappe

Au sein de la société marchande, la démocratie est la forme la plus achevée de la politique, elle consacre “la liberté formelle qui est constitutive de l’échange capitaliste”. 
On retrouve sur la question de la démocratie quelques points de jonctions avec mon article sur le “déjà-là fasciste” : le pouvoir n’a plus besoin des formes classiquement fascistes de répression. Anselm Jappe : “n’ayant plus d’ennemis à craindre (ou le croyant) le spectaculaire intégré peut renoncer aux modes de répression trop coûteux et se permettre une façade démocratique”. 
Comme nous le disions dans notre article sur la dictature en France (même si les debordiens n’utiliseraient donc pas ce terme) nous pouvons écrire (presque) ce que nous voulons, nous pouvons voter sans que cela n’ait d’effets, ce qui donne au tout une “image” démocratique mais ne change dans l’absolu rien à la réalité de notre régime et à la répression. C’est la notion de “démocratie spectaculaire” qu’Anselm Jappe illustre ainsi : “la démocratie spectaculaire est pleinement réalisée quand les intellectuels de gauche sont libres de discuter de Marx dans leurs journaux ou à la télévision et que les citoyens ont le droit de voter pour un président de gauche – qui, s’il était élu, serait obligé d’assumer la redoutable tâche d’adapter le pays au marché mondial en chute libre- pendant que d’autres citoyens, moins chanceux parce qu’ils ont pour domicile les rues ou les forêts où doit s’exercer le libre marché, sont traités avec des méthodes qui pourraient faire regretter les temps moins « démocratiques ». Aujourd’hui la liberté politique peut fort bien se combiner avec la répression sociale la plus féroce.” 
Il constate d’ailleurs à raison que tous les régimes modernes revendiquent le fait d’être “démocratique” et cite les exemples : Corée du Nord, seigneurs de guerre africains, les Etats-Unis, la Russie, les khmers rouges, Saddam Hussein… 

Il ne s’agirait donc pas de se battre vainement pour “la vraie démocratie” car la démocratie serait, à ce stade, un concept de la société marchande, “la démocratie des vendeurs libres et égaux de marchandises”. 

« Ne travaillez jamais ! »

Debord est à ajouter à la liste de ceux qui n’auraient pas été très sensibles à l’apologie du travaaaail façon Ruffin, Montebourg et Roussel

Pris hors contexte vouloir “sortir du travail” paraît un petit peu absurde ou choquant. Même si face à la morale du travail, cet éloge “du désoeuvrement”, du “ne rien faire” est une résistance bienvenue. 

Ce que désigne en réalité Debord par “travail” c’est le “travail aliéné”, c’est-à-dire non pas l’effort en tant que tel (avec ses revues, ses livres, ses films, Debord était en fait lui-même un “bosseur”…), mais “l’activité dont le produit est séparé de son producteur, qui ne reçoit que son salaire”. 

Si le travail dans la société contemporaine est souvent nocif et inutile, cela est dû essentiellement au fait qu’il ne sert qu’à accroître le capital, à transformer un euro en deux.

Anselm jappe

Il ne s’agit donc pas d’une attitude bohème mais d’aller plus loin qu’un simple changement juridique, que la “simple” accession des ouvriers à la propriété des moyens de production : car dans ce cadre ils continueraient à travailler dans des conditions aliénantes, ce qui s’est produit dans les pays communistes. 

Pour abolir le travail aliéné, les situationnistes (le mouvement autour de Guy Debord), plaçaient beaucoup d’espoir dans la technologie et l’automatisation de la production, un peu à la manière de Murray Bookchin dont nous parlions récemment (qui avait d’ailleurs rencontré Debord). Détourner l’industrialisation permettrait de libérer l’humanité du travail et baser la société sur le jeu et les loisirs – ce qui serait empêché par les rapports de production capitalistes. Cette technophilie a évidemment mal vieilli avec les enjeux écologiques. 

Après 1970, Guy Debord lui-même a compris ces derniers et a alerté sur les dangers que faisaient courir le “développement non maîtrisé des forces productives” et le nucléaire à la planète. 

Cela n’enlève pas toute actualité à cette critique du travail car comme le note Anselm Jappe “si le travail dans la société contemporaine est souvent nocif et inutile, cela est dû essentiellement au fait qu’il ne sert qu’à accroître le capital, à transformer un euro en deux. Produire des carottes ou plutôt des fusils, des chaussures ou plutôt des Playstation n’est qu’un aspect secondaire de ce processus. Voilà pourquoi on travaille beaucoup plus que nécessaire dans le monde contemporain, souvent dans des conditions horribles et pour produire des choses superflues. “Ne travaillez jamais” signifie donc d’abord se refuser à cette logique, ne pas se mettre à la disposition d’un système qui demande qu’on travaille, peu importe à quoi”. 

Sortir du spectacle (et du capitalisme)

Debord ne considère qu’aucune réforme n’est possible à l’intérieur de la société marchande et spectaculaire, il va donc falloir la renverser. 

Les contradictions du capitalisme vont aller en s’accroissant, en particulier celle qui consiste à fonder le mode de production sur l’exploitation du travail vivant tout en cherchant à toujours le réduire par l’utilisation des machines. Cela ne signifie pas pour autant qu’il s’autodétruira, qu’il mourra d’une crise endogène. Debord pense qu’il faut l’intervention d’un sujet extérieur – qui pourrait être le prolétariat, à condition qu’il se libère de la “manipulation exercée par les organisations bureaucratiques”.
Il faut donc une “action révolutionnaire immédiate” plutôt qu’attendre une “évolution graduelle et inévitable”.

Comme l’explique Anselm Jappe, Debord rompt ainsi avec une forme de matérialisme historique très déterministe, qui considérait que dans l’histoire, une classe, “porteuse de nouvelles forces productives” renverse les anciens rapports de production. Pour Debord cela est vrai pour la phase capitaliste-bourgeoise où la bourgeoisie “ a imposé son règne grâce à l’économie”, mais cela n’en fait pas une explication universelle de l’histoire. La conclusion pratique est que la révolution prolétaire “ne doit pas être conçue sur le modèle des révolutions bourgeoises”

Le ressenti à la fin de la lecture de l’excellent livre d’Anselm Jappe peut être un peu paradoxal : une sorte d’enthousiasme et un plaisir lié à la fois à la stimulation intellectuelle et à un style très percutant, balancée par une certaine angoisse de l’impuissance face à l’énormité des tâches à accomplir – car la négation est ici poussée à son paroxysme, et les moyens suggérés semblent par moments peu concrets et / ou hors de portée.
Dans le même temps, on est bien obligés de constater que le milieu que l’on appelle parfois d’« ultra-gauche », dans lesquels on retrouve une partie de celles et ceux qui sont influencés par la pensée de Guy Debord, est victime d’une répression extraordinaire, quasi d’ordre militaire, de la part de l’Etat – les derniers jours n’ont fait que le confirmer. Le reproche que l’on pourrait donc lui faire – une inoffensivité par excès de radicalité et d’exigence qui empêcherait des changements collectifs à grande échelle – est ainsi en partie neutralisé par les craintes manifestes de la bourgeoisie et de la bureaucratie qui y perçoivent une très grande subversion et un danger réel.

essai sur debord

Anselm Jappe, Un complot permanent contre le monde entier (2023), L’Echappée, coll. Versus, 16 euros, 192 pages


Rob Grams

Peinture : Thierry Ehrmann, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons


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